jeudi 24 novembre 2011

« La Controverse de Valladolid » de Jean-Claude Carrière - Théâtre de l’Usine à Éragny-sur-Oise - 19/11/2011

Hubert Jappelle, pionnier du Off à Avignon, est installé depuis plus de trente ans dans le Théâtre de l’Usine qu’il a lui-même fondé dans une friche industrielle de l’agglomération de Cergy-Pontoise. Un lieu chaleureux et une troupe de tout premier ordre pour défendre une pièce beaucoup plus abordable que le sujet ne le laisse penser.

Un massacre, une extermination. Les chiffres éloquents de la conquête du Mexique par les Espagnols sidèrent encore aujourd’hui. De 1519 à 1650, avec les épidémies et les travaux forcés, la population amérindienne passe en effet de 25 millions de personnes à seulement un million. Alors que les colons exploitent les ressources du pays, l’évangélisation se réalise à marche forcée. Seules quelques voix s’élèvent dans l’intervalle, lorsque le dominicain Bartolomé de Las Casas et le théologien Juan Ginés de Sepúlveda s’opposent dans une controverse restée célèbre. Le premier défend la cause des Indiens tandis que le second ne voit que des hommes destinés à l’esclavage.

Alors que les deux religieux ne se sont certainement jamais rencontrés, confrontant leurs positions de manière épistolaire, l’écrivain et scénariste Jean-Claude Carrière relate ces débats en imaginant une entrevue arbitrée par un représentant de la papauté. L’efficacité du procédé dramatique de l’ouvrage paru en 1992 conduit la télévision et le théâtre à l’adapter dans la foulée sous la forme d’un huis clos passionnant. Le succès critique est au rendez-vous.

Une œuvre rare

Hubert Jappelle choisit de monter cette œuvre malheureusement bien rare sur les planches, avec force sobriété et réalisme, particulièrement les décors et costumes d’époque. Sur la scène, un damier de carreaux blancs compose un vaste échiquier, symbole de la joute à venir. Le légat du pape trône dans son fauteuil, entouré du Père supérieur du couvent et des deux avocats qui lui font face derrière leur table, attendant leur tour de parole. Le procès débute. Le légat invite les deux religieux à débattre des questions qu’il sera amené à trancher : les Indiens ont-ils une âme ? Sont-ils des hommes égaux aux Espagnols ou des êtres inférieurs à traiter en esclaves ?

Le représentant du pape est interprété par le chevronné Jean-François Maurier, impressionnant de sérénité avec son timbre grave et posé. Choix judicieux que ce spécialiste du répertoire de clown qui s’impose dans un rôle à contre-emploi comme avant lui Catherine Germain, incandescente Médée à Sartrouville. Dans le rôle de Sepúlveda, calme et habile procureur, Rafaël Batonnet frappe par une autorité très convaincante, particulièrement subtile lorsqu’il est mis en défaut par le légat. Face à lui, le Las Casas de Christophe Hardy fatigue à force d’outrance dans la première partie, avant d’emporter l’adhésion dans son acharnement humaniste. Les autres rôles sont parfaits, avec une mention pour l’étonnant bouffon de Nicolas Vogel.
Ce théâtre, accessible à tous, exigeant et simple à la fois, très respectueux de l’œuvre, donne à un public impressionnant de concentration toutes les raisons de se réjouir. Et de revenir très vite soutenir et applaudir une troupe qui démontre, s’il en était besoin, toute la vitalité créative des nombreux petits théâtres franciliens.

lundi 21 novembre 2011

« L’Importance d’être Wilde » de Philippe Honoré - Théâtre du Lucernaire - 17/11/2011

