mardi 9 février 2016

« Stiffelio » de Giuseppe Verdi - Opéra de Francfort - 04/02/2016


Ouvrage largement délaissé au profit des chefs-d’œuvre bien connus de Verdi, Stiffelio fait partie de ces raretés que les indéfectibles admirateurs du grand maître se réjouissent de retrouver au disque comme sur la scène. Quelques années après la résurrection de cette œuvre donnée pour perdue jusqu’en 1968, quelques productions récentes font œuvre de réhabilitation, comme à Zurich en 2004, puis à Monaco en 2013. Autour de l’histoire sulfureuse d’un pasteur trompé par sa femme, le livret avait choqué à la création, empêchant le succès de cet opéra dont l’éclat et la variété des idées musicales suffisent à eux seuls à en justifier la découverte. Mais comment s’en étonner lorsque l’on se souvient que Stiffelio a été composé en 1850, tout juste quelques mois avant la fameuse trilogie populaire, Rigoletto, Le Trouvère et La Traviata?


On pourra évidemment critiquer la minceur et les redondances d’un livret qui tourne en rond avec les sempiternels soupçons du mari trompé, délaissant les intrigues secondaires pour se concentrer sur son couple fatal. C’est là l’écueil principal sur lequel butte la mise en scène de Benedict Andrews, incapable d’enrichir l’histoire au-delà de la seule illustration visuelle, aussi géométrique que glaciale, mais d’une incontestable force brute. Plus à l’aise dans la reprise récente de L’Ange de feu à Berlin, l’Australien joue cette fois la carte de l’épure et de l’austérité, s’appuyant sur un plateau tournant qui offre de multiples perspectives aux rares éléments de décor en noir et blanc. Ainsi de l’immense mur en fond de scène et surtout de l’unique module en ferraille revisité tout au long de la soirée pour figurer une maison en forme de croix latine, une église ou un mausolée. De quoi rappeler l’univers visuel d’un Olivier Py, mais sans ses fulgurances et audaces.


Quelque peu laissés à eux-mêmes sur le vaste plateau de Francfort dénudé jusque dans ses coulisses, les interprètes ne convainquent qu’à moitié. Si on se réjouit – comme à l’habitude ici – de l’excellente distribution des seconds rôles, les deux premiers assurent correctement leur partie, sans jamais recueillir d’applaudissements à l’issue de leurs airs pour autant. Bien projeté, le Stiffelio de Russell Thomas affiche un timbre superbe et une belle technique, tout en manquant de raffinement dans les changements de registre et la conduite des phrasés. Souvent présente à Francfort (voir notamment ses interprétations dans La Passagère, Königskinder et La Ville morte), Sara Jakubiak (Lina) montre encore ses limites en mettant du temps à se chauffer, autour d’un vibrato seulement absent lorsque la voix est bien posée.


Ces mêmes impressions mitigées se retrouvent du côté de la fosse, où Jérémie Rhorer faisait son retour ici, deux ans après ses débuts dans L’Enlèvement au sérail. Toujours aussi investi, le jeune chef français enflamme ce mélodrame de son énergie revigorante, un rien trop démonstratif dans les passages verticaux, mais toujours attentif à ne pas dénaturer l’œuvre par un excès de raffinement hors de propos avec son pathos omniprésent.

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