Quand le château
choisit de fêter André Grétry, cette belle maison ne fait pas dans la
demi-mesure, offrant un plateau vocal de premier ordre
réuni autour du chef d’orchestre Guy Van Waas, un habitué des
lieux. Avec de tels interprètes, « la Caravane du Caire » reprend la
route d’un succès comique
garanti.
Julien Véronèse |
Pour sa réouverture il y a quatre ans, l’Opéra de Versailles avait
marqué les esprits en inaugurant sa saison par les « Grandes journées
Grétry », une initiative
destinée à mettre en avant le méconnu compositeur liégeois
André Grétry (1741-1813). Protégé par rien moins que la reine
Marie-Antoinette, ce grand rival de Gluck s’était rendu
particulièrement célèbre en son temps, multipliant les succès dans
l’opéra-comique avant de tomber peu à peu dans l’oubli. On doit au
Centre baroque de Versailles et au Centre
de musique romantique française de Venise, l’heureuse poursuite de
cette redécouverte, aussi bien au disque * que sur la scène, comme
c’est le cas ici avec cette version de
concert d’un chef-d’œuvre comique orientalisant très bien
accueilli à sa création.
Composé en pleine gloire au début des années 1780, la Caravane du Caire
raconte la rocambolesque épopée des amours contrariées de Saint-Phar et
Zélime, bien mal embarqués dans les griffes du vendeur d’esclaves
Husca. Ce dernier a pour mission de réveiller la mélancolie du Pacha par
une irrésistible et désopilante présentation des
charmes des différentes esclaves. Ce qui offre au compositeur le
délicieux prétexte de moquer par le pastiche musical la brillante
emphase à l’italienne ou la terne rigueur à l’allemande. Dès
lors, agréablement surpris par les atours de Zélime, le Pacha
retrouve sa verve et provoque la fureur de la favorite Almaïde, avant
que le Français Florestan ne réconcilie habilement
tout ce petit monde en une rapide conclusion.
Une grande figure parmi les petits maîtres
Ce livret complètement foutraque donne l’occasion à Grétry de
faire l’étalage d’un métier indéniable, particulièrement celui
d’orchestrateur attentif aux couleurs et à la caractérisation
des personnages. Même si on peut lui reprocher une relative
faiblesse de l’invention mélodique – en début d’opéra notamment. Grande
figure parmi les petits maîtres, Grétry anime une
musique agréable qui surprend par sa variété, tandis que les
différents aspects comiques laissent souvent place à des moments plus
tragiques, telles les belles complaintes vengeresses
d’Almaïde. Dès lors, rien d’étonnant à voir défendre cette œuvre
par Guy Van Waas et son ensemble belge Les Agrémens, qui revient
à Versailles un an tout juste après le
beau concert consacré à Thésée de Gossec.
Outre l’éclat des timbres de cet orchestre composé d’instruments
d’époque, on retrouve le soin attentif apporté aux détails, mais aussi à
cette rythmique fiévreuse particulièrement éloquente
avec les scansions des percussions turques. À peine pourra-t-on
reprocher à Van Waas de ne pas avoir davantage accentué certains aspects
bouffons présents dans la partition de Grétry.
Mais ça n’est là qu’un détail tant l’excellent plateau vocal ici
réuni a surpris par son homogénéité et sa contagieuse vitalité,
parvenant à instiller par petites touches un humour aussi subtil
que bienvenu en version de concert.
Le désopilant Pacha de Julien Véronèse
C’est peu dire que les mines désopilantes du Pacha
de Julien Véronèse, également bon chanteur, ont répondu au non moins
remarquable Husca d’Alain Buet. Ce dernier a encore
une fois fait l’étalage de toute sa classe dans ce rôle comique,
tout comme l’étonnant Reinoud Van Mechelen qui impose une présence
scénique et vocale constante. Comme l’an passé, on
fera encore une fois l’éloge de Tassis Christoyannis, généreux et
flamboyant dans son trop court rôle de Florestan, tandis que les femmes
sont également à la fête avec l’air vivement
applaudi de Chantal Santon (une esclave italienne) à l’issue de
ses périlleuses vocalises.
Décidément incontournable en région parisienne après son récent
concert à Mantes-la-Jolie dans le cadre du festival Gourmandises
musicales en Yvelines, le Chœur de chambre
de Namur démontre une nouvelle fois de belles qualités
d’interprétation, tout en affichant une cohésion et un engagement
irréprochables. Reste à vous recommander chaudement le tout dernier
disque gravé par ce chœur, qui bénéficie de la direction
bouillonnante du jeune chef argentin Leonardo García Alarcón, défenseur
du compositeur oublié Michelangelo Falvetti
(1642-1692) dans l’oratorio Nabucco. Une nouvelle réussite après l’excellent il Diluvio universale dévoilé quelques mois plus tôt par la
même équipe.
* Voir notamment le ballet héroïque Céphale et Procris ou l’Amour conjugal, dirigé par Guy Van Waas et son ensemble Les Agrémens.
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