mardi 24 juillet 2012

« Piscine [Pas d’eau] » de Mark Ravenhill - L'Entrepôt à Avignon - 18/07/2012

À Avignon, il faut savoir quitter les murailles du centre‑ville * pour découvrir le théâtre de l’Entrepôt, lieu bohême chaleureux qui accueille la compagnie Gazoline. Une équipe de passionnés qui défend brillamment l’univers du sulfureux Mark Ravenhill.


Quatre artistes ratés. Des amis qui ne se sont jamais vraiment quittés, ballotant de petits projets de rue en soirées junkie, promenant leur quotidien dans l’errance de l’instant. Ne manque à ce petit groupe que celle qui a réussi, celle dont on ne prononce même pas le prénom. De rancœurs en jalousie, ils la détestent, mais acceptent son invitation à se revoir, à partager les délices de la piscine, symbole de sa réussite. Quand survient l’accident, l’hésitation est brève. Tiennent‑ils là leur revanche ?
Inspiré de la biographie de la célèbre photographe Nan Goldin, ce récit à l’humour noir ravageur, aux contrepieds corrosifs ou absurdes, interroge les fondements de l’amitié à travers l’épreuve du temps. La narration se déploie, interrompue par l’action, avant de reprendre rapidement ses droits dans une langue vive et haletante. L’auteur Mark Ravenhill, enfant terrible du théâtre britannique, excelle dans ce ton brillant, où crudités et provocations réveillent les sens pour mieux affûter la compréhension. On se souvient notamment de Shopping & Fucking, ou plus récemment de Some Explicit Polaroids, dénonciation brillante de la société de consommation.
De multiples facettes
Créée en France en 2010 à Alfortville dans une sobre et intense mise en scène de l’excellent Christian Benedetti, Piscine [Pas d’eau] nous revient pour le Off à Avignon dans la mise en scène de Cécile Auxire‑Marmouget. Elle opte pour des choix radicalement différents mais tout aussi efficaces, qui intensifient la noirceur du propos au détriment de l’humour au moyen d’une narration à deux voix. À leurs côtés, les autres personnages sont réduits à d’autres fonctions essentielles et savoureuses. On se délecte ainsi des interventions comiques de Pierre Mélé (également auteur d’une très riche scénographie, qui bénéficie de sa complicité avec le photographe Henri Granjean) ou de la grâce féline de Caroline Lhuillier‑Combal qui balance entre indifférence subtile et hauteur de vue. Entre guitare et chemise hawaïenne, David Suissa assure la partie musicale très réussie, qui impose des césures brèves et bienvenues.
Mais c’est aussi dans les deux rôles principaux que réside tout l’équilibre de ce projet collectif. Cécile Auxire‑Marmouget surprend par sa phénoménale énergie et capte le public dès sa première intervention. À peine aurait‑on aimé quelques respirations supplémentaires dans son jeu. Mais ça n’est là qu’un détail tant la comédienne a de la ressource. À ses côtés, un impeccable Christophe Mirabel parachève la belle réussite d’une équipe cohérente et soudée, qui n’hésite pas à partager un verre avec le public après le spectacle, et dont on attend déjà avec impatience le prochain projet. 

* Cinq minutes à pied de l’entrée de la ville au sud, près de la gare.

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