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| Florent Albrecht |
Rachetée l’an passé par Jean-Marc Dumontet, producteur de théâtre et
président de l’association organisatrice de la cérémonie des Molières,
la salle Gaveau a gardé comme « colonne vertébrale » la musique
classique, même si d’autres propositions (conférences, concerts hors
classique, pièces de théâtre, etc.) viennent enrichir l’offre
principale. Un restaurant a également été installé au rez‑de‑chaussée,
afin de multiplier les sources de revenu et rendre sa rentabilité à l’un
des plus beaux fleurons parisiens en matière de concerts. La réputation
de la salle principale de 1 000 places, inaugurée en 1907, n’est plus à
faire, du fait de son acoustique parmi les plus parfaites de la
capitale, naturellement dévolue au répertoire de piano et de musique de
chambre.
C’est dans cet écrin que l’on retrouve l’ensemble sur instruments
d’époque L’Encyclopédie, fondé en 2020 par Florent Albrecht (né
en 1975). L’orchestre est en résidence à la Fondation-Musée Zoubov à
Genève, là où son chef a achevé des études musicales sur le tard, après
une carrière dans le marketing du luxe. Ce parcours original explique
l’enthousiasme manifeste du chef pour ses débuts parisiens intra‑muros, lors de la présentation du concert face au public. Le Français est également soutenu par Harmonia Mundi, qui a édité un disque au programme similaire à celui proposé à Gaveau.
La salle comble réunie pour l’événement accueille un nombre important de
jeunes enfants et d’adolescents, tous ravis par ce programme en grande
partie dévolu aux « primo‑accédants ». On retrouve en effet, pour
débuter la soirée, une des sérénades nocturnes de Mozart, qui fait la
part belle à la répétition entêtante de la mélodie. Ce type d’ouvrage
était en effet destiné aux diners et fêtes en plein air, sans que le
public écoute spécifiquement la musique. Il fallait donc que celle‑ci
soit simple, afin de capter l’auditeur peu attentif. L’interprétation de
Florent Albrecht joue la carte de la clarté des lignes, en privilégiant
la mélodie principale dévolue aux cordes dans l’aigu. La sonorité un
peu aigrelette des premiers et seconds violons déçoit quelque peu, même
si l’effectif réduit à huit interprètes est conforme aux usages de la
fin du XVIIIe siècle.
Le concert prend davantage de saveur avec l’interprétation de la Symphonie des jouets,
dont l’attribution reste nébuleuse : les frères Haydn et le père de
Mozart furent ainsi les premiers à s’en voir attribuer la paternité,
avant que les recherches récentes ne penchent, sans certitude, vers un
obscur moine bénédictin du nom d’Edmund Angerer. Quoi qu’il en soit, le
brio percussif à l’œuvre ravit l’assistance, en convoquant toute une
série de bruitages aviaires au potentiel comique, du moins si l’on en
croit les interprètes, proches du fou rire en certains endroits.
L’esprit chambriste demeure, un rien trop sage et uniforme, malgré la
légèreté évidente de cette musique de divertissement.
Après l’entracte, Florent Albrecht donne toute la mesure de son talent dans le Treizième Concerto pour piano
(1783) du fils Mozart, qu’il interprète au pianoforte. Les tempi
toujours très vifs du soliste jouent la carte de la vélocité, au
détriment d’une volonté d’architecture et d’une mise en valeur de
l’individualité des pupitres. Les sonorités des graves restent
volontairement minorées, tandis qu’Albrecht se montre plus intéressant
dans les passages lents, où son jeu respire davantage. Le public, un
rien impatient, applaudit avant la fin du Rondo. Allegro conclusif, sous l’œil amusé du chef. L’assistance se régale ensuite de la rare Promenade musicale en traîneau
de Léopold Mozart, avec des grelots et hennissements de cheval
inattendus. Le carillon (glockenspiel) fait son retour pour donner une
coloration savoureuse à la partition, avant qu’un bis, le Finale de la Vingt‑huitième Symphonie de Wolfgang, ne vienne conclure cette copieuse soirée.

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