mercredi 29 mai 2013

« Les Capulets et les Montaigus » de Vincenzo Bellini - Opéra de Reims - 05/05/2013

Après Avignon en 2009 puis Tours l’année suivante, l’Opéra de Reims accueille la production d’« i Capuleti e i Montecchi » de Bellini avec un plateau vocal entièrement revu. L’occasion d’entendre deux jeunes chanteuses talentueuses et déjà passionnantes, l’Australienne Jessica Pratt et la Québécoise Julie Boulianne.


Aux côtés de Rossini et Donizetti, le sicilien Vincenzo Bellini (1801-1835) figure parmi les représentants emblématiques du bel canto romantique, cette riche période de l’opéra italien qui embrase le continent européen pendant tout le début du xixe siècle. Entièrement dévolu à la muse lyrique, Bellini connaît une ascension fulgurante, remportant ses premiers succès à Milan puis à Venise avec i Capuleti e i Montecchi en 1830. Alors qu’il vient d’obtenir son ultime triomphe à Paris, le jeune compositeur à la santé fragile disparaît subitement et rejoint ces étoiles filantes disparues trop tôt, tels Mozart ou Schubert avant lui.

Créé un an avant la révélation de ses deux chefs-d’œuvre la Somnambula et Norma, l’adaptation de l’histoire de Romeo et Giulietta trouve son origine non pas dans l’œuvre de Shakespeare bien connue, mais dans les différentes versions italiennes du drame. Encore tributaire de Rossini, cette œuvre composée en quelques semaines seulement porte en germe les succès futurs, et ce malgré un livret quelque peu décevant de Felice Romani qui réduit exagérément le nombre de personnages ou supprime des scènes poétiques, telle la rencontre attendue entre les deux amoureux.

Un contexte guerrier

En outre, le contexte guerrier du drame se fait plus présent par la transposition des évènements en Toscane médiévale, lors des oppositions sanglantes entre partisans des guelfes et des gibelins. La mise en scène de Nadine Duffaut * insiste particulièrement sur cet aspect en s’appuyant sur un voile au milieu de plateau qui permet de différencier les nombreux combats extérieurs en arrière-plan des tractations politiques des deux familles rivales au-devant de la scène. Admirablement chorégraphiées, ces scènes permettent aussi au chœur de trouver une place naturelle et équilibrée.

Aux côtés des opulents costumes réalistes de Katia Duflot, la scénographie apporte quelques éléments modernes avec ces pans de mur rouge sang qui prennent place peu à peu en étouffant toute perspective de fin heureuse. Autour de cet écrin visuellement très réussi, l’autre grande satisfaction de la représentation provient de ses deux rôles principaux interprétés par les jeunes chanteuses Julie Boulianne (Romeo) et Jessica Pratt (Giulietta).

Un champ expressif

Très crédible dans son rôle masculin – un artifice vocal souvent utilisé par les compositeurs jusqu’au début du xixe siècle, la mezzo-soprano québécoise obtient une ovation méritée tant son champ expressif passionne de bout en bout. Avec sa voix chaude et pleine, elle imprime les nombreux récitatifs de sa diction précise et agile, donnant ainsi à Romeo une autorité naturelle du meilleur aloi. Assurément, nous tenons là une grande chanteuse que l’on espère revoir très vite en France.

À ses côtés, la Giulietta de Jessica Pratt démontre des qualités tout aussi impressionnantes. Le pianissimo dans l’aigu est un pur ravissement, tandis que ses qualités de comédienne emportent l’adhésion. S’il lui manque peut-être encore un peu de rondeur dans le timbre, cela n’est qu’un détail tant son duo avec Julie Boulianne bouleverse. Les rôles masculins, moins lourds, convainquent eux aussi pleinement, même si Florian Laconi (Tebaldo) se laisse couvrir par l’orchestre au cours du second acte, peinant dans l’aigu.

À la tête d’un excellent orchestre de l’Opéra de Reims, le maestro Luciano Acocella mène le drame au moyen d’une lenteur étudiée, étouffante à force de maîtrise et de retenue. Attentif, rigoureux, il n’est pas pour rien dans la réussite de la représentation, chaleureusement applaudie par le public rémois. Ainsi rendu, le bel canto épouse le drame.


* Bien connue du public rémois, qui a notamment pu applaudir sa production de Carmen en 2011.

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