dimanche 10 août 2025

Concert du Philharmonia Orchestra (2) - Santtu‑Matias Rouvali - Festival de Mikkeli - 08/08/2025

Santtu‑Matias Rouvali

Située à un peu moins de trois heures de train de l’aéroport d’Helsinki, la ville de Mikkeli (51 000 habitants) a tout pour séduire en été, de la visite de ses manoirs anciens (dont ceux de Kenkävero), à l’exploration de la nature qui s’expose en majesté tout autour, dans la vaste région des lacs. De quoi s’adonner à la navigation ou à la randonnée dans les nombreuses forêts à perte de vue, majoritairement composées de bouleaux, pins et sapins. On comprend mieux, dans ce contexte, pourquoi la biographie officielle du chef finlandais Santtu‑Matias Rouvali se conclut de la manière suivante : « Quand il ne dirige pas, Santtu aime passer son temps à méditer, à cueillir et à chasser dans la forêt près de chez lui en Finlande, puis à cuisiner les aliments qu’il ramène à la maison ». Cette précision insolite et inhabituelle est sans doute révélatrice de l’état d’esprit finlandais, là où nos biographies sont habituellement plus réservées en ce domaine.

Quoi qu’il en soit, on retrouve avec plaisir l’art du chef principal du Philharmonia, placé cette fois dans le cadre de la salle de concert moderne de la ville, d’un peu moins de 700 places. Si le Finlandais a fait parler de lui avec une intégrale Sibelius remarquée, il s’est aussi illustré en enregistrant deux suites de ballets de Stravinsky l’an passé, pour l’éditeur Signum Classics. La poursuite de l’exploration de ce répertoire se fait cette fois avec le Divertimento (1934) tiré du ballet néoclassique Le Baiser de la fée (1928, révisé en 1950), en un style tout de légèreté et d’élégance, qui fait la part belle aux nuances. Les ruptures de ton sont nombreuses, ce qui explique pourquoi la souplesse des transitions de Rouvali compte beaucoup ici. Le Finlandais se délecte de ce bijou d’orchestration, souvent imprévisible dans ses changements de direction incessants.

Senja Rummukainen
Le contraste n’en est que plus marquant avec les premières notes, plus sombres, du Premier Concerto pour violoncelle (1959) de Chostakovitch : Rouvali fait montre d’un accompagnement dynamique, mettant en valeur à la fois la vivacité et le rebond rythmique, sans aucune lourdeur. Les tempi assez vifs offrent une vision étonnamment moins grave qu’à l’habitude, ce qui permet à la soliste Senja Rummukainen (née en 1994) de se distinguer sans avoir à s’imposer face à l’orchestre. Son tempérament parfois grinçant (au propre comme au figuré) alterne avec la mise en valeur de belles couleurs, notamment dans la méditation expressive du Moderato qui suit. L’accompagnement superbe, aussi doux qu’enveloppant, fascine par son à‑propos sans ostentation. Les tempi se ralentissent ostensiblement après le solo de cor, lorsque le célesta intervient à son tour. La fin de la cadence rapidissime donne un élan irrépressible à l’ensemble, avant que le Finale retrouve un ton proche du début, entre ruptures et répétitions entêtantes. En bis, la violoncelliste rend hommage à sa compatriote Kaija Saariaho, avec le deuxième mouvement de ses 7 Papillons (1999) : une conclusion aux sonorités étranges et envoûtantes, rappelant des ondulations sur l’eau.

Après l’entracte, les Tableaux d’une exposition (1874, orchestrés en 1922) de Moussorgski célèbrent le goût de Rouvali pour les variations d’atmosphère, en un sens consommé de la conduite du discours musical. La volonté d’allégement est perceptible, ciselant chaque tableau et chaque transition, d’une attention infinie au moindre détail, le tout porté par un orchestre en grande forme. En bis, ce beau programme russe trouve en Chostakovitch une conclusion délicieusement superficielle, aux traits étonnamment espiègles, avec l’étourdissante ouverture de l’opérette Moscou, quartier des cerises (1958).

samedi 9 août 2025

Concert du Philharmonia Orchestra (1) - Santtu‑Matias Rouvali - Festival de Mikkeli - 07/08/2025

