mercredi 25 septembre 2013

Musique classique - Saison 2013 2014

Athénée - Théâtre Louis Jouvet

12 décembre au 5 janvier : La Grande Duchesse d'après La Grande-duchesse de Gérolstein de Jacques Offenbach, par les Brigands, défenseurs constants du répertoire Bouffe.

14 au 19 janvier : The Rape of Lucretia (Le Viol de Lucrèce) de Benjamin Britten, opéra de chambre avec les solistes de l'Atelier Lyrique de l'Opéra national de Paris.

24 au 30 janvier : L'Empereur d'Atlantis de Viktor Ullmann, opéra en un acte par l'Ensemble musical Ars Nova. Reprise à l'Opéra de Massy le 5 avril.

11 au 15 juin : La Colombe de Charles Gounod et Le Pauvre matelot de Darius Milhaud, deux productions issues de l'Opéra national du Rhin, chantées par les excellents "jeunes" de l'Opéra Studio.


Cité de la musique

26 février au 4 mars : Mitridate, re di Ponto de Wolfgang Amadeus Mozart. Production lyrique du Conservatoire de Paris qui propose ce rare opéra seria composé à seulement 14 ans.

8 mars : Apollo et Hyacinthus de Mozart, par l'ensemble Les Folies Françoises sous la direction de Patrick Cohën-Akenine. Premier véritable opéra de Mozart, alors âgé de 11 ans.

14 mai : Les Israélites dans le désert de C.P.E. Bach, Oratorio joué par la Capella Reial de Catalunya et le Concert des Nations dirigés par Jordi Savall.

19 juin : Orlando de Georg Friedrich Haendel, un des plus grands opéras de son auteur par le génial René Jacobs à la tête du Freiburger Barockorchester (en version de concert). 

Jordi Savall


Opéra Comique

16 au 19 novembre : Written on skin de George Benjamin. Reprise audacieuse de cet opéra créé triomphalement au Festival d'Aix-en-Provence en 2012.

10 au 20 janvier : Lakmé de Léo Delibes, avec la jeune soprano française Sabine Devieilhe.

12 au 22 mai : Ali-Baba de Charles Lecocq, opéra comique de cet auteur plus connu pour son chef d'oeuvre La Fille de Mme Angot.


Opéra national de Paris

Opéra

7 septembre au 9 octobre : Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti, avec un cast au sommet (Grigolo, Ciofi ou Yoncheva) à Bastille.

12 septembre au 7 octobre : Alceste de Christoph Willibald Gluck. Nouvelle production très attendue d'Olivier Py à Garnier.

16 septembre au 2 octobre : L'Affaire Makropoulos de Leoš Janáček. Reprise de la fascinante mise en scène de Krzysztof Warlikowski à Bastille.

10 octobre au 16 novembre : Aïda de Giuseppe Verdi. Là encore avec une nouvelle mise en scène d'Olivier Py, cette fois-ci à Bastille.

25 novembre au 19 décembre : I puritani (Les Puritains) de Vincenzo Bellini. Nouvelle mise en scène de Laurent Pelly à Bastille.

25 janvier au 14 février : Alcina de Georg Friedrich Haendel. Robert Carsen assure la mise en scène à Garnier.

1er au 28 février : La fanciulla del West (La Fille du Far-West) de Giacomo Puccini. Un opéra rarement joué en France, visible à Bastille.
 
Danse
3 au 21 mai : Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck. Reprise du sublime spectacle chorégraphiée par Pina Bausch à Garnier. A ne pas manquer.

Musique de chambre
L'occasion de passer une soirée intime à Garnier. Oeuvres du début du XXe siècle (13 octobre), In memoriam Elliot Carter (1er décembre), Bernstein, Gershwin et la musique cubaine (22 décembre), Cordes italiennes (2 mars), Cage, Ohana et Crumb (30 mars), Musique française du début du XXe siècle (13 avril), Ludwig Thuille et Beethoven (27 avril).

