mercredi 12 février 2025

« Médée » de Luigi Cherubini - Marie-Eve Signeyrole - Opéra Comique - 10/02/2025

Faut-il revisiter Médée en pure victime des hommes ? Marie-Eve Signeyrole ose une relecture d’une force théâtrale parfois inégale mais toujours stimulante. De quoi vivifier la rare version originale de l’ouvrage, avec ses dialogues en français, accompagnée par une Laurence Equilbey et un chœur en grande forme, autour d’un plateau de bonne tenue.

Parmi les plus grands succès de Cherubini, Médée a surtout survécu dans sa version avec récitatifs. La version originale en français a certes été redonnée à Paris en 2012 au Théâtre des Champs-Élysées, mais avec des dialogues entièrement réécrits. La mouture versifiée est donc une curiosité, aux dialogues resserrés mais augmentés de quelques ajouts contemporains, afin de renforcer le rôle des enfants, mais aussi de la Médée plus âgée, interprétée par une comédienne.

On est immédiatement saisi par la grande force déclamatoire de cette version, qui rapproche Cherubini de l’efficacité dramatique d’un Gluck, en incorporant plus naturellement les chœurs majestueux, sans effets appuyés. Avec les forces toujours aussi mordantes d’accentus, on tient là un des atouts décisifs de la soirée.

On ne tarit pas non plus d’éloges sur la direction de Laurence Equilbey, qui fait oublier les sonorités parfois ternes des cordes et la verdeur de ses bois d’époque par une vitalité d’une précision rythmique très attentive à l’éventail dynamique. C’est d’autant plus appréciable que Cherubini soigne chacun de ses actes par une introduction orchestrale d’une inspiration éloquente, que la mise en scène anime de plusieurs vidéos pour enrichir le récit.


Les événements précédents sont ainsi évoqués rapidement, du vol de la toison d’or jusqu’à la tempête qui a amené Médée et Jason en Corinthe. Surtout, Marie-Eve Signeyrole place d’emblée les deux enfants du couple au centre de l’attention, en les montrant dans des situations quotidiennes ou occupés à chahuter. Pour autant, la vidéo semble prendre trop de place dans le splendide air de Néris, tout en lassant par certaines naïveté et redondance. 


On aime en revanche le dédoublement du personnage de Médée par une comédienne, qui revit les événements dans une prison sordide, aux bruitages réalisés en direct. Enfin, l’idée d’appréhender Médée comme une victime du patriarcat revisite le mythe, permettant de donner aux scènes d’affrontement avec Jason et Créon des rebondissements inattendus et ambivalents, entre désir et violence, sans oublier des allusions au viol de l’héroïne.

Pour relever le défi d’une interprétation théâtrale à la hauteur des nécessités vocales, le choix de la soprano d’origine libanaise Joyce El-Khoury, bien qu’annoncée souffrante, s’avère pertinent pour faire vivre le rôle-titre d’un à-propos toujours juste et équilibré, autour d’une diction admirable. Seul le suraigu criard, surtout dans les accélérations, reste en dessous des attentes. On aime aussi la morgue de Julien Behr (Jason), qui fait valoir une émission naturelle et parfaitement projetée, un rien nouée et quelque peu métallique au début.

Bien qu’un peu raide au niveau théâtral, Edwin Crossley-Mercer compose un Créon d’une force expressive tonitruante, à la ligne admirable d’homogénéité. Si Lila Dufy (Dircé) assure bien sa partie, c’est surtout Marie-Andrée Bouchard-Lesieur (Néris) qui remporte tous les suffrages à l’applaudimètre, pour son timbre merveilleux de rondeur autant que sa ligne de chant de grande classe.

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