lundi 10 décembre 2012

« La Marquise de Cadouin » de Gaëtan Peau - Théâtre du Rond-Point - 04/12/2012

Privé d’intrigue, le dernier épisode de la trilogie des Cadouin multiplie les provocations creuses et finit par tourner en rond. L’excellence des comédiens ne rattrape qu’à peine l’ensemble.
 
Rien de pire qu’une attente déçue, surtout lorsqu’elle émane d’un fan de la première heure. Il faut dire que les deux premiers opus de la trilogie des Cadouin (Monsieur Martinez, créé au Théâtre des Bains-Douches au Havre en 2008, puis Brita Baumann, au Théâtre 13 en 2011) avaient visé très haut. Une peinture sociale au vitriol de petites gens façon Deschiens et un humour décalé, noir et dévastateur, emportaient tout sur leur passage.
La trilogie, conçue comme telle au début, permet de voir chaque épisode de manière indépendante, sans aucun lien entre eux, si ce n’est qu’une famille Cadouin à chaque fois différente, à travers des lieux ou époques diverses, en est le centre. Chacun va se liguer contre une victime qui accepte son sort, résignée. Avec leur teint pâle et leurs cernes prononcés, tous les personnages maquillés comme des morts-vivants donnent un sentiment d’étrangeté surréaliste qui défie le réalisme du propos, sordide et cru.
La menace de la guillotine
La Marquise de Cadouin se déroule en 1793 sous la crainte de la guillotine. Toute la famille noble des Cadouin se terre dans un appartement misérable, accompagnée du brave Abbé Joseph Billaud. La malheureuse servante Marguerite est le jouet de toutes les ambitions minables des hommes qui l’entourent, aussi bien en tant qu’objet sexuel possédé sous les yeux passifs de son mari Brutus, que de faire-valoir artistique d’un inverti pathétique, le Baron Charles-Amédée de Cadouin dit « Marie-Agrippine ».
Hormis Brutus, tous les personnages occupent la scène avant la sortie fatidique finale, déambulant comme des fantômes dans un logis qui ressemble à un tombeau. Chacun suit un chemin obsessionnel qui le conduit à éviter l’autre, de l’abbé passionné par son jeu solitaire de soldats de plomb aux représentations théâtrales de Marie-Agrippine. Les hommes copulent, encore et toujours. La vieille marquise (irrésistible Charlotte Laemmel), sénile et incontinente, éructe, toujours décalée, souvent drôle. Était-il besoin cependant de la voir mimer, avec les autres, des scènes inutiles et redondantes de défécation ?
L’excellence des comédiens
Si Gaëtan Peau cabotine quelque peu en « folle » outrancière, l’humoriste Jean-Jacques Vanier compose quant à lui un abbé aussi écervelé que savoureux. Mais on pourra évidemment regretter la minceur de son rôle, qui ne lui permet pas de montrer toute la palette de son talent. Olivier Faliez (le Comte Clotaire-Henri de Cadouin) se montre encore une fois impeccable, tout comme la servante Juliette Coulon, délicieusement naïve.
Mais tout le talent de ces interprètes ne parvient pas à faire oublier la faiblesse de l’argument. Rapidement, les situations se reproduisent sans se renouveler, tandis que les comédiens tournent en rond, cernés par un texte privé d’intrigue et un manque d’épaisseur psychologique. La tendresse sous-jacente entre certains personnages, si importante dans les deux premiers épisodes, a disparu. Dès lors, les visions cauchemardesques qui entrecoupent le récit à base de provocations sordides indiffèrent, tant le propos général ne passionne pas.
La mise en scène discrète de Quentin Defalt, tout comme les comédiens, n’y peut rien. Ce troisième opus bien décevant laisse un goût d’inachevé tant les deux premiers épisodes * se situaient à un autre niveau. 

* On retrouvera ainsi avec délice le premier épisode donné dans les salons du château à Morsang-sur-Orge (91), le 8 février 2013.

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