Olivier Py

Salle Pleyel

Un opéra en version de concert à ne pas manquer : La Bohème de Puccini avec Patrizia Ciofi (17 juin).

Et quelques superbes concerts en perspective : la poursuite de la série des concertos pour violon du XXe siècle interprétés par Gil Shaham (Korngold, le 19 février), le chef d’orchestre Ingo Metzmacher dans un programme américain (5 et 6 mars), la rare symphonique n° 5 de Dvořák (le 7 mars), les splendides Gurre-Lieder de Schönberg dirigés par rien moins que par Esa-Pekka Salonen (le 14 mars), un très beau programme Krauss/Haydn/Mozart par Giovanni Antonini (le 26 mars), l’Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam et Jansons dans les symphonies 4, 7 et 9 de Bruckner (du 30 mars au 1er avril), et encore du Bruckner mais cette fois-ci la 3e par Kent Nagano (le 16 mai).

Mariss Jansons

Théâtre du Châtelet

8 au 12 janvier : Einstein on the beach de Philip Glass. Reprise de la mise en scène originelle de Robert Wilson, créée en 1976.

20 au 29 janvier : La Pietra del paragone de Rossini, opéra qui lance véritablement la carrière de son auteur. Mise en scène de l'excellent Giorgio Barberio Corsetti.

1er au 12 avril : Into the Woods de Stephen Sondheim. Nouvelle production d'une comédie musicale de cet auteur, avec la même équipe que les années précédentes à la mise en scène et à la direction orchestrale.

5 au 13 mai : A Flowering Tree de John Adams. Là encore un habitué des lieux, avec cette fois l'Orchestre symphonique Région Centre Tours dirigé par Jean-Yves Ossonce.


Théâtre des Champs-Elysées

15 au 28 octobre : La Vestale de Gaspare Spontini. Jérémie Rhorer à la direction, Béatrice Uria-Monzon dans le rôle-titre. Assurément à ne pas manquer !

15 novembre : Norma de Vincenzo Bellini, autour d'une équipe réunie par l'excellent Evelino Pidò.

20 février : Le Villi de Giacomo Puccini. Premier opéra du compositeur.

10 juin : L'Italienne à Alger de Gioachino Rossini, avec Roger Norrington à la direction et Marie-Nicole Lemieux dans le rôle d'Isabella.

14 juin : Fidelio de Ludwig van Beethoven, avec Jérémie Rhorer à la direction. Malin Byström
et Nikolaï Andrei Schukoff chantent les rôles de Léonore et Florestan.

Roger Norrington

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MC 93 à Bobigny

22 au 31 mars : Don Giovanni de Wolfgang Amadeus Mozart. Encore une occasion de découvrir ou redécouvrir les talentueux solistes de l'Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris dans l'un des chefs d'oeuvre de Mozart. Egalement présenté au Théâtre de la Piscine à Châtenay-Malabry (92) du 24 au 26 mai.


Théâtre d'Herblay

25 mai au 5 juin : Le Consul de Gian Carlo Menotti. Une oeuvre rarissime, avec l'Orchestre Pasdeloup.


Opéra de Massy

Outre l'irrésistible Falstaff de Giuseppe Verdi (15 au 17 novembre), on s'intéressa à deux raretés : Un train pour Johannesburg d'après Lost in the Stars de Kurt Weill (le 7 février, mis en scène par l'excellent Olivier Desbordes) et L'Empereur d'Atlantis de Viktor Ullmann (le 5 avril, voir aussi au Théâtre de l'Athénée, plus haut).

Nouveau Théâtre de Montreuil

24 au 26 décembre : Bells are ringing de Betty Comden et Adolph Green. Mise en scène de Jean Lacornerie. Egalement présenté au Théâtre de la Piscine à Châtenay-Malabry (92) le 22 janvier.

Opéra de Versailles

22 octobre : La Caravane du Caire d'André Gretry, dirigé par Guy Van Waas et son ensemble Les Agrémens.