Si l’Allemagne fait figure de paradis pour le mélomane aventureux, le cas de la Finlande ne laisse pas de fasciner également, tant son apport en ce domaine reste hors de proportion par rapport à sa démographie relativement réduite, d’un peu plus de 5 millions d’habitants. En dehors du héros national Jean Sibelius, le pays peut en effet s’enorgueillir d’une répartition sur tout le territoire de nombreux orchestres de qualité, tout comme de la formation de chefs d’orchestre de renommée internationale, Esa‑Pekka Salonen en tête. Signe de cet intérêt, l’arrivée à l’aéroport d’Helskinki permet de découvrir des extraits en grand écran des Ostrobotniens de Madetoja, premier jalon essentiel composé en langue finnoise en 1924 : de quoi se replonger avec bonheur dans le souvenir de l’excellente production de l’Opéra d’Helsinki, présentée en décembre dernier pour fêter le centenaire de la création de l’ouvrage.

Autour de ces joyaux célébrés tout au long de l’année, la Finlande attire de nombreux mélomanes lors des festivals d’été, notamment pour le plus célèbre d’entre eux à Savonlinna, dédié à l’art lyrique. Moins connu dans nos contrées, le Festival de Mikkeli est situé dans la même région au sud‑est, autour de l’immense lac Saimaa, le plus grand du pays. Chaque été depuis 1992, le festival a d’abord été dédié à la musique de chambre, avant d’élargir sa programmation à l’orchestre. De 1993 à 2022, il a ainsi été placé sous la direction artistique de Valery Gergiev, avec l’Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint‑Pétersbourg. Depuis 2023, un partenariat a été noué avec le prestigieux Orchestre Philharmonia de Londres, dirigé par le chef finlandais Santtu‑Matias Rouvali depuis 2021.

Conformément à la tradition, l’édition 2025 célèbre un thème d’inspiration, cette année les légendes, ce qui permet de revisiter les mythes du Kalevala ou de Roméo et Juliette, en passant par Le Seigneur des anneaux. On retrouve précisément l’un des personnages emblématiques de la mythologie finlandaise en la personne de Kullervo, dont l’épopée a été mise en musique en tout début de carrière par Sibelius, en 1892. Même s’il s’agit là de sa toute première réussite d’ampleur, ce poème symphonique pour chœur et solistes a rapidement été rangé dans les tiroirs par le compositeur, manifestement insatisfait de cet opus aux effluves postromantiques. La première représentation intégrale de l’ouvrage a eu lieu en 1958, avant le premier enregistrement discographique de Paavo Berglund, en 1970. Depuis, l’ouvrage fait figure de rareté, malgré ses qualités indéniables de souffle épique, à la grandeur tragique immédiatement accessible.

Le concert se tient dans le cadre majestueux de l’église paroissiale de Mikkeli, construite en 1817, dont l’intérieur entièrement dévolu au bois offre une acoustique des plus flatteuses (malgré une légère propension à avantager les cuivres). Placé sur le côté, le Chœur YL, fondé en 1883 à l’Université d’Helsinki, laisse entendre toute son affinité avec ce répertoire : le style homophonique viril donne un aspect volontairement brut, en phase avec le sujet. A la baguette, la figure toujours juvénile et lumineuse de Santtu‑Matias Rouvali, malheureusement trop rare dans nos contrées (voir notamment le très beau programme consacré au répertoire national, donné à Montpellier en 2019), embrase le concert de toute son inspiration vibrante, entre les accélérations dantesques de tutti volontiers abrupts, en contraste avec l’élégance féline des parties plus apaisées.

