mardi 21 février 2017

« Peter Grimes » de Benjamin Britten - Opéra de Wiesbaden - 18/02/2017


Située à quelques encablures de Francfort, Wiesbaden doit sa renommée aux cures thermales, qui ont contribuées à en faire l’une des villes les plus charmantes d’Allemagne, tout autant que l’une des plus riches. En grande partie épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, puis par les appétits immobiliers du «miracle économique», la capitale de la Hesse a su conserver l’essentiel de son patrimoine centré autour du XIXe et du début du XXe siècle, et tout particulièrement son théâtre de style néobaroque, construit en 1894 en face du casino. La découverte du splendide foyer de la grande salle qui abrite aujourd’hui l’Opéra de Wiesbaden justifie à elle seule d’assister à une représentation lyrique en ces lieux.


La représentation de Peter Grimes à laquelle il nous a été donné d’assister à Wiesbaden a également infirmé nos craintes d’une qualité artistique plus faible de cette maison d’opéra par rapport à ses voisines Francfort ou, dans une moindre mesure, Mannheim. S’il n’est évidemment pas possible de juger de la globalité d’une saison sur un seul spectacle, on note toutefois que la bourgeoise Wiesbaden sait prendre le risque de commander des mises en scène façon Regietheater à l’allemande. Le metteur en scène Philipp M. Krenn a ainsi l’idée de circonscrire le rôle-titre dans un container industriel rouillé duquel il ne sortira pas de tout l’opéra, assistant à l’action qui se joue autour de lui ou au-dessous de lui (le container étant à plusieurs reprises surélevé) comme un spectateur impuissant et désespéré. Seule la foule déchaînée ou l’amour contrarié de l’institutrice viendront interrompre ses velléités de suicide récurrentes. C’est là la principale idée de Krenn, qui laisse entendre que les malheurs du jeune apprenti ne seraient que la réminiscence du passé de Grimes – à moins que ce dernier ne reproduise avec son apprenti les propres traumatismes subis pendant l’enfance? En dehors du container, Krenn a dès lors recours à un figurant qui interprète Grimes avec les autres personnages, offrant des tableaux sidérants de réalisme cru, à la limite du supportable dans les scènes de sévices des interludes.


Comme dans la Francfort voisine, l’une des principales réussites de cette production est la capacité à réunir un plateau vocal d’une remarquable homogénéité, où seul Benedikt Nawrath (Boles) déçoit par son émission forcée. Si l’on pourra reprocher au Grimes de Lance Ryan un aigu étranglé et serré, l’intensité de son interprétation compense ses faiblesses vocales tout en collant parfaitement aux intentions du metteur en scène. A ses côtés, Johanni van Oostrum (Ellen Orford) reçoit une ovation méritée en fin de représentation, tant par son investissement scénique que la qualité de sa ligne de chant. On espère retrouver très vite cette soprano sud-africaine sous nos contrées. Outre l’excellent Balstrode de Thomas de Vries, on notera l’incarnation d’Andrea Baker dans le rôle de Tantine, véritable tornade expressive dotée d’un timbre corsé immédiatement séduisant. Là aussi, une belle découverte.


Déjà entendu dans le musical Show Boat au Théâtre du Châtelet en 2010, le chef sud-africain Albert Horne opte pour une direction classique et élégante, un rien trop lente parfois, mais respectueuse des ambiances et des couleurs du drame de Britten, tout en portant une attention constante aux équilibres entre la scène et la fosse. Un spectacle hautement recommandable, idéal pour parfaire la découverte de la belle ville de Wiesbaden.

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