jeudi 18 octobre 2012

« Les Jeunes Filles de l’ospedale della Pietà » - Abbaye de Royaumont - 14/10/2012

Dernier concert du chœur de chambre Les Cris de Paris dans la prestigieuse abbaye de Royaumont. Un concert Vivaldi/Hasse particulièrement réussi qui donne l’occasion de retrouver un chef de caractère, le jeune Geoffroy Jourdain.

Royaumont, c’est avant tout un site exceptionnel. Celui de la plus grande abbaye cistercienne d’Île‑de‑France devenue usine de textile à la Révolution, avant de retrouver son lustre en 1964 avec la création d’une fondation dédiée au « progrès des sciences de l’homme ». Un titre un peu pompeux qui reflète assez mal le niveau d’excellence auquel est parvenu dès sa création la fondation, reconnue d’utilité publique. Outre la beauté du site, c’est principalement l’éclatante saison musicale qui attire chaque année, de fin août à début octobre, de nombreux passionnés de l’art vocal autour d’un répertoire qui s’étend de la musique ancienne au baroque avec plusieurs incursions vers la musique contemporaine.

L’abbaye héberge également plusieurs ensembles en résidence, tel Il Seminario musicale dirigé par le célèbre contre‑ténor Gérard Lesne, ou depuis trois ans, le chœur de chambre Les Cris de Paris. Dorénavant accueilli par la fondation Singer-Polignac, le chœur dirigé par Geoffroy Jourdain effectuait dimanche soir son concert d’adieu à Royaumont, en proposant un programme de musique religieuse du début du xviiie siècle. Le chef français n’a pas hésité à prendre la parole face au public afin de procéder aux traditionnels remerciements d’usage, avant d’expliquer son opposition à la spécialisation des ensembles qui sévit selon lui en France.

Défricher le répertoire

Si l’infatigable curiosité de cet ancien chercheur en musicologie explique cette position, on ne peut y souscrire totalement tant les défricheurs de répertoire que sont, par exemple, les London Mozart Players et le Concerto Köln pour le xviiie siècle, ou encore le Centre de musique baroque de Versailles pour le xviie siècle, démontrent chaque jour le contraire en révélant des partitions et compositeurs oubliés. Qui mieux que des passionnés d’un répertoire précis pourront nous révéler les compositeurs non reconnus en leur temps, les Schubert ou Mahler de demain ?

Mais ne nous y trompons pas, le propos de Geoffroy Jourdain est seulement de ne pas se laisser enfermer dans un répertoire, en embrassant les époques pour mieux les faire résonner entre elles, tels ces ponts entre les musiques baroque et contemporaine. Le jeune chef de 38 ans s’interroge aussi sur les créations originelles des partitions, à l’instar du programme Vivaldi/Hasse intitulé les Jeunes Filles de l’ospedale della Pietà, qui rappelle que de nombreuses œuvres religieuses ont d’abord été composées pour les seules voix de femmes, celles des jeunes filles recluses en hospice ou orphelinat.

Un écrin de couleurs

Ce programme est en fait la reprise de celui donné au Festival de la Chaise‑Dieu à l’été 2011, « Aussi chantent‑elles comme des anges », écourté des œuvres de Maurice Ohana et Vivaldi. Du compositeur vénitien, on retrouve le rare Kyrie RV 587 en sol mineur, ainsi que le plus célèbre Gloria RV 589 en ré majeur. Ces œuvres brillantes bénéficient de la direction enlevée de Jourdain, qui offre à ses seize chanteuses un écrin splendide de couleurs sur instruments d’époque. Si on peut regretter une insuffisance d’assise dans les basses du pupitre des altos, très légèrement inférieur à celui des sopranos, le chœur emporte l’adhésion dans le Miserere de Johann Adolph Hasse, une œuvre aux accents plus intimes qui donne l’occasion d’admirer la cohésion de l’ensemble. Avec les nombreux solos issus du chœur, les dialogues chambristes, particulièrement avec le hautbois, enchantent constamment.

La soirée se conclut avec une œuvre vocale courte de Schumann donnée en bis, qui rappelle l’enthousiasme de Jourdain pour ce compositeur *. Très présents au concert, on retrouvera notamment Les Cris de Paris dès le 26 octobre prochain à l’Auditorium du Louvre, mais également en mars 2013 au Théâtre de Malakoff, avec la reprise de l’opéra contemporain Cachafaz d’Oscar Stranoy. 


* Jourdain et son ensemble viennent ainsi d’enregistrer la rare Missa sacra ou Messe en ut mineur op. 147 de Robert Schumann, une œuvre de la dernière période créatrice du compositeur romantique. Le disque sera disponible dès le 23 octobre 2012 dans une version pour chœur et orchestre sur instruments d’époque.

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