lundi 23 janvier 2012

« Dialogues des Carmélites » de Francis Poulenc - Opéra de Massy - 13/01/2012

Chef-d’œuvre de son auteur Francis Poulenc, l’opéra « Dialogues des carmélites » fascine par sa perfection formelle et l’intransigeance de son message spirituel. L’Opéra de Massy le présente dans une distribution vocale de tout premier plan, sous la direction du chef d'orchestre Yoel Levi.

Sylvie Brunet
Compiègne, avril 1789. Alors que la foule gronde au dehors, annonciatrice des évènements sanglants à venir, le Marquis de la Force s’inquiète du devenir de sa fille Blanche, décidée à rejoindre le couvent. Confrontée à Madame de Croissy, prieure âgée et malade, la jeune novice doit prouver la pleine conscience de son engagement et des responsabilités qui en incombent. Déterminée et intransigeante, Blanche s’oppose au caractère aimable et enjouée de Sœur Constance, l’une des seize carmélites qui va périr avec elle sous l’échafaud.

À partir d’une histoire vraie, le chef-d’œuvre de Francis Poulenc s’appuie sur un scénario de cinéma posthume de Georges Bernanos, lui-même inspiré d’un ouvrage de Gertrud von Le Fort. Immense succès à sa création en 1957, Dialogues des carmélites est désormais solidement installé au répertoire des grandes maisons d’opéra qui ont les moyens de proposer une distribution de qualité. L’Opéra de Massy relève le défi avec brio, parvenant à réunir deux des chanteuses (Karen Vourc’h et Sylvie Brunet) qui avaient triomphé à Nice l’an passé dans la mise en scène de Robert Carsen.

Un « noir-lumière » irréel

Celle d’Éric Perez nous plonge d’emblée dans le drame autour de décors gris-noir, rappelant les « noir-lumière » chers à Pierre Soulage. Jouant sur la géométrie des volumes plus ou moins resserrés selon les douze tableaux qui composent l’opéra, la scène dépouillée et austère conserve quelques rares éléments de mobilier, illustrant parfaitement la volonté de Blanche de s’échapper de la réalité. De même, l’agonie de la prieure prend place sur un lit perdu au milieu d’une improbable étendue d’eau, permettant à son interprète (bouleversante Sylvie Brunet) de symboliser plus encore l’éloignement de sa raison à l’approche de la mort.

Toute la première partie de l’opéra est portée par la grâce de ses tableaux visuellement très réussis, dont l’économie de mouvement sied admirablement à décrire les états d’âme de ses héroïnes. Malheureusement, la mise en scène reste statique lorsque les évènements révolutionnaires s’emballent, imposant à ses interprètes masculins (impeccables Julien Dran et Philippe Fourcade) de périlleuses interventions en arrière-scène du haut de leur tribune.

Pour autant, le spectacle fascine grandement par la qualité de ses chanteurs, particulièrement la Blanche de Karen Vourc’h, tour à tour délicate et puissante, très à l’aise dans le rôle. Vivement applaudie, à l’instar de Sylvie Brunet, sa composition touche juste. Déception par contre avec l’Aumônier de Léonard Pezzino au timbre bien fatigué, seule fausse note dans une distribution globalement très satisfaisante.

Dans la fosse, le chef américain Yoel Levi impose une direction rythmique aussi sereine que précise, scrupuleusement respectueuse de l’équilibre entre les voix et l’orchestre. Du grand art.
Reste à féliciter l’Opéra de Massy, qui parvient encore une fois à réunir un plateau de tout premier ordre au service de l’un des chefs-d’œuvre du xxe siècle. Le public enthousiaste, fidèle au rendez-vous, ne s’y est pas trompé.

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