mercredi 18 avril 2018

« Jenůfa » de Leos Janácek - Opéra de Poznan - 15/04/2018


Quel plaisir de retrouver la superbe Jenůfa montée à Bruxelles en 2014 par Alvis Hermanis! Ce spectacle repris un peu partout en Europe n’appelle que des éloges, tant son originalité intemporelle séduit toujours. On reste bluffé par l’audace de la transposition des deux actes extérieurs façon kabuki, portés par des costumes traditionnels bohémiens tous plus beaux les uns que les autres: avec des costumes uniques pour chaque personnage (y compris pour les membres du chœur), Alvis Hermanis a porté un soin méticuleux à l’aspect visuel, pas kitsch pour un sou grâce aux motifs art nouveau élégamment repartis sur la scène en projection vidéo.

La direction d’acteurs, toujours pertinente, assure aux solistes la primeur de l’avant-scène, tandis que se développe derrière eux le ballet hypnotique d’une douzaine de danseuses enserrées dans une sorte de frise irréelle et vénéneuse. La surprise n’est que plus grande au deuxième acte, lorsque ce luxe disparait au profit de l’intérieur sordide de la masure de Jenůfa (elle-même grimée en habits contemporains à l’instar de ses comparses): c’est là le cœur de l’ouvrage, bouleversant, qui trouve ici un éclairage à sa mesure.


Halte est faite aujourd’hui à Poznan pour deux représentations, avec les forces locales réunies pour le meilleur: chœur, ballet et orchestre bien sûr, mais également les solistes, polonais pour la plupart. Tous participent au grand succès rencontré auprès du public venu en nombre et particulièrement chaleureux à l’issue du spectacle. Une standing ovation vient ainsi donner une juste récompense à des solistes tous investis jusqu’aux moindres seconds rôles. Quelle découverte, aussi, que l’incandescente Kostelnicka d’Helena Zubanovich, mezzo-soprano régulièrement invitée à Poznan et Munich. On comprend pourquoi, tant les nombreuses prises de risque au niveau vocal portent haut son autorité et ses élans dramatiques. Une vraie tragédienne que l’on souhaiterait pouvoir entendre en France dans les grands rôles déjà à son répertoire (Azucena, Amneris, etc).


A ses côtés, Ilona Krzywicka (Jenůfa) assure bien sa partie au moyen de phrasés harmonieux et d’un timbre superbe. On aimerait seulement une attention plus soutenue au texte afin d’être pleinement emporté. C’est là la grande force d’Olga Maroszek, vibrante Starenka, aux graves admirablement cuivrés. Les hommes sont un ton en dessous, sans être indignes toutefois. Titusz Tóbisz incarne un touchant Laca, aux attaques franches admirables de panache, malgré un timbre un rien fatigué. Gergely Neméti (Steva Buryja) est plus pâle en comparaison, avec une émission trop étroite, tandis que Rafal Korpik compose un solide Stárek. On mentionnera enfin la belle direction de Katarzyna Tomala qui s’intéresse à la progression dramatique en un geste architecturé mettant en valeur l’individualité des pupitres.

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