mardi 23 juillet 2013

« Le Monte-plats » de Harold Pinter - Théâtre Le Petit Louvre à Avignon - 15/07/2013

Amateurs d’Ionesco et Beckett, osez pousser la porte du théâtre Le Petit Louvre à Avignon. Deux excellents comédiens, savoureux et désopilants, explorent les arcanes de l’absurde dans une œuvre de jeunesse de Harold Pinter. Une éclatante réussite.
Lentement, le public pénètre dans une petite cave voûtée aux pierres anciennes apparentes. Chacun prend place alors que les comédiens sont déjà présents sur la scène étroite éclairée par deux néons blafards, tandis qu’un clapotis d’eau résonne régulièrement à l’oreille bientôt attentive. Pendant toute la pièce, la régularité métronomique de son imperturbable mouvement lancinant ne cessera de contribuer à forger une ambiance de plus en plus oppressante. Sur le plateau, deux hommes allongés sur leurs lits de camp minables trompent l’ennui, l’un comptant ses billets de banque pendant que l’autre nettoie son arme à feu.
Terrés dans une cave sans fenêtre et sans confort aucun, ces tueurs à gages attendent des ordres qui ne viennent pas. Imperceptiblement, se dessine une relation de domination entre Ben et Gus, l’un étant le supérieur de l’autre. Très vite, une tension s’installe autour de la non-communicabilité entre ces deux êtres, de la banalité d’un quotidien subi, de cet ennui sans cesse renouvelé. Quand, d’un monte-plats, surviennent les commandes inattendues, l’absurde prend place presque naturellement, tant les deux hommes sont à bout. Ionesco n’est pas loin.
Une vie qui leur échappe
Faite de petits riens, l’intrigue de Harold Pinter, prix Nobel de littérature en 2005, fait également penser à Samuel Beckett tant ses personnages semblent happés par une vie qui leur échappe. Le refus du récit, de l’évènement, est porté par des dialogues savoureux à force d’ellipses ou de contre-pieds absurdes, offrant un réel suspens qui s’entremêle au drame sous-jacent. Un régal pour qui veut bien accepter les partis pris de radicalité de l’auteur britannique. La mise en scène discrète mais diablement efficace de Christophe Gand insiste sur la progression lente de la tension au moyen d’un espace réduit oppressant, cette chambre d’où Ben ne sort jamais. Seul Gus rejoint la cuisine ou le couloir, tous deux situés en coulisses, espace énigmatique qui rend d’autant plus angoissantes ses interventions hors du regard du spectateur.
Mais cette pièce exigeante nécessite surtout des comédiens aguerris, capables de faire vivre leur personnage par l’intensité de leur jeu. Trois ans après la Dernière Bande de Beckett monté au Off d’Avignon, Boudet retrouve Christophe Gand et compose un désopilant pataud très crédible par le jeu de son expressivité corporelle, tandis que Lombard impose un autoritarisme désabusé tout aussi pertinent. Forts d’une longue expérience qui leur a fait côtoyer les plus grands *, Maxime Lombard (Ben) et Jacques Boudet (Gus) se montrent tous deux impressionnants dans ces rôles périlleux. Ils ne sont pas pour rien dans l’éclatante réussite de ce projet.

* Comédien fétiche de Jérôme Savary, Maxime Lombard a notamment travaillé avec Ariane Mnouchkine, Philippe Caubère ou Alain Sachs, tandis que Jacques Boudet s’est illustré auprès de Patrice Chéreau, Jean‑Marie Serreau ou Roger Planchon.

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