23 mars : Artarserse de Leonardo Vinci. Opéra oublié récréé en 2012. Ici interprété notamment par Max-Emmanuel Cencic. Le Concerto Köln est dirigé par Diego Fasolis.


Diego Fasolis

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Opéra national de Bordeaux

23 septembre au 3 octobre : Lucio Silla de Mozart. Avec Jane Glover à la direction musicale.

27 mai au 8 juin : Anna Bolena de Gaetano Donizetti


Opéra national de Lorraine

4 au 12 octobre : Turandot de Puccini. Mise en scène de Yannis Kokkos.

5 au 11 décembre : Candide de Leonard Bernstein. Mise en scène de Sam Brown.


Opéra de Lyon

1er au 9 février : The Tender Land de Aaron Copland. Mise en scène de Jean Lacornerie, au Théâtre de la Croix-Rousse.

12 au 25 avril : Curlew River de Benjamin Britten. Mise en scène d'Olivier Py dans le cadre du Festival Britten.

7 au 22 juin : Simon Boccanegra de Verdi. Mise en scène de David Bösch.


Opéra de Rennes

29 décembre au 3 janvier : La Revue des Ambassadeurs de Cole Porter. Avec Larry Blank à la direction musicale.


Opéra national du Rhin

8 au 13 décembre (Strasbourg), 8 et 10 janvier (Mulhouse) : Rigoletto de Verdi. Mise en scène de Robert Carsen.

14 au 25 mars (Strasbourg), 11 et 13 avril (Mulhouse) : Le Roi Arthus de Ernest Chausson. Avec Franck Ferrari dans le rôle-titre.

2 au 9 mai (Strasbourg), 17 mai (Mulhouse) : Doctor Atomic de John Adams. Avec Lucinda Childs à la mise en scène.

Robert Carsen

Opéra de Saint-Etienne

14 et 16 février : Les Barbares de Camille Saint-Saëns. En version de concert. Avec Laurent Campellone à la direction musicale.


Opéra de Toulouse

22 au 31 décembre : Hänsel et Gretel de Engelbert Humperdinck. Comme dans la récente production parisienne, c'est Claus Peter Flor qui assurera la direction musicale, mais côté mise en scène on retrouvera Andreas Baesler aux commandes.

15 au 29 juin : Daphné de Richard Strauss. Hartmut Haenchen sera dans la fosse, tandis que Camilla Tilling chantera le rôle-titre.


Opéra de Tours

27 au 31 décembre : Passionnément d'André Messager. Une des toutes dernières opérettes du compositeur français.


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Opéra d'Amsterdam

Marc Albrecht sur tous les fronts puisqu'il assurera la direction musicale de deux opéras assez rarement joués,  Le Joueur de Prokofiev (du 7 au 29 décembre) et Arabella de Richard Strauss (du 11 avril au 2 mai).


Opéra de Bruxelles

3 au 22 décembre : Hamlet d'Ambroise Thomas. Avec Marc Minkowski à la direction et Olivier Py à la mise en scène, incontestablement l'un des événements lyriques de ce début de saison.

21 janvier au 7 février : Jenufa de Leoš Janáček. Sally Matthews chantera le rôle-titre.

8 au 23 mai : Rigoletto de Verdi. Avec Robert Carsen à la mise en scène.

Marc Minkowski
Opéra de Zurich

9 avril au 17 mai : Il Matrimonio Segreto de Domenico Cimarosa. Irrésistible chef d'oeuvre du compositeur.

lundi 23 septembre 2013

« L'Anniversaire » de Harold Pinter - Théâtre du Vieux-Colombier - 18/09/2013

Le retour d’une œuvre du grand dramaturge britannique Harold Pinter à la Comédie-Française était un évènement vivement attendu. Malheureusement, une mise en scène bien trop sage plombe un spectacle rapidement ennuyeux faute d’une direction d’acteurs serrée. 