Les premiers accords détaillés dans les graves marquent son goût pour l’émergence de détails inattendus dans les piani (une constante de la soirée), sans jamais perdre d’attention l’élan global. On ne sait qu’admirer, entre l’attention à la mise en place des crescendi et decrescendi, d’une perfection formelle fascinante, de même que l’art des transitions entre les phrases, toujours délicatement ouvragées. L’ambiance plus mélancolique du mouvement suivant (« La Jeunesse de Kullervo ») permet de savourer le goût du chef pour des lignes claires et sans vibrato, soutenu par les cordes superbes du Philharmonia. Toutes les mélodies sont mises sur le même plan, sans avantager la principale, ce qui rapproche l’ouvrage d’un poème symphonique lisztien.
Johanna Rusanen
Après cette merveille de dentelle ouvragée, les amours incestueux de Kullervo et de sa sœur viennent sonner comme un coup de tonnerre : l’idée de faire intervenir deux membres d’une même fratrie, les chanteurs Johanna et Ville Rusanen, donne évidemment plus de force à ce long mouvement, sinueux et complexe. Familière du rôle, qu’elle a déjà chanté plusieurs fois, Johanna Rusanen fait valoir une voix chaude et puissante, volontiers brute de décoffrage, face à son frère, plus mesuré en comparaison, à la ligne plus homogène. Le mouvement suivant, dédié à la guerre menée par Kullervo, fait entendre un Sibelius inhabituellement spectaculaire dans la variété des moyens déployés, sans jamais perdre de vue son souffle épique. La mort du héros laisse entrevoir davantage d’émotion, en une volonté de grandeur théâtrale, qui fait regretter que Sibelius n’ait pas poursuivi plus avant dans la voie lyrique (en dehors d’un opéra en un acte méconnu de 1896).

En première partie de soirée, une autre œuvre de jeunesse de Sibelius a permis à l’orchestre de se chauffer : le poème symphonique En saga (1892, révisé en 1901) fait découvrir un Sibelius plus intime, dont Rouvali exalte les jeux de sonorités aux cordes. La légèreté aérienne qui se dégage de cette lecture offre quelques ruptures plus sombres aux cuivres, en un aspect un rien trop séquentiel. Les tempi initialement mesurés s’accélèrent peu à peu lors de l’émergence d’un thème plus lyrique, entonné aux altos. L’attention aux nuances reste perceptible, de même que l’atmosphère globalement coloriste. Le chef finlandais n’en oublie pas cependant de faire ressortir toutes les influences à l’œuvre dans ce bijou de jeunesse : ainsi des effluves orientalistes proches de Rimski‑Korsakov audibles lors des parties spectaculaires du mouvement conclusif, avant une déconstruction progressive de la texture orchestrale, qui s’achève dans les murmures pianissimo de la clarinette, puis des trémolos quasi imperceptibles aux cordes.

lundi 4 août 2025

« Les Grandes Eaux Nocturnes » - Château de Versailles - 02/08/2025

Chaque année, du printemps jusqu’à fin octobre, les Jardins du château de Versailles reprennent vie pour offrir un spectacle unique : les Grandes Eaux Musicales, avec en été les Grandes Eaux Nocturnes, chaque samedi soir. Pendant ces festivités, les cinquante-cinq fontaines et bassins du domaine, soit environ six cents jeux d’eau, sont mis en mouvement au son de musiques baroques enregistrées, de Lully à Rameau. La déambulation libre pendant plusieurs heures permet d’apprécier la magnificence des jardins imaginés par Le Nôtre, d’une perfection géométrique mise en valeur par les éclairages.

Le spectacle attire un public considérable : jusqu’à 20 000 visiteurs se pressent dans les jardins, répartis sur deux parcours distincts, que l’on peut parcourir dans un sens ou dans l’autre. Bien évidemment, il est préférable d’avoir la chance de bénéficier d’une fréquentation réduite, comme c’est le cas pour notre venue (7 000 spectateurs), sans doute en raison d’une météo incertaine, mais finalement clémente.

Derrière la beauté apparente du spectacle se cache une prouesse hydraulique encore exceptionnelle de nos jours, révélatrice de la passion dévorante de Louis XIV pour cet art. Ce sont en effet plus de trois mille mètres cubes d’eau par heure qui circulent dans le réseau des fontaines lors des Grandes Eaux, un débit exceptionnel rendu possible par un système imaginé et mis en œuvre lors du Grand Siècle du Roi Soleil. Un vaste réseau ancien irrigue ainsi tout le domaine : près de trente-cinq kilomètres de galeries et de canalisations, dont une part provient encore de l’époque de Louis XIV, même si la fameuse « machine de Marly », chef-d’œuvre d’ingénierie du XVIIe siècle, a été détruite en 1967.

