vendredi 27 décembre 2013

« Tosca » de Giacomo Puccini - Metropolitan Opera à New York - 17/12/2013

Pilier du répertoire, la « Tosca » de Puccini est reprise à New York dans la passionnante mise en scène de Luc Bondy. Sondra Radvanovsky y campe une diva plus flamboyante que jamais.



Une visite culturelle de New York possède ses incontournables auxquels nul ne semble pouvoir échapper. Entre les nombreux musées aux riches collections, le choix d’une comédie musicale à Broadway ou d’un gospel à Harlem, le Metropolitan Opera semble un deuxième choix dans ce programme déjà bien rempli. Quelle erreur ! Outre la renommée artistique d’une maison qui sait offrir les plus grandes voix d’aujourd’hui, c’est bien la splendeur d’un lieu, chef-d’œuvre architectural inauguré en 1966, qui surprend d’emblée. Entre les deux monumentales fresques de Chagall qui ornent la façade ou les somptueux lustres modernes du foyer, le « Met » bénéficie surtout de sa place centrale au sein de l’agencement du Lincoln Center, entouré des autres élégants bâtiments dévolus à la danse et au théâtre.
Un autre argument non négligeable est la présence d’un écran électronique sur le fauteuil devant soi, qui permet de choisir la traduction du livret parmi quatre langues (italien, anglais, espagnol et allemand). Rappelons que le Met a été l’un des tout premiers opéras à s’offrir ce système certes coûteux, mais plébiscité par le profane pour son utilité et sa simplicité d’usage. Gageons que les maisons hexagonales sauront enfin se doter de ce procédé qui contribue à une large démocratisation de l’accès à l’opéra. Mais revenons à New York et la reprise d’une production de Tosca de Giacomo Puccini (1858-1924), une des œuvres les plus populaires du grand répertoire, composée en 1900 entre les deux chefs-d’œuvre la Bohème et Madame Butterfly.
Un succès jamais démenti
Un mélodrame au succès public jamais démenti en raison du tempérament de son héroïne, unique personnage féminin de l’opéra, jalouse et possessive, téméraire et déterminée. Un caractère vif qui fait immanquablement penser aux figures marquantes de Médée ou Carmen. L’intrigue prend place sur fond de guerre napoléonienne quand le peintre Cavaradossi, amant de Tosca, cache le prisonnier Cesare Angelotti et se retrouve sous la menace directe de l’intransigeant et rusé chef de la police Scarpia. Prêt à tout pour s’attirer les faveurs de la diva, ce dernier va élaborer un chantage minutieux mais fatal pour l’ensemble des protagonistes. Si le public de New York connaît bien cette œuvre régulièrement programmée, c’est peu dire qu’il a été décontenancé par la nouvelle production de Luc Bondy en 2009, ici reprise.
L’actuel directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe prend l’exact contre-pied de la précédente mise en scène de Franco Zeffirelli en faisant notamment table rase des décors fastueux au bénéfice d’une sobriété un rien austère. Délicatement suggéré par les éclairages qui varient du clair-obscur au vif contraste, le miroir des âmes tourmentées prend place à chaque tableau. L’église du premier acte apparaît dépossédée de tout symbole ostentatoire et voit surtout l’immense tableau de la rivale de Tosca peint par Cavaradossi envahir la scène, suggérant la jalousie qui va conduire à son aveuglement funeste. De même, au second acte, une fenêtre démesurée fait entendre le bruit inquiétant des complots qui grondent au dehors. S’il pose ainsi les jalons du drame sous-jacent, Bondy impressionne tout du long par une direction d’acteur millimétrée. La scène du Te Deum constitue une grande réussite avec les hommes d’Église qui se rapprochent peu à peu de la rampe pour entourer un Scarpia plus triomphant que jamais à la fin du premier acte.
Remarquable Ricardo Tamura
Des chanteurs présents en 2009, seul le baryton George Gagnidze y incarnait déjà le rôle de Scarpia. Superbe diction, sens de la déclamation, les qualités ne manquent pas. Mais on peut être aussi déçu par une émission serrée qui ne permet pas l’expression de la variété de couleurs attendue. Le Cavaradossi de Ricardo Tamura ne souffre quant à lui d’aucune réserve, servi par une voix opulente au timbre superbe, sans parler de son tempérament généreux et lyrique. Acteur remarquable, il n’est pas pour rien dans la réussite de la soirée. Mais c’est surtout la tonitruante Sondra Radvanovsky (Tosca) qui obtient une standing ovation en fin de soirée. Habituée des lieux, elle bénéficie dès son entrée en scène d’applaudissements nourris. Rien de vulgaire là-dedans tant la spontanéité du public new-yorkais fait plaisir à voir et à entendre. Malgré un vibrato prononcé, une émission parfois rude, Radvanovsky impose sa puissance dévastatrice, seule à même de désarmer les puristes grincheux. Sens du jeu, réel engagement, on sent une véritable adéquation avec un public ravi qui réclame de la flamboyance dans le drame. Et la diva la lui rend bien !

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