Kazuki Yamada |
Ambiance des grands soirs à la Philharmonie dans une salle remplie à
craquer, le tout en présence des caméras qui retransmettent l’événement
pour Arte: le public est-il venu pour le spectaculaire Te Deum de Berlioz ou pour la création mondiale du Deuxième Concerto pour piano
de Michael Jarrell (né en 1958)? A entendre les observations
dubitatives de quelques spectateurs à l’entracte («Dis donc, c’est pas
évident»), on pencherait évidemment pour Berlioz. Quoi qu’il en soit,
force est de constater que la musique de Jarrell semble tout à fait
abordable pour le novice, et ce d’autant plus que la durée assez brève
du Concerto, d’environ trente minutes, permet une concentration resserrée.
Des scansions initiales, entêtantes et inquiétantes, émergent peu à peu une mélodie qui se dégage de ce flot tumultueux: le jeu sur les sonorités embrase tout l’orchestre, très sollicité à l’instar du pianiste – ce dernier est souvent soutenu par le carillon tubulaire en fin de phrasés. Le climat général s’apaise ensuite, en un statisme étrange et envoûtant, marqué par quelques glissandi et brefs tutti. Ces variations d’intensité conviennent bien au piano véloce et précis de Bertrand Chamayou, très investi tout du long. La fin du mouvement voit le rythme ralentir plus encore, tandis que soliste et orchestre cessent de s’opposer pour tendre vers une fusion des timbres. Kazuki Yamada demande manifestement aux cordes de ne pas donner trop de nerf à cette dernière partie, avec un beau sens de la respiration aérienne.
Le court mouvement lent, volontairement hésitant et répétitif en son début, donne à entendre des cuivres aux sonorités morbides en arrière-plan, installant un certain suspens: on peine à deviner ce qui suit. Le piano semble désormais prendre le dessus sur l’orchestre, plus décoratif, avant d’entamer une course à l’abîme dans le mouvement conclusif aux nombreuses scansions. On pense parfois à l’art de Witold Lutoslawski, tandis que la fin un peu abrupte explique pourquoi le public met un peu de temps à lancer la salve d’applaudissements.
Après l’entracte, on ne peut s’empêcher de s’ébahir du nombre d’interprètes en présence pour le Te Deum de Berlioz (composé en 1849 d’après sa Messe solennelle
de 1824): outre l’orchestre pléthorique et ses pas moins de onze
contrebasses, huit harpes, quatre cymbales, la totalité des chœurs
emplit l’arrière-scène, soit environ 250 chanteurs – un chiffre
conséquent mais finalement bien éloigné des 800 chanteurs réunis par
Berlioz lors de la première représentation de l’ouvrage en 1855. On ne
peut une fois encore que se féliciter de l’existence de la Philharmonie,
qui permet de réunir ces effectifs, là où la salle Pleyel ne disposait
pas de la place requise sur scène. Après François-Xavier Roth en 2015,
c’est la deuxième fois que le Te Deum résonne ici, là où la Grande Messe des morts (Requiem, 1837) du même Berlioz – aux effectifs plus fournis encore – a été entendue plus souvent dans cet écrin (voir notamment en 2018 et en 2019).
Kazuki Yamada donne un geste lyrique à sa direction dont les tempi apaisés permettent une belle tenue d’ensemble: il est vrai que ce Berlioz monumental se montre ici moins aventureux qu’ailleurs dans les ruptures rythmiques, donnant souvent à entendre un chœur à l’unisson. D’où l’impression d’une musique très germanique, fidèle au modèle beethovénien et annonçant par endroits le Requiem allemand (1868) de Brahms. Yamada évite fort heureusement toute emphase, particulièrement dans les parties apaisées et plus chantantes, tout en respectant scrupuleusement les nombreuses nuances de la partition. Avec le «Te ergo quaesumus», l’unique intervention soliste du ténor Barry Banks est un enchantement baigné de lumière, tant il est vrai que le Britannique montre une aisance superlative sur toute la tessiture. Seul Thomas Ospital déçoit quelque peu dans ses interventions trop évanescentes. Le concert se conclut avec l’hymne du «Judex crederis», en un finale martial dont les dernières notes font croire au public la fin de l’œuvre: les applaudissements font rapidement place à la ravissante Marche pour la présentation des drapeaux et ses huit harpes déchaînées, achevant ce superbe concert sous les congratulations réciproques de l’ensemble des chœurs, manifestement heureux de l’achèvement de ce projet ambitieux.
Des scansions initiales, entêtantes et inquiétantes, émergent peu à peu une mélodie qui se dégage de ce flot tumultueux: le jeu sur les sonorités embrase tout l’orchestre, très sollicité à l’instar du pianiste – ce dernier est souvent soutenu par le carillon tubulaire en fin de phrasés. Le climat général s’apaise ensuite, en un statisme étrange et envoûtant, marqué par quelques glissandi et brefs tutti. Ces variations d’intensité conviennent bien au piano véloce et précis de Bertrand Chamayou, très investi tout du long. La fin du mouvement voit le rythme ralentir plus encore, tandis que soliste et orchestre cessent de s’opposer pour tendre vers une fusion des timbres. Kazuki Yamada demande manifestement aux cordes de ne pas donner trop de nerf à cette dernière partie, avec un beau sens de la respiration aérienne.
Le court mouvement lent, volontairement hésitant et répétitif en son début, donne à entendre des cuivres aux sonorités morbides en arrière-plan, installant un certain suspens: on peine à deviner ce qui suit. Le piano semble désormais prendre le dessus sur l’orchestre, plus décoratif, avant d’entamer une course à l’abîme dans le mouvement conclusif aux nombreuses scansions. On pense parfois à l’art de Witold Lutoslawski, tandis que la fin un peu abrupte explique pourquoi le public met un peu de temps à lancer la salve d’applaudissements.
Bertrand Chamayou |
Kazuki Yamada donne un geste lyrique à sa direction dont les tempi apaisés permettent une belle tenue d’ensemble: il est vrai que ce Berlioz monumental se montre ici moins aventureux qu’ailleurs dans les ruptures rythmiques, donnant souvent à entendre un chœur à l’unisson. D’où l’impression d’une musique très germanique, fidèle au modèle beethovénien et annonçant par endroits le Requiem allemand (1868) de Brahms. Yamada évite fort heureusement toute emphase, particulièrement dans les parties apaisées et plus chantantes, tout en respectant scrupuleusement les nombreuses nuances de la partition. Avec le «Te ergo quaesumus», l’unique intervention soliste du ténor Barry Banks est un enchantement baigné de lumière, tant il est vrai que le Britannique montre une aisance superlative sur toute la tessiture. Seul Thomas Ospital déçoit quelque peu dans ses interventions trop évanescentes. Le concert se conclut avec l’hymne du «Judex crederis», en un finale martial dont les dernières notes font croire au public la fin de l’œuvre: les applaudissements font rapidement place à la ravissante Marche pour la présentation des drapeaux et ses huit harpes déchaînées, achevant ce superbe concert sous les congratulations réciproques de l’ensemble des chœurs, manifestement heureux de l’achèvement de ce projet ambitieux.
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