Chef-d’œuvre de son
auteur Francis Poulenc, l’opéra « Dialogues des carmélites » fascine par
sa perfection formelle et
l’intransigeance de son message spirituel. L’Opéra de Massy le
présente dans une distribution vocale de tout premier plan, sous la
direction du chef d'orchestre
Yoel Levi.
Sylvie Brunet |
Compiègne, avril 1789. Alors que la foule gronde au dehors,
annonciatrice des évènements sanglants à venir, le Marquis de la Force
s’inquiète du devenir de sa
fille Blanche, décidée à rejoindre le couvent. Confrontée à
Madame de Croissy, prieure âgée et malade, la jeune novice doit prouver
la pleine conscience de son engagement et des
responsabilités qui en incombent. Déterminée et intransigeante,
Blanche s’oppose au caractère aimable et enjouée de Sœur Constance,
l’une des seize carmélites qui va périr avec elle
sous l’échafaud.
À partir d’une histoire vraie, le chef-d’œuvre de Francis Poulenc
s’appuie sur un scénario de cinéma posthume de Georges Bernanos,
lui-même inspiré d’un ouvrage de
Gertrud von Le Fort. Immense succès à sa création en 1957, Dialogues des carmélites
est désormais solidement installé au répertoire des grandes maisons
d’opéra
qui ont les moyens de proposer une distribution de qualité.
L’Opéra de Massy relève le défi avec brio, parvenant à réunir deux des
chanteuses (Karen Vourc’h et Sylvie Brunet) qui
avaient triomphé à Nice l’an passé dans la mise en scène de
Robert Carsen.
Un « noir-lumière » irréel
Celle d’Éric Perez nous plonge d’emblée dans le drame autour de
décors gris-noir, rappelant les « noir-lumière » chers à Pierre Soulage.
Jouant sur la géométrie des volumes
plus ou moins resserrés selon les douze tableaux qui composent
l’opéra, la scène dépouillée et austère conserve quelques rares éléments
de mobilier, illustrant parfaitement la volonté de
Blanche de s’échapper de la réalité. De même, l’agonie de
la prieure prend place sur un lit perdu au milieu d’une improbable
étendue d’eau, permettant à son interprète (bouleversante
Sylvie Brunet) de symboliser plus encore l’éloignement de sa
raison à l’approche de la mort.
Toute la première partie de l’opéra est portée par la grâce de ses
tableaux visuellement très réussis, dont l’économie de mouvement sied
admirablement à décrire les états d’âme de ses héroïnes.
Malheureusement, la mise en scène reste statique lorsque les
évènements révolutionnaires s’emballent, imposant à ses interprètes
masculins (impeccables Julien Dran et
Philippe Fourcade) de périlleuses interventions en arrière-scène
du haut de leur tribune.
Pour autant, le spectacle fascine grandement par la qualité de ses
chanteurs, particulièrement la Blanche de Karen Vourc’h, tour à tour
délicate et puissante, très à l’aise dans le
rôle. Vivement applaudie, à l’instar de Sylvie Brunet, sa
composition touche juste. Déception par contre avec l’Aumônier de
Léonard Pezzino au timbre bien fatigué, seule fausse note
dans une distribution globalement très satisfaisante.
Dans la fosse, le chef américain Yoel Levi impose une direction
rythmique aussi sereine que précise, scrupuleusement respectueuse de
l’équilibre entre les voix et l’orchestre. Du grand
art.
Reste à féliciter l’Opéra de Massy, qui parvient encore une fois à
réunir un plateau de tout premier ordre au service de l’un des
chefs-d’œuvre du xxe siècle. Le public enthousiaste,
fidèle au rendez-vous, ne s’y est pas trompé.
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