Comment résumer la vie et l’œuvre d’Oscar Wilde en seulement une heure dix ? Autour de ce pari difficile à tenir tant la matière est dense, Philippe Honoré et Philippe Person osent une adaptation décalée et humoristique, aussi laconique que percutante.
Oscar Wilde en a dérouté plus d’un. Génial esprit provocateur et corrosif à la repartie ravageuse, il n’a eu de cesse de dénoncer les hypocrisies de la haute société victorienne, particulièrement dans son unique roman, le Portrait de Dorian Gray (1891), ou dans ses différentes pièces de théâtre. Se jouant du succès comme des scandales, l’écrivain a bâti une œuvre aujourd’hui quelque peu éclipsée par le mythe d’une vie brisée, éteinte à seulement quarante-six ans. Criblé de dettes, cerné par ses ennemis et abandonné par son amant, sa vie s’est consumée rapidement après deux ans de travaux forcés et un exil douloureux en France, sanctionné par un enterrement anonyme dans un cimetière de banlieue parisienne.
À partir de ce riche matériau, Philippe Honoré, ancien directeur de théâtre et aujourd’hui libraire, choisit de mettre en avant aussi bien l’œuvre que la vie tumultueuse de Wilde. L’écrivain n’avait-il pas affirmé mettre tout son génie dans sa vie et seulement du talent dans son œuvre ? Rythmé en une douzaine de courts tableaux indépendants, fidèles à la chronologie de l’histoire, le texte d’Honoré suggère plus qu’il n’apporte de réponse, s’appuyant essentiellement sur le verbatim d’Oscar Wilde. Le début de la pièce fait ainsi la part belle au brillant des nombreux aphorismes, symbole des heures glorieuses et insouciantes de l’écrivain, ou à de rapides extraits des pièces restées célèbres telle l’Importance d’être constant.
Un savoureux bric-à-brac
Le « savoureux bric-à-brac » ainsi réuni par Honoré bénéficie surtout d’une mise en scène délurée et audacieuse de son compère Philippe Person, directeur du Lucernaire. Depuis plus de vingt ans, les deux hommes travaillent ensemble, s’intéressant aux figures littéraires bien connues de Proust, Shakespeare ou Hugo. Accompagnés de comédiens tout aussi fidèles, leur spectacle surprend par le sérieux du propos allié à une mise en scène décalée, qui prend constamment le spectateur par surprise.
Les trois comédiens, excellents, interprètent tous les rôles avec une complicité jubilatoire, particulièrement Wilde dans un chœur à trois voix alternées. Le marivaudage comique se marie subtilement à l’émotion, comme dans l’extrait de la scène finale de Salomé, qu’Anne Priol saisit avec une troublante intensité après avoir été interrompue à de multiples reprises par ses deux imprévisibles acolytes. Mais la folie du regard de Salomé laisse vite la place à un nouveau tableau, dans un élan toujours aussi haletant et fiévreux. Emmanuel Barrouyer et Pascal Thoreau ne sont pas en reste, particulièrement dans la scène des différentes lettres écrites par Wilde à son amant. Le comédien qui tend les missives s’éloigne peu à peu jusqu’à disparaître, symbolisant ainsi l’éloignement progressif et inéluctable des deux amants.
Si on peut regretter le poids quelque peu excessif accordé à la lecture des aphorismes, la pièce emporte l’adhésion grâce à des acteurs impeccables et une mise en scène très enlevée. Au final, ce spectacle constitue une bonne entrée en matière dans l’univers de Wilde pour le novice, et un bel hommage à la diversité et à l’ambivalence du personnage pour les amateurs de l’un des plus brillants esprits de son temps.

mardi 15 novembre 2011

Concert de l’Orchestre français des jeunes baroque - Théâtre des Bouffes du Nord - 07/11/2011

