jeudi 11 février 2016

« Le cantatrici villane » de Valentino Fioravanti - Opéra de Francfort - 06/02/2016


A l’instar de son contemporain Luigi Cherubini, le prolifique Valentino Fioravanti (1764–1837) fut l’un des grands défenseurs du lyrique, s’imposant à Paris au début du XIXe siècle sans recueillir pour autant la notoriété et les honneurs de son illustre aîné de quatre ans. Aujourd’hui en grande partie oubliée, et ce malgré les plus de quatre-vingts ouvrages composés au cours de sa carrière, la musique de Fioravanti se situe à mi-chemin entre Cimarosa et Rossini, empruntant à Mozart sa science des ensembles ou le brio de son écriture pour les vents, sans posséder son génie mélodique. C’est donc avec un vif intérêt que Francfort nous permet de retrouver sur scène son plus grand succès, Le cantatrici villane, créé en 1799 à Naples comme nombre de ses ouvrages – les autres ayant eu principalement les honneurs de Rome ou Lisbonne. Fioravanti se spécialisa essentiellement dans le genre bouffe, à l’instar de cet opéra très réussi qui, outre une musique délicieuse, bénéficie d’un livret intéressant dans sa première partie surtout.

Le cantatrici villane nous plonge ainsi d’emblée en un rocambolesque et improbable projet de spectacle mené par Don Bucefalo, un chef de chœur aussi imbu de lui-même qu’incompétent. Autour de lui, tous veulent en être, des trois midinettes villageoises aux rêves de grandeur, à l’apprenti chanteur Don Marco. Mais tout se complique lorsque le mari de l’une des jeunes filles fait son retour incognito en se prêtant lui aussi au jeu des auditions et des inévitables jeux de séduction, et attendant son heure pour tomber les masques. On se délecte des nombreuses scènes comiques délicieuses, de l’audition hilarante de Don Marco, empêtré dans ses éternuements, à la caricature d’un orchestre démonstratif et vulgaire lorsque Bucefalo s’improvise chef d’orchestre au II. Fioravanti se joue aussi du genre du récitatif, très présent ici, en un récitatif ralenti à l’extrême pour figurer une ambiance cauchemardesque à la toute fin du I.

Ces péripéties toujours plaisantes sont admirablement enrichies par la mise en scène de Caterina Panti Liberovici, qui choisit le théâtre dans le théâtre pour offrir un second degré bienvenu à l’ensemble. Ainsi des habillages à vue des apprenties divas parées de magnifiques costumes et coiffures d’époque stylisés et modernisés, tandis que des techniciens muets s’affairent en apportant une touche de fantaisie constante. Les interprètes, tous très jeunes, semblent s’amuser comme des petits fous dans cette farce joyeuse et sans prétention. Ainsi de Björn Bürger, à l’abattage irrésistible dans son rôle de Don Bucefalo, ou de l’impeccable Karen Vuong en diva égoïste et agitée. Mais c’est surtout la délicate et touchante Nora Friedrichs qui s’impose par sa fraîcheur et son allant, même si elle montre encore quelques faiblesses techniques dans son long et superbe air – sommet de la partition – au II.


Autre satisfaction avec l’orchestre, qui semble lui aussi prendre beaucoup de plaisir, à l’instar d’un pupitre de hautbois facétieux et rigolard. Mené par un bouillant Karsten Januschke, l’ensemble fait feu de tout bois en une lecture vivante et colorée, aux attaques sèches. De quoi mériter une belle ovation avec toute la troupe de chanteurs, visiblement ravis à l’issue de la représentation.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire