lundi 2 février 2015

« Iolanta » de Piotr Ilyitch Tchaïkovski - Anna Netrebko - Disque Deutsche Grammophon


Star parmi les stars, Anna Netrebko ne se contente heureusement pas des compilations d’airs d’opéra élaborées à sa seule gloire par Deutsche Grammophon. Et c’est heureux, tant ses incursions dans le domaine du récital n’ont pas toujours convaincu – la soprano austro-russe ayant une fâcheuse tendance à prendre l’avantage sur le chef pour mieux imposer son tempo. Rien de tel ici, tant l’entente avec le chef français Emmanuel Villaume fonctionne pour contribuer à faire connaître plus encore le tout dernier opéra de Tchaïkovski, l’un des chevaux de bataille de Netrebko. Composé en même temps que le ballet Casse-Noisette et peu de temps avant la Sixième Symphonie, cet opéra en un acte et neuf scènes souffre de ce double voisinage illustre, particulièrement au niveau d’une inspiration mélodique moins saillante. D’une durée d’un peu plus d’une heure, l’œuvre est le plus court des ouvrages lyriques de son auteur, souvent critiqué comme une succession de romances à une ou deux voix. Tchaïkovski surprend néanmoins par la poésie de son orchestration plus chambriste qu’à l’habitude, laissant la part belle aux vents au détriment des cordes.

On retrouve ici la captation sur le vif d’un concert donné à Essen en 2012 avec toute l’équipe réunie autour d’Emmanuel Villaume lors d’une vaste tournée européenne à laquelle Paris n’avait pas échappé. Incontestable réussite, ce disque sorti en début d’année bénéficie de la présence immédiatement marquante de Netrebko, au timbre un peu plus sombre au fil des années, toujours aussi incroyable d’aisance dans tous les registres. La beauté du timbre corsé, comme la parfaite articulation, sont un régal de chaque instant. Un disque qui vaut aussi par un entourage à la hauteur de Netrebko. Vitalij Kowaljow compose un roi René touchant, bouleversant dans son air célèbre «Seigneur, si j’ai péché». A ses côtés, la vaillance de Sergey Skorokhodov impose un Vaudémont au timbre clair, parfaitement projeté. Lucas Meachem (Ibn-Hakia) est moins marquant mais assure bien sa partie, comme le reste de la distribution.


Pour ce tout premier disque gravé pour Deutsche Grammophon, l’Orchestre philharmonique de Slovénie surprend par des couleurs n’ayant rien à envier aux plus prestigieuses phalanges. Dommage que la captation de l’orchestre paraisse si peu naturelle, avec des instruments placés au plus près des micros – les voix surexposées dominant l'orchestre. D’où la désagréable impression de ne pas entendre tout le détail des différents pupitres de cordes, contrairement aux versions Gergiev (Philips, 1996) ou Rostropovitch (Erato, 1986). La réverbération de l’enregistrement donne un caractère enveloppant à la direction de Villaume, très lyrique mais moins narratif que ses aînés. Quelques réserves qui font manquer à cette gravure la note maximale – mais qui reste d’un haut niveau.


A noter qu’une nouvelle production de Iolanta est donnée à New York en ce début d’année 2015, menée par Valery Gergiev avec une distribution différente (hormis Netrebko) – un spectacle à découvrir dans les cinémas Pathé/Gaumont le 14 février 2015.

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