La formation baroque de l’Orchestre français des jeunes, dirigée par le bouillant Reinhard Goebel, défend un programme tout entier tourné vers les caractères de la danse au xviiie siècle. Une réussite autant humaine qu’artistique, saluée par un public enthousiaste.
Reinhard Goebel
L’Orchestre français des jeunes * est un « orchestre-école » renouvelé chaque année suite à un vaste concours organisé à travers toute la France, qui permet à une centaine de personnes âgées de 16 à 25 ans d’être formées au métier de musicien professionnel d’orchestre. Depuis 2006, un ensemble baroque vient compléter cette mission en proposant une formation de haut niveau sur instruments anciens, autour d’un répertoire compris entre les xviie et xviiie siècles. La préparation se conclut par une série de concerts dirigés par un maestro de renommée internationale, tel le claveciniste français Christophe Rousset ou le ténor écossais Paul Agnew dans le passé.
Comme l’année dernière, le chef d’orchestre allemand Reinhard Goebel a été choisi pour encadrer les jeunes instrumentistes en 2011. Artiste chevronné, il a acquis une réputation d’excellence suite aux récompenses obtenues par ses nombreux disques enregistrés à la tête du Musica Antiqua Köln, qui joue sur instruments d’époque. Contrairement à son collègue autrichien Nikolaus Harnoncourt, il est resté fidèle à un répertoire qui va de Bach et Telemann à celui des écoles de Dresde et Mannheim, en passant par Mozart.
Après Aix-en-Provence et avant Lausanne, l’écrin intime du Théâtre des Bouffes-du-Nord accueille la vingtaine de jeunes gens sélectionnés – aux deux tiers féminins –, auxquels s’ajoutent trois professionnels chargés d’assurer les premiers solos des rangs de hautbois, violons et violoncelles. Goebel propose un programme autour des compositeurs français Jean-Féry Rebel et André Campra, avant d’aborder les figures plus connues de Georg Friedrich Haendel et Johann Sebastian Bach en deuxième partie.
Un programme tourné vers le début du xviiie siècle
Peu jouée en concert de nos jours, la musique de Jean-Féry Rebel (1666-1747), élève de Lully, a déjà été défendu par Goebel au disque avec l’enregistrement de son ballet les Élémens en 1995. Le chef allemand choisit à nouveau de s’intéresser à ce répertoire en proposant des extraits des ballets les Caractères de la danse et la Terpsicore, qui permettent d’apprécier toute la fougue et la virtuosité propres à la musique de Rebel. C’est l’occasion pour les instrumentistes de démontrer avec force brio leur savoir-faire en la matière, aidés par le geste de Goebel, volontiers rageur, qui demande une concentration de tous les instants.
Avec André Campra (1660-1744) et les extraits de son opéra-ballet les Fêtes vénitiennes, la musique se fait plus anguleuse. On regrette alors une absence de respiration dans la direction de Goebel, la recherche de virtuosité tournant un peu à vide. On retrouve les mêmes défauts avec la Sonate en trio en sol majeur op. 5 nº 4 de Georg Friedrich Haendel (1685-1759), qui permet cependant de distinguer une belle cohésion des cordes de l’Orchestre français des jeunes baroque.
En fin de concert, Reinhard Goebel démontre toutes ses qualités d’accompagnateurs dans la Première suite en do majeur de Johann Sebastian Bach (1685-1750). Les deux hautbois et le basson sont parfaitement mis en valeur par une direction attentive et précise, toujours aussi vive, mais respectueuse de la polyphonie du Cantor de Leipzig.
Les jeunes instrumentistes obtiennent ainsi une ovation parfaitement méritée, fruit d’un engagement certain, mais également d’un visible plaisir à jouer ensemble. Aussi leur pardonnera-t-on d’avoir omis de faire applaudir leur chef d’orchestre, sans doute émus après cette soirée parfaitement maîtrisée. 

* L’autre concert parisien de l’Orchestre français des jeunes, sur instruments modernes, aura lieu à la Salle Pleyel le 19 décembre prochain. Le chef américain Dennis Russell Davies tiendra la baguette.

dimanche 13 novembre 2011

« Risotto » d’Amedeo Fago et Fabrizio Beggiato - MC 93 à Bobigny - 05/11/2011

Depuis 1978, Amedeo Fago et Fabrizio Beggiato nous invitent à contempler la préparation d’un risotto sur la scène d’un théâtre. Ce même rituel est donné à travers toute l’Europe, en Russie ou au Brésil. À chaque fois, la cuisson immuable du même plat, dont seuls quelques ingrédients changent, donne lieu au partage d’un repas avec les spectateurs qui ont survécu à cette expérience.


C’est l’histoire d’une amitié de cinquante ans. Deux hommes se rencontrent au lycée et vivent les évènements d’avril 1968 en Italie, un mois avant ceux de Paris. Dix ans après, les espoirs déçus, Amedeo Fago et Fabrizio Beggiato font le constat d’un rêve qui n’a pas su prendre forme, d’une réalité qui a repris ses droits. Amedeo, devenu scénographe, travaille pour tous les cinéastes de renom – Elio Petri, Marco Bellocchio, Ettore Scola ou Nanni Moretti. De son côté, Fabrizio embrasse la carrière universitaire en tant que spécialiste de philologie romane.

Sur le plateau, une marmite fumante posée sur une gazinière. Un bouillon est déjà en préparation. À côté, un plan de travail avec quelques ingrédients épars et une petite table ronde de restaurant. Le couvert est déjà mis. Amedeo entre, hésite quelque peu avant de s’asseoir, tandis qu’une voix off raconte des bribes du récit de l’amitié commune avec Fabrizio. On comprend rapidement que cet enregistrement n’est autre que la pensée d’Amedeo, qui se souvient pour tromper l’ennui. Il grignote en effet quelques gressins, ces petits biscuits apéritifs italiens bien connus, et joue machinalement avec quelques allumettes.

Dans le même temps, des extraits de films amateurs sont montrés en toile de fond. La voix off, qui se perd dans les détails du quotidien, dans ces petits riens de l’existence, s’appuie sur les quelques images de la vie du lycée des deux étudiants italiens ou des révoltes de 1968.

