mercredi 24 juillet 2013

« Tom à la ferme » de Michel-Marc Bouchard - Théâtre Le Chêne noir à Avignon - 17/07/2013

Peu connu en France, le Québécois Michel-Marc Bouchard propose un théâtre à thèse qui s’attaque courageusement aux ravages de l’homophobie ordinaire et du mensonge amoureux. La fin bouleversante justifie à elle seule d’oser arpenter ce drame cinglant.
Il est des pièces que l’on écrit sous le coup de la rage. Celle de voir se reproduire à l’infini les mêmes faits-divers fondés sur une homophobie aussi banalisée que destructrice. Un sujet ringard ? La vigueur des récentes manifestations contre le projet gouvernemental de « mariage pour tous » en France a malheureusement prouvé le contraire. Une fois encore. Plus de vingt ans après son premier opus sur le sujet, les Feluettes (Lilies), l’auteur Michel-Marc Bouchard repart à l’assaut des préjugés avec sa pièce Tom à la ferme dont l’adaptation au grand écran sera bientôt réalisée par rien moins que Xavier Dolan, l’enfant terrible du cinéma québécois.
Prix S.A.C.D. 2011 de la Dramaturgie francophone, la pièce a été créée pour la première fois en France en novembre dernier, à l’espace Michel-Simon de Noisy-le-Grand, tout près de Paris. Elle raconte l’histoire de Tom, jeune homme qui décide de rendre visite pour la première fois à la famille de son petit ami, tout juste décédé. Dans une ferme isolée à la campagne, il est violemment menacé par Francis qui tente de conserver le secret de l’homosexualité de son frère pour préserver sa mère Agathe. Peu à peu, Tom se prend de fascination pour cet homme qui lui rappelle le disparu, acceptant des jeux de plus en plus cruels et sanglants.
Une scénographie inventive
À partir d’une scénographie réaliste habillement élaborée, le metteur en scène, Ladislas Chollat, imagine une cuisine et une chambre qui se séparent en deux blocs au gré de l’action, disparaissant complètement pour figurer un champ ou un cimetière. Très inventif, il a recours à de nombreux artifices visuels fondés sur les éclairages ou les fumigènes, quand il ne fait pas appel à une bande-son très présente. Autour de cette réussite esthétique incontestable, Ladislas Chollat prend le risque de s’entourer d’acteurs peu connus du grand public pour porter un sujet exigeant et dramatique, lui qui a déjà dirigé des personnalités aussi prestigieuses que Fabrice Luchini ou Robert Hirsch.
Seule tête d’affiche de ce spectacle, Raphaëline Goupilleau, prix Molière 2008 de la Révélation théâtrale, offre une prestation tout en finesse à son rôle de mère aveuglée par l’amour et le respect qu’elle porte à ses enfants. Avec une gouaille inimitable, elle incarne une paysanne plus vraie que nature, extrêmement touchante dans son long et intense monologue final. À coup sûr, un des grands moments de la soirée. À ses côtés, le rôle lourd de Tom est porté avec beaucoup de vigueur par Christophe d’Esposti, un rien excessif dans la colère, plus juste dans la douleur. Sa prestation musclée est parfaitement en phase avec celle de Daniel San Pedro (Francis), excellent comédien qui gagnerait parfois à ralentir son débit pour paraître plus inquiétant encore. Mais ça n’est là qu’un détail tant sa prestation se montre très crédible.
Dans le rôle de Sarah, la fausse petite amie du défunt, Elsa Rozenknop compose une ravissante idiote capable de faire rire l’assistance avec son anglais plus qu’approximatif. Une détente bienvenue pour ce drame implacable aux dialogues savoureux, en forme de réquisitoire contre les effets dévastateurs du mensonge et de la tromperie. À noter que le Chemin des passes dangereuses, autre pièce de Michel-Marc Bouchard, est à l’affiche du Théâtre du Bourg neuf à Avignon, du 8 juillet au 31 juillet 2013.

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