Voilà une nouvelle réussite à mettre à l’actif de Győrgy Vashegyi, décidément inspiré par Rameau! Après Les Fêtes de Polymnie en 2015, Naïs en 2018 et Les Indes Galantes en 2018
 également, il s’agit là de sa quatrième incursion dans le corpus 
lyrique du prolifique Français. La baguette vibrante du chef hongrois 
donne une vitalité rarement entendue dans ce répertoire, véritable 
trésor de cet enregistrement, à même de saisir l’imagination musicale 
qui transpire de tous les pores de la partition. Il faut dire que 
l’Orchestre Orfeo prouve une fois encore son excellence, notamment dans 
les déchaînements telluriques irrésistibles au début du deuxième acte.Si Dardanus fait partie des plus parfaites réussites de Rameau au
 niveau orchestral, on n’en dira malheureusement pas autant de son 
livret, bien trop statique pour convaincre, et ce malgré les 
améliorations apportées par la version finale de mai 1744, ici 
enregistrée avec quelques ajouts (le Prologue complet et la majeure 
partie du divertissement de l’acte V) issus de la version précédente 
d’avril 1744. Ces défauts dramatiques n’avaient pas empêché Raphaël 
Pichon et Michel Fau de proposer un réjouissant spectacle scénique en 2015,
 là où Vashegyi et les équipes du Centre de musique baroque de 
Versailles ont préféré la prudence avec une version de concert à 
Budapest. A cet égard, on regrette que cette production n’ait pu être 
proposée en France, même si le contexte de la pandémie en aurait 
probablement stoppé l’élan.
Quoi qu’il en soit, le disque permet de se plonger dans les délices de 
ce concert d’exception. Il faut rendre en premier lieu hommage à Chantal
 Santon-Jeffery, qui semble apporter une attention de plus en plus 
affirmée à la diction, disque après disque: c’est là un atout essentiel,
 tout particulièrement pour une tragédie lyrique. A ses côtés, Judith 
Van Wanroij met du temps à se chauffer, dans un rôle très déclamatoire 
qui la met en difficulté pour les accélérations dans l’aigu, avant de 
convaincre par son émission veloutée et ses accents dramatiques 
déchirants d’émotion. Cyrille Dubois compose quant à lui un inégal 
Dardanus, avec quelques approximations dans la justesse des attaques par
 endroit, sans parler du style, un rien trop appuyé au niveau des 
passages enlevés. Il sait toutefois séduire dans les parties plus 
apaisées, retrouvant toute la beauté de son timbre et de son émission 
claire, si appréciables. On pourra faire un reproche semblable à Tassis 
Christoyannis, toujours aussi impeccable dans la prononciation, mais 
plus décevant dans l’interprétation souvent surjouée. 
Outre l’impeccable Arcas de Clément Debieuvre, Thomas Dolié s’impose par
 son émission fluide, en un admirable mélange d’autorité et de noblesse,
 à même de faire de ses interventions d’éclatants moments d’intensité. 
L’autre grande satisfaction du disque est à mettre à l’actif du chœur 
hongrois Purcell, toujours aussi à l’aise avec notre langue. La 
complicité avec son chef Győrgy Vashegyi est audible à chaque 
intervention, tant l’articulation avec l’orchestre est un régal de 
naturel. Malgré quelques imperfections de détail, cette version se hisse
 sans difficultés parmi les plus réussies de l’ouvrage – à découvrir 
d’urgence.

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