Un rituel obsessionnel et radical

Puis Fabrizio entre à son tour. Comme Amedéo, il est muet pendant toute la pièce. Comme son ami, sa pensée est traduite à travers la bande-son à deux voix alternées, pendant qu’il fait cuire un risotto, avec toute la méticulosité requise pour réussir son plat.

Le spectateur contemple ce spectacle, entre étonnement et impatience. Certains s’ennuient. La banalité factuelle du récit et la préparation du risotto désorientent. Ceux qui attendent des réponses sont rapidement déçus : c’est davantage un ressenti vers lequel les deux comédiens nous attirent. Leurs gestes répétitifs deviennent hypnotiques, tandis que le récit de la voix off, qu’elle soit Amedeo ou Fabrizio, berce l’auditeur par son accumulation de faits du quotidien, sans liens apparents entre eux et sans aucune recherche de sens.

Dès lors, le spectateur est conduit à entreprendre sa propre réflexion sur le sens de la vie, sur la répétition des gestes, des repas, des visites ou des ruptures. Chacun vit l’expérience de ces évènements, laissé à lui-même dans le minimalisme apparent de l’existence.
Par sa radicalité, le spectacle surprend constamment et nous tient curieusement en haleine avec ses comédiens muets, sa bande enregistrée omniprésente ou l’apparente banalité de ce qui nous est donné à voir et à entendre. On pense à l’incrédulité des premiers auditeurs du Boléro ou des admirateurs de l’art conceptuel d’un Marcel Duchamp. Certains resteront sur le carreau, d’autres seront fascinés. À vous de tenter l’expérience. 

mardi 8 novembre 2011

« Carmen » de Georges Bizet - Opéra de Massy - 04/11/2011

Alors que la cantatrice Jane Rhodes, créatrice du rôle-titre à l’Opéra Garnier en 1959, vient tout juste de nous quitter *, l’Opéra de Massy présente la nouvelle production mise en scène par Nadine Duffaut à Debrecen (Hongrie) en début d’année, et reprise ensuite à Avignon et Reims avec des chanteurs différents. Un spectacle de très bonne tenue.
On a tout dit sur Carmen. Partant sans doute de ce constat, Nadine Duffaut choisit de revenir aux sources de la nouvelle éponyme de Prosper Mérimée dont le narrateur est le malheureux Don José. La version originelle de l’opéra sans récitatif est ainsi choisie, rendant au drame toute son acuité par l’alternance de théâtre et de chant.
L’histoire est bien connue : José aime Carmen qui l’aime en retour, avant de lui en préférer un autre et précipiter à ses dépends le geste tragique de celui qui ne peut se résoudre à l’oublier. Le livret de Bizet ajoute le personnage de Micaela, amoureuse de José, préférée à Carmen par la mère du soldat. Nadine Duffaut met en avant ces deux rôles féminins, tout d’abord la mère qu’elle choisit de faire incarner physiquement alors que celle-ci n’a aucune partie à interpréter dans le texte original, puis Micaela, qui va porter le coup fatal en fin d’opéra, en lieu et place de José. Incapable d’empêcher le destin tragique de son fils, la mère impose sa présence dès l’ouverture auprès de Micaela, déclame elle-même le début de la lettre reçue par José, puis apparaît en toile de fond au moyen de la vidéo pendant le dernier acte. Au-delà de Carmen, le personnage du soldat apparaît comme totalement cerné par des femmes qui tentent de l’instrumentaliser jusque dans la mort de l’héroïne.
La production, qui transpose l’action dans les années 1950, se révèle visuellement très réussie, avec des costumes bariolés de couleur et des décors réalistes soignés. La mise en perspective de la rue en arrière-scène permet une déambulation des figurants très fluide, apportant un perpétuel mouvement, ainsi que de subtils jeux d’éclairages dans les scènes plus intimes.
Des chanteurs prometteurs
L’un des grands intérêts de cette production est de réunir un plateau de chanteurs exclusivement français, brillamment emmené par le ténor Florian Laconi (Don José), au tempérament dramatique porté par une diction impeccable et doté de tous les moyens vocaux du rôle, pourtant très lourd. La Carmen de Marie-Ange Todorovitch déçoit en comparaison. Avec une présence scénique féline et un beau timbre chaud, la mezzo-soprano interprète pourtant ce rôle depuis plus de dix ans sur les scènes françaises et belges. Mais force est de constater que la voix manque d’assise dans le médium, mettant souvent en péril la justesse de l’émission. Méforme vocale d’un soir ou réelles difficultés techniques les années passant ?
L’autre grand rôle féminin, celui de Micaela, est tenu par la soprano Nathalie Manfrino, l’un des grands espoirs révélé il y a cinq ans aux victoires de la musique classique. Très applaudie, on avoue être peu sensible à son timbre de voix, surtout dans l’aigu un peu forcé. Restent des pianissimos superbement tenus, d’une aisance naturelle confondante. À ses côtés, le baryton Pierre Doyen (Escamillo) ne remporte pas le même succès, peut-être en raison de son allure placide et de ses insuffisantes qualités d’interprète qui éclipsent un timbre superbe et de réelles qualités de projection. Les seconds rôles sont parfaits, plus particulièrement Julie Robart-Gendre (Mercedes) et Hadhoum Tunc (Frasquita), qui font jeu égal avec le rôle-titre dans le fameux trio des cartes du IIIe acte.
À la tête de l’orchestre national d’Île-de-France, excellente formation encensée par le magazine britannique Gramophone pour son action pédagogique, Fabien Gabel tisse des sonorités raffinées, dans un tempo un peu vif mettant souvent à mal ses chanteurs, notamment le chœur de l’Opéra d’Avignon au premier acte. Dans le célèbre air de la garde montante, les jeunes chanteurs de la maîtrise des Hauts-de-Seine s’en sortent mieux.
Autour d’une production globalement efficace, le plateau français réuni avec beaucoup d’à propos par la direction de l’Opéra de Massy, emporte l’adhésion d’un public enthousiaste, ravi de ce beau mélange de chant et de théâtre.