Si l’on doit à Roger Blin et Claude Régy la découverte de l’œuvre de Harold Pinter en France dans les années 1960, il a fallu attendre un peu plus longtemps pour que la Comédie-Française l’inscrive à son répertoire en 2000, avec son chef-d’œuvre, le Retour. Et tout cela par la grâce d’un opportun décret de 1995 qui a enfin offert la possibilité d’une présentation des auteurs étrangers vivants dans la salle Richelieu, lieu emblématique qui détermine seul l’inscription au fameux répertoire de l’Institution. C’est ainsi que le britannique Tom Stoppard a été le premier à recevoir les honneurs d’une représentation avec sa pièce Arcadia * en 1998, tout juste avant Pinter. Mais la volonté d’extension du répertoire traditionnel, dévolu aux inévitables Molière, Corneille ou Racine, a surtout été rendue possible lors de l’adjonction des deux autres salles à la jauge plus petite, le Théâtre du Vieux Colombier en 1993, puis le Studio Théâtre du Carrousel du Louvre en 1996.
C’est précisément au Vieux-Colombier que s’effectue le grand retour de Pinter dans la prestigieuse institution, avec l’Anniversaire, pièce de jeunesse contemporaine du Monte-Plats dont elle reprend plusieurs éléments, notamment l’unité de lieu en forme de huis clos étouffant ou l’étrange et parfois désopilante relation de domination entre les deux truands. Il est ici question d’un couple ordinaire, Meg et Peter, qui gèrent une pension de famille pourvue d’un unique client, l’indolent Stanley. Décrite avec une acuité féroce, la banalité du quotidien sur lequel personne ne semble avoir prise, cristallise l’attente et l’ennui. Quand surgissent deux malfrats aux airs inquiétants, la pièce bascule dans un affrontement absurde entre les personnages dont les motivations restent énigmatiques et insaisissables.
Combler les manques
On retrouve ainsi le théâtre de la menace cher à l’auteur, au langage savoureux à force d’ellipses et de sous-entendus. C’est bien à l’auditeur de construire sa réflexion, de combler les manques qui jaillissent inévitablement. Mais ce théâtre-là n’est pas que cérébral, il assoit aussi son intérêt sur un comique distillé avec finesse, entre contre-pieds permanents ou simple répétition de ritournelles auxquelles se raccrochent les personnages, souvent pathétiques à force de médiocrité. Une intention marquante voulue par Pinter dès le début de la pièce, lorsque prend place la terrible épreuve matinale du sempiternel petit déjeuner entre époux qui n’ont rien à se dire. L’épouse soumise fait l’effort d’une conversation rapidement stérile, irrésistible par sa banalité désopilante.
La très belle scénographie d’Yves Bernard construit un intérieur aux teintes froides, sans éléments de décor extravagants hormis un vélo d’appartement en bord de scène. L’épure ainsi suggérée symbolise finement l’aisance matérielle, mais également le peu de personnalité et de fantaisie de ce couple intellectuellement creux. Ce beau décor glacé reste ainsi figé pendant toute la durée de la pièce, sans qu’aucun mouvement de plateau (pour modifier les angles de vue) ou ajout d’accessoires ne soient sollicités. Les éclairages très réalistes n’apportent pas plus de fantaisie à l’ensemble alors que l’on pouvait s’attendre à davantage de contrastes au vue des magnifiques photographies réalisées par Christophe Raynaud de Lage pour le programme de salle ou, plus largement, pour la promotion de la pièce. Bien entendu, une telle conception peut se concevoir à condition de bénéficier d’une direction d’acteur serrée. Mais c’est précisément là que le bât blesse.
Des comédiens sur la retenue
Très cinématographique, la mise en scène de Claude Mouriéras peine à dépasser la seule volonté d’une beauté plastique élégante. La première partie dévolue au comique de situation est ainsi sous-interprétée par des comédiens qui semblent se retenir, hésitant à affronter la face triviale de leur personnage. On aurait ainsi aimé moins de réserve dans le jeu de Cécile Brune, impeccable Meg aux accents lunaires, qui manque quelque peu de sensualité pour manifester ses élans érotiques envers Jérémy Lopez (Stanley). Ce dernier interprète le charmeur indolent avec toute l’arrogance nécessaire, mais trop univoque, laisse de côté l’animalité trouble et sous-jacente qui enrichit son rôle. Seul Nicolas Lormeau semble à sa place dans l’incarnation du mari absent, délicieusement ahuri et indifférent aux évènements jusqu’à la révélation finale. Mais la grande déception vient surtout des deux truands, auxquels ni Éric Génovèse (caricatural dans l’autoritarisme et peu crédible séducteur) ni Nâzim Boudjenah (bien terne) n’apportent de crédibilité.
Alors, évidemment, ces impressions au soir de la première invitent à la prudence. On se doute que des comédiens aussi chevronnés vont rectifier le tir au fil des représentations pour trouver davantage de rythme et d’énergie. Mais impossible pour l’instant de conseiller d’aborder l’œuvre de Pinter avec cette production trop sage et sans éclats – tout en rappelant que d’autres grandes maisons s’y sont cassé les dents dans le passé. Fort heureusement, il nous reste à vous recommander chaudement une autre œuvre de Pinter, Une sorte d’Alaska, visible au Théâtre des Déchargeurs jusqu’à la fin de l’année.