Durant les soirées des Grandes Eaux Nocturnes de juin à septembre, les jardins se parent de lumières et de flammes, avant de se conclure par un grand feu d’artifice au-dessus du Grand Canal. À la tombée du jour, le domaine se transforme en un univers féerique où le reflet des fontaines, le rythme baroque des musiques et le jeu des ombres fascinent le public pendant près de deux heures et demie. Le plaisir est davantage pour les yeux que strictement musical, du fait d’une musique enregistrée et diffusée par haut-parleurs, sans logique précise de programmation.

Malgré cette réserve, le jeu de déambulation dans les bosquets s’avère réjouissant de bout en bout, en ce qu’il permet de découvrir une variété étonnante de fontaines, faisant revivre l’esprit du grand siècle, comme les créatures et dieux mythologiques associés. Seule exception, le bosquet du Théâtre d’Eau surprend le visiteur par la révélation d’une œuvre contemporaine, installée de façon permanente dans les jardins de Versailles depuis 2015. Issue d’un concours international, la fontaine Les Belles Danses signe une heureuse collaboration entre l’artiste Jean-Michel Othoniel et le paysagiste Louis Benech.

Outre la découverte des bosquets, il faut impérativement assister aux grands spectacles de jets d’eau présentés toutes les 10 à 15 minutes dans les bassins de Neptune, à droite du château, puis dans celui du Miroir, à l’opposé, aux effets sophistiqués. De quoi comprendre toute la démesure d’une des plus grandes passions du Roi Soleil, qu’il a su cultiver dès 1661, en même temps que les premiers grands travaux entamés à Versailles, puis jusqu’à la fin de sa vie.

lundi 21 juillet 2025

Concert de Julia Campens et Stanley Smith - Festival du Haut-Limousin à Villefavard - 20/07/2025

Louis-Noël Bestion de Camboulas

Après s’être intéressé aux « Rebel de père en fils » pour leur premier album paru en 2013 (Ambronay Editions), l’ensemble Les Surprises s’intéresse cette fois à la dynastie des Bach, dont quatre des fils ont suivi la même destinée artistique. Seuls deux d’entre eux, issus du premier mariage de Jean‑Sébastien, sont ici illustrés musicalement, en une confrontation stimulante avec d’autres contemporains, Georg Böhm, Georg Stölzel et Johann Ludwig Krebs. A la manière d’un pasticcio, le programme regroupe plusieurs extraits recomposés, en « piochant » parmi les nombreuses œuvres des compositeurs précités, plus ou moins illustres. Déjà reconnu du vivant de son père (mort en 1750), Carl Philipp Emanuel fut ainsi plus célèbre de son vivant, ce qui explique pourquoi sa musique trouve une place généreuse dans ce programme.

 
C’est précisément un Allegro endiablé de l’un de ses concertos pour clavecin que l’on retrouve pour ouvrir le programme, dans le style sautillant et enjoué caractéristique de ce précurseur de Haydn. La partie soliste redoutable bénéficie du clavecin félin et véloce de Louis‑Noël Bestion de Camboulas, qui dirige du clavier et dos tourné au public, à l’instar des habitudes de l’époque. D’emblée, le premier violon trop effacé et flottant de Gabriel Grosbard peine à affronter les passages virtuoses, là où les parties plus lyriques le voient plus à son aise. Fort heureusement, le reste des troupes se régale des tempi allants du chef, se jouant de la richesse des lignes entremêlées de Jean‑Sébastien Bach, sans aucun temps mort.

Après les effluves un rien lancinants de la Sinfonia de Georg Böhm, le concert prend une autre dimension avec l’entrée en piste de Marc Mauillon, qui semble comme un poisson dans l’eau dans ce répertoire. L’aisance du chanteur français impressionne autant par l’étendue de sa tessiture (du baryton au ténor) que par la fluidité de ses phrasés, d’une souplesse de transition aux infinies nuances. Sa classe interprétative impressionne durablement grâce au tube du programme, l’aria « Bist du bei mir » de Georg Stölzel, et ce d’autant plus qu’on le retrouve donné en bis, en fin de soirée. Percutant et engagé, le style de Carl Philipp Emanuel sait ensuite s’assagir dans un Andante de sonate d’une belle intériorité, avant de retrouver une virtuosité rythmique enivrante dans l’extrait symphonique.

