samedi 25 mars 2017

Concert de l'Orchestre national de France - John Storgårds - Auditorium de la Maison de la Radio - 23/03/2017

John Storgårds
On ne cachait pas notre impatience de découvrir hier soir le chef d’orchestre finlandais John Storgårds en concert avec l’Orchestre national de France à Paris, qui plus est dans un superbe programme franco-nordique. L’ancien élève de Jorma Panula s’est en effet illustré depuis plusieurs années comme un spécialiste du répertoire de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, gravant plusieurs disques réussis à l’instar de ceux consacrés à Madetoja et Zemlinsky. Las, la déception n’en a été que plus grande, surtout en ce qui concerne la Deuxième Symphonie «Les Quatre Tempéraments» (1902) de Nielsen, l’une des œuvres les plus attendues du programme du fait de sa rareté dans nos contrées.

John Storgårds l’aborde de manière virile avec des attaques cravachées et sèches qui évitent de privilégier un groupe d’instruments au détriment d’un autre. Ce sera là l’un des choix principaux du chef finlandais dans les tutti, rendant difficile l’expression des mélodies imbriquées à travers tout l’orchestre. Si on peut comprendre la volonté d’exalter les tempéraments sanguins ici à l’œuvre, force est de constater que Storgårds n’évite pas une certaine confusion, nous éloignant de la compréhension de l’architecture globale de l’œuvre. Oserons-nous dire, aussi, qu’une telle optique fortissimo atteint les limites acoustiques de la salle, rapidement saturée en la matière? A l’inverse, le Finlandais surprend par le soin apporté aux moindres inflexions dans les passages pianissimo, allégeant la pâte sonore pour mieux faire entendre chaque détail. Plus à l’aise avec les effluves mahlériens de l’Andante malinconico, Storgårds se prend les pieds dans le tapis avec des tempi aussi dantesques que ridicules dans l’Allegro sanguineo conclusif: la mélodie fouettée jusqu’à l’écœurement disparait au profit de la seule rythmique, avant que les dernières notes de ce Finale ne s’éteignent dans un statisme peu spectaculaire en contraste.


En première partie, de tels partis pris conviennent mieux à la musique de Sibelius, plus lisible en comparaison. La fantaisie symphonique La Fille de Pohjola (1906) se pare de couleurs et de détails avec des piani qui respirent, tandis que les tutti résonnent là encore dans un fracas en contraste. Cette lecture donne davantage de modernité à l’œuvre, même si la toute fin déroute encore une fois avec des attaques molles et alanguies, le tout dans une expression quasi inaudible.

Fanny Clamagirand
Le concert se poursuit avec la création mondiale du Concerto pour violon «Missing», composé par Edith Canat de Chizy (née en 1950). Rien de surprenant à cela tant on pourra se souvenir que l’Orchestre national de France s’est souvent attelé à défendre la création contemporaine nationale, autour notamment des œuvres de Messiaen, Varèse et Dutilleux. Si Canat de Chizy revendique les influences d’Ohana et Xenakis, c’est surtout audible dans la profusion de sonorités délicatement abordées par l’ensemble de l’orchestre en des ambiances mystérieuses et subitement interrompues. Si l’on peine quelque peu à percevoir une ligne directrice, le tout se laisse écouter sans déplaisir grâce aux jeux entre soliste et percussions (au début et à la fin de l’œuvre), jusqu’aux nombreux et ensorcelants glissandos dans l’aigu – une des marques de fabrique de la Française.

En bis, la violoniste Fanny Clamagirand démontre toute sa sensibilité expressive dans l’étagement parfaitement maîtrisé de l’Andante de la Deuxième Sonate de Bach, tout en conservant une sonorité admirablement chaleureuse. C’est là l’une des rares satisfactions d’une soirée en demi-teinte du fait des choix déroutants du chef d’orchestre, mais aussi d’un programme résolument trop court avec un concert incluant un entracte mais terminé à seulement 21 heures 40. Ce n’est sans doute pas là un signal fort permettant d’attirer davantage de public dans la salle bien clairsemée de la Maison de la radio.

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