vendredi 16 août 2013

« La Clemenza di Tito » de Wolfgang Amadeus Mozart - Tiroler Landsteater à Innsbruck (Autriche) - 09/08/2013

Rien de tel qu’un tour en Autriche pour profiter des douceurs de l’été, et ce d’autant plus que le festival de musique baroque d’Innsbruck programme cette année encore les meilleurs interprètes pour célébrer ce répertoire. Mozart triomphe, et nous avec.


Impossible d’y échapper. À Innsbruck, où que le regard se pose, de tous côtés la montagne est là, majestueuse et immobile, sereine et imperturbable. Si ce cadre d’exception fait aujourd’hui de la capitale du Tyrol une destination incontournable pour de nombreux sportifs (ski en hiver et randonnée en été), il explique aussi pourquoi les Habsbourg puis les Austro-Hongrois y ont établi leur résidence favorite. Riche de ce passé dont témoignent les églises baroques du centre-ville médiéval ou le château d’Ambras dans les hauteurs, Innsbruck organise chaque été depuis 1976 un véritable feu d’artifice de concerts consacrés à la musique baroque (du xvie au xviiie siècle), dont de nombreux évènements gratuits, qui font de ce festival l’un des plus renommés d’Autriche.
Il faut dire que la cinquième ville du pays n’a pas lésiné sur les moyens, fondant sa politique artistique sur un travail à long terme avec les plus grands interprètes sur instruments d’époque. Ainsi du célèbre contre-ténor et chef d’orchestre René Jacobs qui a donné ses lettres de noblesse au festival pendant dix-sept ans, avant que le maestro Allessandro De Marchi ne lui emboîte le pas avec le même succès depuis 2010. Le chef italien a choisi cette année de présenter la Clemenza di Tito, un opéra (1) de Mozart assez méconnu et mal aimé, écrit à la hâte pour le couronnement du nouveau roi de Bohème. Ignorant sa fin proche, le compositeur espérait obtenir une position meilleure à la Cour en flattant les puissants par la démonstration des épineuses difficultés de l’exercice du pouvoir.
Des récitatifs à l’accompagnement inédit
L’histoire décrit l’avènement inéluctable d’un sombre complot ourdi contre l’empereur romain Tito par son ami intime Sesto, lui-même manipulé par le chantage amoureux de la rageuse Vitellia. Miraculeusement indemne, Tito se retrouve confronté au traître, hésitant sur la juste décision à adopter. Ce livret aux rebondissements captivants se trouve malheureusement quelque peu plombé par de nombreux récitatifs austères (pourtant réduits par rapport à l’œuvre originale de Metastasio) qui jalonnent la partition, et de surcroît composés par un élève sans talent de Mozart, faute de temps. On ne peut dès lors que se réjouir de la bonne idée de faire jouer ces récitatifs par un violoncelle et une contrebasse (en lieu et place du traditionnel clavecin ou pianoforte) qui, par leurs sonorités graves, mettent au second plan l’accompagnement musical au profit d’un chant exalté et vigoureux.
À la tête de son ensemble piémontais de l’Academia Montis Regalis, Alessandro De Marchi privilégie le théâtre par une direction vive et contrastée dans les airs et ensembles, parfaitement en phase avec les intentions du metteur en scène Christoph von Bernuth. Autour de sobres costumes masculins qui se distinguent nettement de l’opulence des robes bouffantes aux couleurs vives, la scénographie aussi élégante que surréaliste dévoile un intérieur minimaliste contemporain où seule une unique chaise de bistrot démesurée permet à Tito d’apparaître en surplomb dans l’immensité de son palais. La vitalité qui se dégage du plateau est astucieusement soutenue par le choix d’une version (2) qui renforce le rôle de l’empereur, nettement plus exposé vocalement, qui explique une originale présence scénique quasi continue pendant la première partie de l’opéra.
Un bouillonnement dramatique
Ainsi placé au centre de l’attention, le souverain apparaît du haut de son échelle dans une fragilité finement suggérée, errant pieds nus, puis observant ses sujets sans jamais parvenir à les comprendre tout à fait. Très dramatique, cette mise en scène multiplie les sous-entendus pour enrichir encore plus l’action. Ainsi de l’amitié amoureuse suggérée entre Tito et Sesto, mais aussi de l’irrépressible désir de séduction de Vitellia qui embrasse subrepticement et furtivement Annio, le meilleur ami de Sesto. Mais ce bouillonnement repose avant tout sur les interprètes qui portent les césures et les rebondissements avec brio, renforçant l’opportune primauté donnée au chant et au théâtre.
Le plateau vocal homogène, de haut niveau, affiche ainsi des qualités de diction dont l’intensité apparaît particulièrement décisive dans la réussite de la production. Impressionnant de présence scénique, Carlo Allemano porte le rôle de Tito avec une rare intelligence, tandis que l’agilité vocale de Kate Aldrich (Sesto) lui permet d’obtenir une ovation à l’issue de la représentation. Non moins remarquable est la prestation de Nina Bernsteiner (Vitellia), tour à tour autoritaire et distinguée dans son rôle perfide. Mais on retiendra tout autant l’éclat vocal du remarquable chœur de l’Academia Montis Regalis dont on aimerait cependant davantage de finesse dans le jeu, un peu outré et prévisible dans les mouvements de foule. 

(1) Qui reprend un livret de Petro Metastasio déjà mis en musique à de multiples reprises par d’autres compositeurs, à l’instar de l’Olimpiade.
(2) Version du Kärntnertortheater de Vienne (1804) avec un nouvel air et un nouveau duo de Joseph Weigl (1766‑1846), et un air de Johann Simon Mayr (1763‑1845)

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