jeudi 12 mars 2015

« Un Voyage à Reims » de Gioacchino Rossini - Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris - 11/03/2015

Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris
Difficile de rester insensible à une œuvre aussi irrésistible de Rossini! La veine mélodique et la variété des airs et ensembles suffisent à faire oublier la faiblesse de l’argument de ce vrai-faux opéra malicieusement appelé «cantate scénique» par Rossini. Un «Cygne de Pesaro» bien conscient de l’aspect anecdotique d’une œuvre constituée d’une collection de numéros, heureusement aussi variés qu’entrainants. Et pourtant, celle-ci a bien failli nous échapper, la partition ayant en effet été reconstituée dans les années 1980 après de longues recherches musicologiques. Si Claudio Abbado se fit immédiatement le défenseur d’une œuvre dont la moitié environ a été réutilisée dans l’opéra Le Comte Ory, Le Voyage à Reims a eu depuis lors bien du mal à s’imposer régulièrement sur les scènes. Outre le peu de situations dramatiques et l’accumulation d’aphorismes verbeux bien pesants à la longue, le nombre pléthorique de chanteurs (une quinzaine!), ayant à interpréter des airs d’égale difficulté, contraint les maisons d’opéra à réunir un plateau vocal homogène.


C’est précisément ce tour de force que le Centre de promotion lyrique avait tenté de relever avec de jeunes chanteurs lors d’une vaste tournée en France entre 2008 et 2010. Cette année, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris reprend cette idée, bien conscient de la possibilité ainsi offerte de mettre en avant un large panel parmi ses jeunes chanteurs en fin d’études, épaulés par des musiciens et danseurs des mêmes lieux. Outre la mise en situation en guise de prélude à leur future carrière professionnelle, cette expérience est l’occasion de se frotter aux recruteurs déjà à l’affut pour repérer les futures stars de demain. Impossible de citer toute la troupe, mais déjà de belles prestations ce mercredi soir pour la répétition générale, sous les yeux du directeur, Bruno Mantovani.


On retiendra ainsi le chant puissant d’Axelle Fanyo (Madame Cortese), qui fait preuve d’une belle aisance dans l’aigu, et ce malgré un timbre qui manque parfois de substance dans les registres intermédiaires. Très applaudie, elle se situe à un niveau d’ensemble très satisfaisant côté féminin, à l’instar de You-Mi Kim (la Comtesse de Folleville) aux graves superbes, seulement gênée par quelques problèmes de souffle. Belle prestation également de Pauline Texier (Corinna), au tempérament affirmé. C’est précisément en ce domaine que Romain Dayez offre un désopilant Baron de Trombonok, tout comme Igor Bouin, hilarant en médecin farfelu. Mention particulière également pour Arnaud Guillou (Lord Sidney), voix profonde parfaitement projetée, ou pour Florian Hille (Don Profondo), très agile dans les vocalises.


Marco Guidarini dirige un superlatif Orchestre du Conservatoire de Paris, couvrant parfois les chanteurs, mais n’est-ce pas plutôt l’acoustique des lieux qui est en cause? Sur scène, Emmanuelle Cordoliani joue la carte de la dérision perpétuelle, donnant au personnel de l’Hôtel du Lys d’Or des allures de famille Adams. Postures saccadées, allures décadentes ou maquillages morbides, rien n’échappe à cette volonté d’étrangeté en cet établissement thermal, havre de repos bienvenu pour les différents protagonistes. Seuls les cinq jeunes danseurs apparaissent plus sobres avec leurs costumes orientaux en lien avec les scènes de hammam et les motifs andalous des décors, tandis que les hôtes prestigieux défilent en robe de chambre, en un ridicule distingué. Rien de bien fracassant mais tout cela fonctionne correctement, particulièrement les scènes de cabaret, bien rythmées, où l’on se délecte des ajouts empruntés à Luciano Berio («La donna ideale» des Folk Songs) et John Cander («Willkommen, bienvenue, welcome» de Cabaret). On regrettera simplement le peu de place laissé cette année à la danse, là où Mithridate, roi du Pont avait beaucoup plus convaincu en ce domaine l’an passé.

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