samedi 14 avril 2012

« Nixon en Chine » de John Adams - Théâtre du Châtelet - 10/04/2012

Le Théâtre du Châtelet présente une nouvelle production du premier opéra du compositeur minimaliste John Adams. Une réussite principalement vocale à découvrir jusqu’au 18 avril 2012.

On pourra s’étonner de voir l’ancien président américain Richard Nixon et son homologue chinois, l’inamovible Mao Zedong, en personnages d’opéra. Rares sont en effet les spectacles lyriques qui revisitent l’histoire contemporaine en un temps aussi rapproché, ici près de quinze ans. La création de Nixon en Chine en 1987 à Houston, puis en 1991 à Bobigny, revient à une équipe insolite formée du compositeur John Adams, du metteur en scène Peter Sellars et de la poétesse Alice Goodman pour le livret. Le succès mondial rencontré donne à l’œuvre une immense notoriété qui ne s’est toujours pas démentie aujourd’hui.
Avec la visite de Nixon en Chine en 1972, le livret s’intéresse à un épisode central de la politique américaine du xxe siècle, celui du dégel des relations diplomatiques avec les pays communistes. Trop souvent réduit à sa fin pathétique (l’affaire du Watergate), le président en campagne pour sa réélection réalise alors un « coup médiatique », en confirmant le rapprochement avec la Chine maoïste déjà initié l’année précédente avec l’éviction de Taïwan du Conseil de sécurité de l’O.N.U.
Une mise en scène statique
Réflexion sur le pouvoir et les limites de celui qui l’exerce, l’opéra débute avec l’arrivée à Pékin du couple américain, accueilli par le Premier ministre chinois Zhou Enlai. La rencontre avec Mao n’apporte pas la joute attendue, le Grand Timonier préférant des élucubrations philosophiques plus ou moins ironiques. L’opéra peut ainsi apparaître déroutant avec son action trop souvent réduite à la seule parole des protagonistes, même s’il s’anime quelque peu dans sa deuxième partie.
Côté mise en scène, le chinois Chen Shi-zheng déçoit avec une absence de réel parti pris qui n’aide pas à soutenir le propos. À force de sobriété et de pudeur, il n’aide pas vraiment ses chanteurs, qui semblent un peu perdus sur la grande scène du Châtelet. On pourra certes admirer le travail sur les couleurs et la beauté plastique des décors minimalistes de Shilpa Gupta, mais l’ensemble est beaucoup trop statique pour convaincre.
Des chorégraphies et des chanteurs parfaits
Fort heureusement, Chen Shi-zheng se montre plus à l’aise avec les chorégraphies, particulièrement dans la grande scène dramatique où Nixon et sa femme assistent à une représentation théâtrale violente et corrosive. Le conseiller diplomatique Henry Kissinger y est brocardé sous les traits d’un maniaque obsédé par une jeune fille rétive, ici interprétée par la danseuse Veronica Endo, qui rivalise d’agilité et de grâce.
Mais c’est surtout au niveau vocal que le spectacle convainc pleinement. Alfred Kim interprète un Mao plus vrai que nature, à la démarche incertaine mais au verbe fort et lyrique. Son timbre clair et puissant égale celui de la parfaite Sumi Jo, qui compose une Madame Mao glaçante de bout en bout. Le couple Nixon apparaît légèrement en retrait, l’expérience de June Anderson (Pat Nixon) lui faisant compenser un timbre un peu fatigué dans les aigus par une présence scénique particulièrement touchante dans ses élans de naïveté. Les autres rôles sont impeccables, hormis le lourd Kissinger de Peter Sidhom, seule véritable déception concernant les chanteurs.
Reste à féliciter l’Orchestre de chambre de Paris (anciennement dénommé Ensemble orchestral de Paris) qui relève tous les défis techniques de la partition, même si on aurait aimé une direction davantage contrastée dans les subtiles césures d’Adams. Au final, une soirée satisfaisante malgré une mise en scène un peu sage. À voir pour les chanteurs et la musique toujours aussi envoûtante de John Adams.

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