Créé en 2021 au festival d’Erl, à deux pas de la frontière bavaroise, la nouvelle production du Postillon de Lonjumeau
(1836) d’Adam fait étape à Francfort avec un plateau vocal en grande
partie renouvelée. De quoi découvrir ou redécouvrir le chef‑d’œuvre
lyrique d’Adam, rarement donné de nos jours, si l’on excepte la
production parisienne imaginée par Michel Fau en 2019. A Francfort, après La Juive d’Halévy,
c’est là une nouvelle occasion d’apprécier la musique délicieuse de
cette période, qui ne force jamais le trait de la virtuosité. A cet
effet, il faut en premier lieu féliciter le travail du chef Beomseok Yi,
qui tisse des phrasés très raffinés, entre allégements des textures et
parfaite imbrication avec le plateau.
Le plateau vocal, entièrement non francophone, se montre de belle tenue,
mais ne parvient pas tout à fait à relever le pari de la nécessaire
diction : c’est là un atout essentiel de ce répertoire qui requiert une
souplesse des transitions, ainsi qu’un modelé amoureux de chaque
syllabe. Dans le rôle‑titre, Francesco Demuro s’en sort bien de ce point
de vue, surtout au premier acte, qui fait la part belle à la
déclamation. Le deuxième acte le voit forcer quelque peu dans les
hauteurs périlleuses du suraigu, mais le ténor italien conserve ses
qualités d’élégance stylistique qui font tout le prix de son art. Il
compose un couple harmonieux au niveau théâtral avec la soprano
polonaise Monika Buczkowska-Ward, qui donne beaucoup de plaisir malgré
son français plus exotique. On est moins convaincu en revanche par le
Marquis de Corcy outrancier de Jarrett Porter, qui ne parvient pas à
trouver le ton juste de la comédie, pour ses interventions en grande
partie comique. On lui préfère de loin le désopilant Gabriel Wanka
(également chargé de la chorégraphie) pour incarner la servante Rose :
en jouant du trouble causé par l’interprétation de ce rôle par un homme,
la farce proche de Goldoni gagne en saveur, autant qu’en drôlerie.
Enfin, Joel Allison complète cette distribution avec un bel aplomb
scénique, avantagé par sa projection toujours finement dosée.
Le spectacle imaginé par Hans Walter Richter, nommé pour le prix du « meilleur spectacle de l’année » par le magazine Opernwelt,
gagne en saveur au fur et à mesure de la soirée, après un premier acte
d’exposition un rien poussif. La volonté d’enrichir l’action est
constante, avec une multitude de traits d’humour plus ou moins drôle,
comme les oppositions volontairement caricaturales entre bigotes et
ivrognes. On aime la figuration bon enfant du rythme infernal du
Postillon, cadencé par deux chevaux anthropomorphes, lors de l’air
célèbre « Mes amis, écoutez l’histoire ». L’idée de restreindre l’action
au décor unique d’un petit théâtre, dévoilé dans toutes ses facettes
(coulisses et scéniques), permet de montrer au spectateur tous les
artifices de la scène, autant que le recul nécessaire sur les
faux‑semblants à l’œuvre. Au‑delà de sa malice débonnaire et
volontairement maladroite, la reconstitution historique touche au but
par sa beauté plastique millimétrée dans chaque détail, des costumes aux
artifices scéniques.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
vendredi 7 mars 2025
« Le Postillon de Lonjumeau » d'Adolphe Adam - Hans Walter Richter - Opéra de Francfort - 06/03/2025
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire