Conçue par l’Opéra des Flandres en fin d’année dernière, la nouvelle production des Pêcheurs de perles de Georges Bizet (1838-1875)
fait halte à Luxembourg en ce début de printemps avec un plateau vocal
identique. Il est à noter que ce spectacle de très bonne tenue sera
repris début 2020 à l’Opéra de Lille avec des chanteurs et un chef
différents : une excellente initiative, tant s’avère réjouissant le
travail du collectif théâtral anversois « FC Bergman », dont c’est là la toute première mise en scène lyrique.
Ce collectif créé en 2008 a en effet la bonne idée de transposer
l’action des Pêcheurs de perles dans une maison de retraite, ce qui
permet au trio amoureux de revivre les événements les ayant conduits à
l’impasse : des doubles de Leïla et Nadir, interprétés par deux jeunes
danseurs, revisitent ainsi le superbe décor tournant, constitué d’une
immense vague figée qui symbolise les illusions perdues des
protagonistes. Le travail de FC Bergman fourmille de détails savoureux,
distillant quelques traits humoristiques bienvenus pour corser l’action
: ainsi du chœur des retraités aussi farfelu qu’attentif au respect de «
l’ordre moral ». Pour autant, la mise en scène n’en oublie pas de
dénoncer le tabou de la mort dans les maisons de retraite, donnant à
voir la fin de vie dans toute sa crudité. On rit jaune, mais on s’amuse
beaucoup de ce second degré qui permet d’animer un livret parfois
redondant et statique : de quoi compenser les faiblesses d’inspiration
de ce tout premier ouvrage lyrique d’envergure de Bizet, créé en 1863,
soit douze ans avant l’ultime chef d’œuvre Carmen. On notera également
quelques traits de poésie astucieusement traités au niveau technique,
tels ces doubles figés comme des statues aux poses acrobatiques
improbables, qui défient les lois de l’attraction terrestre. De même, le
ballet des tourtereaux en tenue d’Eve est parfaitement justifié au
niveau théâtral.
Face à cette mise en scène réussie, le
plateau vocal réuni se montre plus inégal en comparaison. Ainsi du
décevant Zurga de Stefano Antonucci, dont le placement de voix et la
justesse sont mis à mal par les redoutables changements de registres. Le
chant manque de l’agilité requise, avec une émission étroite dans
l’aigu, et plus encore étranglée dans le suraigu : le public, chaleureux
en fin de représentation, ne semble pas lui en tenir rigueur pour
autant. Il est vrai que le chant idéalement projeté d’Elena Tsallagova
(Leïla) emporte l’adhésion d’emblée par une diction au velouté sensuel,
d’une aisance confondante dans l’aigu. Il ne lui manque qu’un grave plus
affirmé encore pour faire partie des grandes de demain. A ses côtés,
Charles Workman (Nadir) assure bien sa partie malgré un timbre qui
manque de couleurs. On aime son jeu et sa classe naturelle qui apportent
beaucoup de crédibilité à son rôle. A ses côtés, le Chœur de l’Opéra
des Flandres manque sa première intervention, manifestement incapable
d’éviter les décalages dans les accélérations, avant de se reprendre
ensuite dans les parties plus apaisées.
L’une des plus belles satisfactions de la soirée vient de la fosse, où David Reiland (né en 1979) fait crépiter un Orchestre de l’Opéra des Flandres admirable d’engagement. Récemment nommé directeur musical de
l’Orchestre national de Metz (en 2018), le chef belge n’a pas son pareil
pour exalter les contrastes et conduire le récit en un sens dramatique
toujours précis et éloquent. David Reiland fait désormais parti de ces
chefs à suivre de très près.
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