Rien de tel qu’un
tour en Autriche pour profiter des douceurs de l’été, et ce d’autant
plus que le festival de musique baroque d’Innsbruck
programme cette année encore les meilleurs interprètes pour
célébrer ce répertoire. Mozart triomphe, et nous avec.
(1) Qui reprend un livret de Petro Metastasio déjà mis en musique à de multiples reprises par d’autres compositeurs, à l’instar de l’Olimpiade.
(2) Version du Kärntnertortheater de Vienne (1804) avec un nouvel air et un nouveau duo de Joseph Weigl (1766‑1846), et un air de Johann Simon Mayr (1763‑1845)
Impossible d’y échapper. À Innsbruck, où que le regard se pose, de
tous côtés la montagne est là, majestueuse et immobile, sereine et
imperturbable. Si ce cadre d’exception fait aujourd’hui de
la capitale du Tyrol une destination incontournable pour de
nombreux sportifs (ski en hiver et randonnée en été), il explique aussi
pourquoi les Habsbourg puis les Austro-Hongrois y ont
établi leur résidence favorite. Riche de ce passé dont témoignent
les églises baroques du centre-ville médiéval ou le château d’Ambras
dans les hauteurs, Innsbruck organise chaque été
depuis 1976 un véritable feu d’artifice de concerts consacrés à la
musique baroque (du xvie au xviiie siècle), dont de nombreux évènements gratuits, qui font de ce festival l’un des plus renommés d’Autriche.
Il faut dire que la cinquième ville du pays n’a pas lésiné sur les
moyens, fondant sa politique artistique sur un travail à long terme
avec les plus grands interprètes sur instruments d’époque.
Ainsi du célèbre contre-ténor et chef d’orchestre René Jacobs qui a
donné ses lettres de noblesse au festival pendant dix-sept ans, avant
que le maestro
Allessandro De Marchi ne lui emboîte le pas avec le même succès
depuis 2010. Le chef italien a choisi cette année de présenter la Clemenza di Tito,
un
opéra (1) de Mozart assez méconnu et mal aimé, écrit à la hâte
pour le couronnement du nouveau roi de Bohème. Ignorant sa fin proche,
le compositeur espérait obtenir une
position meilleure à la Cour en flattant les puissants par la
démonstration des épineuses difficultés de l’exercice du pouvoir.
Des récitatifs à l’accompagnement inédit
L’histoire décrit l’avènement inéluctable d’un sombre complot
ourdi contre l’empereur romain Tito par son ami intime Sesto, lui-même
manipulé par le chantage amoureux de la rageuse Vitellia.
Miraculeusement indemne, Tito se retrouve confronté au traître,
hésitant sur la juste décision à adopter. Ce livret aux rebondissements
captivants se trouve malheureusement quelque peu plombé
par de nombreux récitatifs austères (pourtant réduits par rapport à
l’œuvre originale de Metastasio) qui jalonnent la partition, et de
surcroît composés par un élève sans talent de Mozart,
faute de temps. On ne peut dès lors que se réjouir de la bonne
idée de faire jouer ces récitatifs par un violoncelle et une contrebasse
(en lieu et place du traditionnel clavecin ou pianoforte)
qui, par leurs sonorités graves, mettent au second plan
l’accompagnement musical au profit d’un chant exalté et vigoureux.
À la tête de son ensemble piémontais de l’Academia Montis Regalis,
Alessandro De Marchi privilégie le théâtre par une direction vive et
contrastée dans les airs et
ensembles, parfaitement en phase avec les intentions du metteur en
scène Christoph von Bernuth. Autour de sobres costumes masculins qui se
distinguent nettement de l’opulence des
robes bouffantes aux couleurs vives, la scénographie aussi
élégante que surréaliste dévoile un intérieur minimaliste contemporain
où seule une unique chaise de bistrot démesurée permet à Tito
d’apparaître en surplomb dans l’immensité de son palais. La
vitalité qui se dégage du plateau est astucieusement soutenue par le
choix d’une version (2) qui renforce le rôle de l’empereur,
nettement plus exposé vocalement, qui explique une originale
présence scénique quasi continue pendant la première partie de l’opéra.
Un bouillonnement dramatique
Ainsi placé au centre de l’attention, le souverain apparaît du
haut de son échelle dans une fragilité finement suggérée, errant pieds
nus, puis observant ses sujets sans jamais parvenir à les
comprendre tout à fait. Très dramatique, cette mise en scène
multiplie les sous-entendus pour enrichir encore plus l’action. Ainsi de
l’amitié amoureuse suggérée entre Tito et Sesto, mais aussi
de l’irrépressible désir de séduction de Vitellia qui embrasse
subrepticement et furtivement Annio, le meilleur ami de Sesto. Mais ce
bouillonnement repose avant tout sur les interprètes qui
portent les césures et les rebondissements avec brio, renforçant
l’opportune primauté donnée au chant et au théâtre.
Le plateau vocal homogène, de haut niveau, affiche ainsi des
qualités de diction dont l’intensité apparaît particulièrement décisive
dans la réussite de la production. Impressionnant de
présence scénique, Carlo Allemano porte le rôle de Tito avec une
rare intelligence, tandis que l’agilité vocale de Kate Aldrich (Sesto)
lui permet d’obtenir une ovation à l’issue de
la représentation. Non moins remarquable est la prestation de
Nina Bernsteiner (Vitellia), tour à tour autoritaire et distinguée dans
son rôle perfide. Mais on retiendra tout autant
l’éclat vocal du remarquable chœur de l’Academia Montis Regalis
dont on aimerait cependant davantage de finesse dans le jeu, un peu
outré et prévisible dans les mouvements de
foule.
(1) Qui reprend un livret de Petro Metastasio déjà mis en musique à de multiples reprises par d’autres compositeurs, à l’instar de l’Olimpiade.
(2) Version du Kärntnertortheater de Vienne (1804) avec un nouvel air et un nouveau duo de Joseph Weigl (1766‑1846), et un air de Johann Simon Mayr (1763‑1845)
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