lundi 22 juillet 2013

« Le Vaisseau fantôme » de Richard Wagner - Théâtre Antique d'Orange - 12/07/2013

Le Théâtre Antique d’Orange fête cette année le bicentenaire de la naissance des deux géants de l’opéra du xixe siècle, Verdi (« Un bal masqué ») et Wagner (« le Vaisseau fantôme »). Le très attendu Mikko Franck illumine la soirée par la variété et l’intensité de sa direction.
 


Incontestable évènement lyrique de la saison estivale, la venue de Mikko Franck aux Chorégies d’Orange était attendue à plus d’un titre. Diriger la langue de Goethe dans l’enceinte majestueuse du Théâtre Antique constitue en effet un privilège rare, là où l’opéra italien, et plus rarement français, règne en maître. Il faut dire que la réputation du jeune chef finlandais de 34 ans ne cesse de s’accroître depuis son unique prestation à Orange en 2010, dans une mémorable Tosca. Récemment nommé au poste de directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Radio France, une fonction qu’il assumera à la rentrée 2015, Mikko Franck a révélé à l’automne dernier son affinité avec Wagner en assurant au pied levé la direction d’un superbe Tristan et Isolde.

Dans la bouillante enceinte de près de 8 300 places éclairée par les derniers feux du soleil couchant, l’ouverture du Vaisseau fantôme offre une entrée en matière saisissante en reprenant les principaux leitmotive de l’opéra qui s’entremêlent avec virtuosité. La baguette vive et agile du chef finlandais anime le thème dramatique du Hollandais volant, avant de ralentir le tempo dans les passages lyriques qui vibrent d’une poésie aérienne et délicate. Attentive aux moindres variations pendant toute la représentation, sa direction exalte un raffinement chambriste ou d’étonnants passages dansants qui rapprochent Wagner de ses aînés Weber et Mendelssohn.

Une variété de couleurs

La variété de couleurs ainsi déployée permet de délaisser les visions par trop souvent univoques du Vaisseau fantôme *, drame implacable qui n’a pas besoin de lourdeurs appuyées pour opérer à plein. Si l’on peut regretter l’absence de surtitres en français, l’histoire éloquente et suggestive résonne aisément en chacun avec une efficacité à laquelle l’atmosphère fantastique n’est pas étrangère, autour de la légende du Hollandais volant condamné à errer sur les mers pour l’éternité, dans l’attente de l’amour qui pourra le délivrer de la malédiction. Alors qu’il accoste sur des terres norvégiennes, le maudit tente d’obtenir la main de la ravissante Senta, pourtant promise à Érik le chasseur, en soudoyant son père, le capitaine Daland.

Contrairement à la production récemment dévoilée à l’Opéra de Bavière, la mise en scène classique de Charles Roubaud ne cherche pas à extrapoler au-delà des intentions premières du compositeur. À partir d’un décor unique pendant toute la soirée, où seule émerge la proue d’une épave imposante, Roubaud se refuse à tout recours au spectaculaire et à la facilité de magnifier l’écrin majestueux du Théâtre Antique par l’intervention des éclairages ou de la vidéo. Les ambiances fantomatiques projetées lors des interventions du Hollandais ne forcent jamais le trait d’une mise en scène dont l’épure est soutenue par une direction d’acteurs très précise.

Un plateau vocal homogène

Grand habitué des Chorégies depuis 1995, Roubaud se joue ainsi aisément du piège d’une vaste scène où plus d’un chanteur y a paru perdu. On retient notamment l’attention portée aux déplacements du chœur de femmes au deuxième acte, véritable ballet enchanteur et élégiaque. Côté voix, le plateau réuni se montre d’une belle homogénéité, Egils Silins (le Hollandais) et Stephen Miling (Daland) offrant tous deux des qualités de projection idéales, tandis qu’Ann Petersen (Senta), à l’émission parfois étroite, met un peu de temps à se chauffer avant d’emporter l’adhésion d’un public conquis.

* Titre français qui se distingue de l’original en allemand, littéralement « le Hollandais volant » (nom du héros maudit).

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