* La ville du Plessis-Robinson rend opportunément hommage à cette grande chanteuse, à l’occasion de l’exposition « Jane Rhodes, collection privée » qui se tient à L’Orangerie du 6 au 20 novembre 2011.

vendredi 4 novembre 2011

Imprévisible Maïwenn


Après la claque reçue avec le dernier film "Polisse" de Maïwenn, j'assistais hier à l'opportune reprojection de son premier film "Pardonnez-moi" dans le mythique Studio des Ursulines, une salle ouverte en 1926 pour projeter des films d'avant-garde, avant de devenir la première salle "Arts et essais" en France. On peut noter que cette salle est l'une des rares à refuser les cartes d'accès illimité des réseaux UGC ou Gaumont.


Ca n'est donc pas un hasard si l'association "Les couleurs de la toile" s'y est installée pour organiser des projections débats, chaque premier jeudi du mois à 20h30. Thème de l'année : les cinéastes apparus dans les années 2000. Ambiance très détendue, public jeune, l'idée étant de réunir les passionnés du 7e art et les faire se connaître au-delà de la projection. Le site partenaire Vodkaster prévoit même la poursuite de l'échange sur internet...



"Pardonnez-moi", premier film autobiographique de Maïwenn, est une claque magistrale que l'on prend en pleine figure. La réalisatrice interprète son propre rôle, sous le pseudonyme de Violette, une jeune femme qui filme sa famille et la contraint à s'interroger sur son passé, particulièrement la figure violente du père (Pascal Greggory, méconnaissable "ours") ou l'égoïsme et la superficialité de la mère (Marie-France Pisier, parfaite). Sont ainsi multipliés les points de vue à travers la caméra de Violette et celle de... Maïwenn. Son personnage de jeune femme perturbée et insatisfaite, immature et incontrôlable, est particulièrement pénible. Elle ne trouve ainsi aucun réconfort dans sa psychothérapie ou dans sa relation avec son petit ami. Sa grossesse même est traitée à l'arrière plan, comme un non évènement.

Dès lors, on s'attache à scruter les réactions de ce bout de femme fantasque et à interpréter les bribes d'explication brutes qui sont données. La caméra frémissante et nerveuse, la fantaisie assumée (merveilleuses scènes de fantasmes filmées), rythment le film admirablement en sa deuxième partie surtout. Des comédiens épatants jusque dans les seconds rôles font de ce film une incontestable réussite, malgré le caractère lourd du propos.


"Polisse", un des coups de coeur de l'année 2011 !

Avec son habituel ton franc et direct, ses dialogues percutants, Maïwenn vise encore juste dans ce récit du quotidien de la brigade de protection des mineurs. Dans ce film choral, la réalisatrice a su réunir là encore un casting de tout premier plan : Marina Foïs (ambigüe à souhait), Karine Viard (quel tempérament!) ou Joeystarr (intense) crèvent l'écran. Curieusement, malgré le sujet du film, on rit beaucoup. Jaune souvent. Des scènes dures aussi, mais finalement davantage suggérées que montrées. On pense bien sûr à cette incroyable scène où Joeystarr console un enfant abandonné par sa mère.

Au final, un film passionnant à recommander largement autour de soi. Courez-y !