Avec Telemann, on pénètre un style autrement plus dépouillé, autour d’une mélodie principale particulièrement mise en avant. Mais c’est bien entendu Jean‑Sébastien Bach qui trouve une ampleur symphonique impressionnante de hauteur dans l’aria « Gleich wie die wilden Meereswellen », tandis que Mauillon se joue des vocalises en une belle maestria dans les graves. La conclusion noble et apaisée du choral « Was Gott tut, das ist wohlgetan » nous rappelle que Bach père est bien le maître incontesté de la cantate sacrée, que l’on ne se lasse pas d’admirer.

dimanche 20 juillet 2025

Concert de Julia Campens et Stanley Smith - Festival du Haut-Limousin à Villefavard - 19/07/2025

 

Pour sa vingt-septième édition, le Festival du Haut Limousin organisé par la Ferme de Villefavard propose de nombreuses manifestations originales (dont des balades musicales urbaines), appelées à faire vivre la culture sur un territoire de tradition agricole. Il fallait certainement de l’audace pour imaginer qu’un village de 164 habitants puisse accueillir l’un des festivals les plus attachants de la région, tout autant qu’une résidence d’artistes et un lieu d’enregistrement discographique renommé (voir notamment l’album « Tyrannic Love » en 2022).

Dans les pas prestigieux de l’abbaye d’Ambronay, la Ferme de Villefavard en Limousin est devenue en 2022 le vingtième lieu français à recevoir le label « Centre culturel de rencontre », qui permet de donner une nouvelle destination à des monuments historiques ayant perdu leur vocation d’origine : ainsi de cette « ferme modèle » à sa création, dont les méthodes préindustrielles avaient pour but d’améliorer les conditions de vie des paysans. Créée par des descendants de la femme du chef d’orchestre Charles Munch, la ferme bénéficie aujourd’hui de vastes espaces entièrement rénovés, dont la construction d’un auditorium intimiste d’un peu plus de 300 places. L’excellente acoustique, signée par Albert Yaying Xu, fait bien entendu la part belle au bois, offrant autant une réverbération idéale qu’un aspect chaleureux.

Pour cette édition 2025, on retrouve dans ce cadre un duo de passionnés, en la personne de Julia Campens et Stanley Smith, organisateurs du festival Le Temps suspendu dans la région voisine du Centre-Val de Loire. Fondateurs de l’ensemble The Smoky House, les musiciens essaient de mieux faire connaître, depuis trois ans, le répertoire des airs anglais, irlandais et écossais, patiemment recueillis au XIXe siècle par de nombreux spécialistes, dont John Sutherland et Simon Fraser. Lors de pauses bienvenues pendant le concert, Stanley Smith prend la parole pour expliquer son projet, se félicitant notamment des possibilités actuelles d’accès gratuit en ligne à de nombreuses partitions inédites. On part ainsi en un vaste voyage à la découverte d’un patrimoine méconnu, qui donne une grande part aux danses populaires enjouées.

On imagine plusieurs fois en pensée ce que devaient être ces soirées de groupe, où alternaient récits et légendes issus de la tradition orale avec des moments de déhanchement endiablés sur la piste. Très bien conçu, le programme joue la carte d’émotions tout aussi variables en intensité, faisant notamment entendre un passage presque murmuré à la viole solo ou certaines sonorités proches de la... cornemuse. On note certes un déséquilibre entre l’esprit plus réservé et policé de Stanley Smith, là où Julia Campens gratte davantage son violon, en une vitalité nerveuse, aux accents bienvenus, parfaitement en phase avec ce répertoire. Pour autant, certains aspects répétitifs de cette musique agacent autant qu’ils fascinent, entre transe hypnotique et passages volontiers plus nostalgiques. Le bis tout en douceur donne une conclusion toute en évocation et en sensibilité, à même, manifestement, de ravir le public, où l’on remarquait plusieurs anglophones.