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Fayçal Karoui |
Depuis sa fondation en 2002, l’Orchestre de Pau Pays de Béarn (OPPB) a
eu la bonne idée de s’attacher les services de Fayçal Karoui (né
en 1971) en tant que directeur musical : l’ancien assistant de Michel
Plasson a su faire rayonner sa formation bien au‑delà des Pyrénées, tout
en apportant un soutien constant à la création contemporaine comme à l’exploration du répertoire dans toute sa diversité, entre
musiques du monde et participation au dispositif Unanimes, chargé de promouvoir les compositrices.
C’est dans cet esprit que l’on retrouve la rare Ouverture n° 1
(1834) de Louise Farrenc pour débuter le concert, permettant de se
délecter de cette page à l’élan schubertien : l’équilibre classique de
l’ancienne élève de Reicha parcourt tous les pupitres de l’orchestre en
une vitalité aérienne, dont s’empare Fayçal Karoui avec des tempi
mesurés. Sa battue toute de précision montre sa proximité avec la
formation paloise, qui le suit comme un seul homme. Le cycle de six
mélodies Les Nuits d’été (1841) de Berlioz lui permet aussi de
démontrer toute son attention à mettre en valeur le chant raffiné de
Karine Deshayes, entre allégement des textures et rebond sautillant.
Quel plaisir de retrouver la mezzo française dans les pas de Régine
Crespin, interprète inoubliable de ce chef‑d’œuvre ! Un hommage, sans
doute, à celle qui lui donna des conseils en début de carrière, lors de
plusieurs classes de maître : on retrouve ici un même accord souverain
entre chant velouté sur toute la tessiture et expressivité de haut vol,
toujours au service du texte. Cette volonté de s’imprégner au cœur de
l’ouvrage aide l’auditeur à pénétrer les arcanes intimes de ce bijou de
poésie, toujours baigné de phrasés lumineux, d’une précision redoutable
sur chaque syllabe. Si la voix montre quelques difficultés pour
atteindre les textures plus transparentes dans l’aigu, voulues par la
partition (notamment lors du délicat « Absence »), Deshayes se rattrape
par son sens des couleurs et du mordant, particulièrement lorsqu’elle
est en pleine voix.
La mezzo bénéficie également de l’écrin intimiste de la salle de
spectacle du Foirail (580 places), inaugurée l’an passé pour accueillir
en résidence l’OPPB, dans un quartier revitalisé au nord du
centre‑ville, après de longues années passées au Palais Beaumont. On
s’interroge toutefois sur la capacité de cette petite scène à accueillir
un répertoire aux effectifs plus conséquents – particulièrement les
symphonies du XXe siècle augmentées de chœurs, la Deuxième
de Mahler par exemple. Quoi qu’il en soit, l’acoustique des lieux
apporte chaleur et proximité, même s’il faut sans doute éviter les
premiers rangs, particulièrement sonores s’agissant des cuivres.
Après l’entracte, Fayçal Karoui prend le micro pour s’adresser au
public, en un ton complice et malicieux, pour faire la promotion du
prochain concert participatif pour fêter le nouvel an et... l’esprit
olympique, le 7 janvier prochain. En attendant, les musiques entêtantes
du ballet La Gaîté parisienne, arrangées en 1938 par Manuel Rosenthal à partir des différents ouvrages d’Offenbach (essentiellement La Vie parisienne et Orphée aux enfers),
apportent un parfum de fête avant l’heure : une musique légère et
pétillante dont s’empare Fayçal Karoui en une gourmandise non feinte, en
un sens de la fluidité et des transitions qui parcourt chaque pupitre
avec une précision millimétrée. Si les tutti un peu trop marqués
montrent quelques rudesses anguleuses, l’imagination narrative de Karoui
compense ces quelques désagréments, insistant autant sur les rythmes de
danses que les parties plus espiègles – à l’image du chef qui se
retourne à plusieurs reprises vers le public pour faire l’étalage d’un
trait orchestral ou le faire applaudir en rythme. L’inoubliable
Barcarolle conclut l’ouvrage dans les douceurs ouatées de l’imagination
mélodique d’Offenbach, avant que l’OPBB ne reprenne en bis le galop
effréné de La Vie parisienne, pour le plus grand bonheur de l’assistance.
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