samedi 14 septembre 2013

Festival Enescu - Bucarest (Roumanie) - 04/09 et 06/09/2013

Visiblement inspiré devant son public, l’immense pianiste roumain Radu Lupu nous offre un récital de haute volée, point d’orgue du méconnu mais pourtant remarquable Festival Enescu de Bucarest.
Radu Lupu

Nous n’irons pas jusqu’à vous dire que Bucarest est la plus belle ville d’Europe. Meurtrie par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, un tremblement de terre en 1977, puis les projets pharaoniques de son dictateur Ceaușescu (qui fit raser des quartiers historiques entiers pour élever son palais du Peuple), la ville n’échappe pas aujourd’hui à la crise économique, reportant la coûteuse mais nécessaire rénovation des bâtiments anciens. Le visiteur attentif pourra aisément remarquer les traces nombreuses d’un passé architectural glorieux, qui permit à la ville de mériter le surnom de « Petit Paris » pendant l’entre-deux-guerres. Point de départ idéal pour visiter la Roumanie, Bucarest dispose également de nombreux atouts culturels, des musées attractifs – au premier rang desquels la maison (1) du compositeur roumain George Enescu (1881-1955), ainsi qu’un festival de musique d’envergure internationale.
Injustement méconnu, le Festival Enescu de Bucarest organise tous les deux ans en septembre l’une des manifestations musicales les plus prestigieuses d’Europe, qui égale en importance ses rivales Lucerne ou Londres (« B.B.C. Proms »). La plupart des meilleures phalanges, dont le célèbre orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, y sont en effet invitées en compagnie d’interprètes talentueux tels que Jordi Savall, Evgeny Kissin ou Murray Perahia. Les quelques 200 concerts organisés le sont à un tarif accessible (environ 20 € au plus, voire gratuit en ce qui concerne l’avant-garde roumaine), tout en étant retransmis à la télévision nationale et sur Internet. Si l’ensemble du répertoire est célébré, du baroque à la musique contemporaine, la particularité de ce festival est d’imposer aux orchestres étrangers d’inscrire au moins une œuvre de George Enescu à leur programme, telles ses savoureuses Rhapsodies roumaines ou son unique opéra Œdipe qui reviennent à chaque édition comme autant d’incontournables.
La vitalité attachante d’Enescu
Très peu jouée en dehors de son pays, la musique d’Enescu bénéficie ainsi d’un éclairage idéal pendant trois semaines, passeport indispensable pour aller plus loin encore dans la découverte de ce compositeur intensément admiré par ses élèves, parmi lesquels le violoniste Yehudi Menuhin. Si Enescu a longuement vécu en France, reposant au cimetière du Père-Lachaise depuis sa mort, force est de constater que notre pays l’honore bien peu. Pourtant, son œuvre foisonnante et lyrique déborde d’une vitalité attachante qui embrasse de multiples influences, des amples phrasés brahmsiens aux polyphonies très élaborées de son temps. Son imagination débordante et incontestablement originale s’exprime cependant dans un enchevêtrement virtuose parfois difficile à suivre, qui nécessite des interprètes capables d’en révéler les subtils arcanes.
