lundi 21 novembre 2011

« L’Importance d’être Wilde » de Philippe Honoré - Théâtre du Lucernaire - 17/11/2011

Comment résumer la vie et l’œuvre d’Oscar Wilde en seulement une heure dix ? Autour de ce pari difficile à tenir tant la matière est dense, Philippe Honoré et Philippe Person osent une adaptation décalée et humoristique, aussi laconique que percutante.
Oscar Wilde en a dérouté plus d’un. Génial esprit provocateur et corrosif à la repartie ravageuse, il n’a eu de cesse de dénoncer les hypocrisies de la haute société victorienne, particulièrement dans son unique roman, le Portrait de Dorian Gray (1891), ou dans ses différentes pièces de théâtre. Se jouant du succès comme des scandales, l’écrivain a bâti une œuvre aujourd’hui quelque peu éclipsée par le mythe d’une vie brisée, éteinte à seulement quarante-six ans. Criblé de dettes, cerné par ses ennemis et abandonné par son amant, sa vie s’est consumée rapidement après deux ans de travaux forcés et un exil douloureux en France, sanctionné par un enterrement anonyme dans un cimetière de banlieue parisienne.
À partir de ce riche matériau, Philippe Honoré, ancien directeur de théâtre et aujourd’hui libraire, choisit de mettre en avant aussi bien l’œuvre que la vie tumultueuse de Wilde. L’écrivain n’avait-il pas affirmé mettre tout son génie dans sa vie et seulement du talent dans son œuvre ? Rythmé en une douzaine de courts tableaux indépendants, fidèles à la chronologie de l’histoire, le texte d’Honoré suggère plus qu’il n’apporte de réponse, s’appuyant essentiellement sur le verbatim d’Oscar Wilde. Le début de la pièce fait ainsi la part belle au brillant des nombreux aphorismes, symbole des heures glorieuses et insouciantes de l’écrivain, ou à de rapides extraits des pièces restées célèbres telle l’Importance d’être constant.
Un savoureux bric-à-brac
Le « savoureux bric-à-brac » ainsi réuni par Honoré bénéficie surtout d’une mise en scène délurée et audacieuse de son compère Philippe Person, directeur du Lucernaire. Depuis plus de vingt ans, les deux hommes travaillent ensemble, s’intéressant aux figures littéraires bien connues de Proust, Shakespeare ou Hugo. Accompagnés de comédiens tout aussi fidèles, leur spectacle surprend par le sérieux du propos allié à une mise en scène décalée, qui prend constamment le spectateur par surprise.
Les trois comédiens, excellents, interprètent tous les rôles avec une complicité jubilatoire, particulièrement Wilde dans un chœur à trois voix alternées. Le marivaudage comique se marie subtilement à l’émotion, comme dans l’extrait de la scène finale de Salomé, qu’Anne Priol saisit avec une troublante intensité après avoir été interrompue à de multiples reprises par ses deux imprévisibles acolytes. Mais la folie du regard de Salomé laisse vite la place à un nouveau tableau, dans un élan toujours aussi haletant et fiévreux. Emmanuel Barrouyer et Pascal Thoreau ne sont pas en reste, particulièrement dans la scène des différentes lettres écrites par Wilde à son amant. Le comédien qui tend les missives s’éloigne peu à peu jusqu’à disparaître, symbolisant ainsi l’éloignement progressif et inéluctable des deux amants.
Si on peut regretter le poids quelque peu excessif accordé à la lecture des aphorismes, la pièce emporte l’adhésion grâce à des acteurs impeccables et une mise en scène très enlevée. Au final, ce spectacle constitue une bonne entrée en matière dans l’univers de Wilde pour le novice, et un bel hommage à la diversité et à l’ambivalence du personnage pour les amateurs de l’un des plus brillants esprits de son temps.

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