vendredi 7 mars 2025

« Le Postillon de Lonjumeau » d'Adolphe Adam - Hans Walter Richter - Opéra de Francfort - 06/03/2025

Créé en 2021 au festival d’Erl, à deux pas de la frontière bavaroise, la nouvelle production du Postillon de Lonjumeau (1836) d’Adam fait étape à Francfort avec un plateau vocal en grande partie renouvelée. De quoi découvrir ou redécouvrir le chef‑d’œuvre lyrique d’Adam, rarement donné de nos jours, si l’on excepte la production parisienne imaginée par Michel Fau en 2019. A Francfort, après La Juive d’Halévy, c’est là une nouvelle occasion d’apprécier la musique délicieuse de cette période, qui ne force jamais le trait de la virtuosité. A cet effet, il faut en premier lieu féliciter le travail du chef Beomseok Yi, qui tisse des phrasés très raffinés, entre allégements des textures et parfaite imbrication avec le plateau.

Le plateau vocal, entièrement non francophone, se montre de belle tenue, mais ne parvient pas tout à fait à relever le pari de la nécessaire diction : c’est là un atout essentiel de ce répertoire qui requiert une souplesse des transitions, ainsi qu’un modelé amoureux de chaque syllabe. Dans le rôle‑titre, Francesco Demuro s’en sort bien de ce point de vue, surtout au premier acte, qui fait la part belle à la déclamation. Le deuxième acte le voit forcer quelque peu dans les hauteurs périlleuses du suraigu, mais le ténor italien conserve ses qualités d’élégance stylistique qui font tout le prix de son art. Il compose un couple harmonieux au niveau théâtral avec la soprano polonaise Monika Buczkowska-Ward, qui donne beaucoup de plaisir malgré son français plus exotique. On est moins convaincu en revanche par le Marquis de Corcy outrancier de Jarrett Porter, qui ne parvient pas à trouver le ton juste de la comédie, pour ses interventions en grande partie comique. On lui préfère de loin le désopilant Gabriel Wanka (également chargé de la chorégraphie) pour incarner la servante Rose : en jouant du trouble causé par l’interprétation de ce rôle par un homme, la farce proche de Goldoni gagne en saveur, autant qu’en drôlerie. Enfin, Joel Allison complète cette distribution avec un bel aplomb scénique, avantagé par sa projection toujours finement dosée.

Le spectacle imaginé par Hans Walter Richter, nommé pour le prix du « meilleur spectacle de l’année » par le magazine Opernwelt, gagne en saveur au fur et à mesure de la soirée, après un premier acte d’exposition un rien poussif. La volonté d’enrichir l’action est constante, avec une multitude de traits d’humour plus ou moins drôle, comme les oppositions volontairement caricaturales entre bigotes et ivrognes. On aime la figuration bon enfant du rythme infernal du Postillon, cadencé par deux chevaux anthropomorphes, lors de l’air célèbre « Mes amis, écoutez l’histoire ». L’idée de restreindre l’action au décor unique d’un petit théâtre, dévoilé dans toutes ses facettes (coulisses et scéniques), permet de montrer au spectateur tous les artifices de la scène, autant que le recul nécessaire sur les faux‑semblants à l’œuvre. Au‑delà de sa malice débonnaire et volontairement maladroite, la reconstitution historique touche au but par sa beauté plastique millimétrée dans chaque détail, des costumes aux artifices scéniques.

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