L’Orchestre de Paris et son chef estonien Paavo Järvi sont incontestablement de ceux-là. Directeur musical depuis 2010, Järvi a imposé sa pâte sonore à une formation qui a beaucoup progressé : direction tranchante, variété des climats et relecture personnelle sont toujours au rendez-vous. Ainsi, aucune des difficultés techniques de la Symphonie nº 1 d’Enescu, ici interprétée (2), n’échappe à ces artistes vivement applaudis. On pourra regretter néanmoins le caractère systématique des options choisies par Järvi, notamment des variations de tempo artificielles (accélération dans les mouvements rapides et lyriques qui contraste avec la modération accentuée des passages lents). Ce canevas appliqué à chaque interprétation corsète quelque peu l’émotion, mais libère un souffle glacial très impressionnant, la Symphonie nº 5 de Prokofiev ressemblant ainsi étrangement à la 2e (dite « de fer et d’acier »).
Un héros national
Mais l’un des sommets de ce festival a été atteint lors du récital intense du grand pianiste Radu Lupu, venu interpréter deux sonates de Schubert, son compositeur de prédilection. Imaginez la salle de 800 places de l’Athénée roumain, dans le cœur historique de Bucarest, emplie à craquer avec ses allées qui exhalent une nervosité fébrile dans l’attente du héros national. Sa barbe désormais totalement blanche rehaussant plus encore ses faux airs de patriarche orthodoxe, le célèbre pianiste s’avance et salue la foule déjà conquise. Pendant que les premières notes résonnent dans la salle circulaire au charme unique, le félin confirme qu’il n’a rien perdu de sa superbe, se jouant aisément des difficultés techniques avec cette respiration sereine si caractéristique. Le piano semble délicatement caressé pour obtenir des phrasés subtils et inattendus, qui nimbent la musique de Schubert d’une grâce et d’une poésie sans cesse revisitées.
Près de la scène par l’effet d’un retard impromptu, il m’est donné de savourer ce moment debout, tourné vers la salle recueillie. Comme dans l’ouverture de la Flûte enchantée de Mozart filmée par le cinéaste suédois Ingmar Bergman, mon regard vagabonde et se porte alternativement sur chaque personne, jusqu’à trouver le visage rayonnant d’une vieille dame ivre de félicité face aux délices du maître. Troublant bonheur physique partagé entre deux êtres qui savent que ces instants rares se goûtent sans modération. 

(1) Reconvertie en musée et qui accueille en ce moment une exposition fêtant les 100 ans de la naissance du chef d’orchestre roumain Constantin Silvestri (1913-1969). En début d’année, E.M.I. avait déjà édité un opportun coffret des enregistrements symphoniques (hors concertos) du maître, tandis que l’institut culturel et l’ambassade de Roumanie rendent hommage à Silvestri lors d’un concert en la salle Byzantine du magnifique palais de Béhague (VIIe arrondissement), le lundi 16 septembre 2013.
(2) On regrette le manque d’audace des programmateurs de la Salle Pleyel à Paris qui ne saisissent pas l’occasion de faire jouer cette œuvre lors des deux concerts parisiens des 23 et 24 octobre 2013. Comme à Bucarest, la Symphonie nº 5 de Prokofiev y sera en effet interprétée, mais accompagnée cette fois de l’ouverture Rouslan et Ludmilla de Glinka puis du Concerto pour piano nº 1 de Tchaïkovski.