samedi 26 octobre 2013

« La Caravane du Caire » d'André Gretry - Opéra de Versailles - 22/10/2013

Quand le château choisit de fêter André Grétry, cette belle maison ne fait pas dans la demi-mesure, offrant un plateau vocal de premier ordre réuni autour du chef d’orchestre Guy Van Waas, un habitué des lieux. Avec de tels interprètes, « la Caravane du Caire » reprend la route d’un succès comique garanti.


Julien Véronèse
Pour sa réouverture il y a quatre ans, l’Opéra de Versailles avait marqué les esprits en inaugurant sa saison par les « Grandes journées Grétry », une initiative destinée à mettre en avant le méconnu compositeur liégeois André Grétry (1741-1813). Protégé par rien moins que la reine Marie-Antoinette, ce grand rival de Gluck s’était rendu particulièrement célèbre en son temps, multipliant les succès dans l’opéra-comique avant de tomber peu à peu dans l’oubli. On doit au Centre baroque de Versailles et au Centre de musique romantique française de Venise, l’heureuse poursuite de cette redécouverte, aussi bien au disque * que sur la scène, comme c’est le cas ici avec cette version de concert d’un chef-d’œuvre comique orientalisant très bien accueilli à sa création.

Composé en pleine gloire au début des années 1780, la Caravane du Caire raconte la rocambolesque épopée des amours contrariées de Saint-Phar et Zélime, bien mal embarqués dans les griffes du vendeur d’esclaves Husca. Ce dernier a pour mission de réveiller la mélancolie du Pacha par une irrésistible et désopilante présentation des charmes des différentes esclaves. Ce qui offre au compositeur le délicieux prétexte de moquer par le pastiche musical la brillante emphase à l’italienne ou la terne rigueur à l’allemande. Dès lors, agréablement surpris par les atours de Zélime, le Pacha retrouve sa verve et provoque la fureur de la favorite Almaïde, avant que le Français Florestan ne réconcilie habilement tout ce petit monde en une rapide conclusion.

Une grande figure parmi les petits maîtres

Ce livret complètement foutraque donne l’occasion à Grétry de faire l’étalage d’un métier indéniable, particulièrement celui d’orchestrateur attentif aux couleurs et à la caractérisation des personnages. Même si on peut lui reprocher une relative faiblesse de l’invention mélodique – en début d’opéra notamment. Grande figure parmi les petits maîtres, Grétry anime une musique agréable qui surprend par sa variété, tandis que les différents aspects comiques laissent souvent place à des moments plus tragiques, telles les belles complaintes vengeresses d’Almaïde. Dès lors, rien d’étonnant à voir défendre cette œuvre par Guy Van Waas et son ensemble belge Les Agrémens, qui revient à Versailles un an tout juste après le beau concert consacré à Thésée de Gossec.

Outre l’éclat des timbres de cet orchestre composé d’instruments d’époque, on retrouve le soin attentif apporté aux détails, mais aussi à cette rythmique fiévreuse particulièrement éloquente avec les scansions des percussions turques. À peine pourra-t-on reprocher à Van Waas de ne pas avoir davantage accentué certains aspects bouffons présents dans la partition de Grétry. Mais ça n’est là qu’un détail tant l’excellent plateau vocal ici réuni a surpris par son homogénéité et sa contagieuse vitalité, parvenant à instiller par petites touches un humour aussi subtil que bienvenu en version de concert.

Le désopilant Pacha de Julien Véronèse

C’est peu dire que les mines désopilantes du Pacha de Julien Véronèse, également bon chanteur, ont répondu au non moins remarquable Husca d’Alain Buet. Ce dernier a encore une fois fait l’étalage de toute sa classe dans ce rôle comique, tout comme l’étonnant Reinoud Van Mechelen qui impose une présence scénique et vocale constante. Comme l’an passé, on fera encore une fois l’éloge de Tassis Christoyannis, généreux et flamboyant dans son trop court rôle de Florestan, tandis que les femmes sont également à la fête avec l’air vivement applaudi de Chantal Santon (une esclave italienne) à l’issue de ses périlleuses vocalises.

Décidément incontournable en région parisienne après son récent concert à Mantes-la-Jolie dans le cadre du festival Gourmandises musicales en Yvelines, le Chœur de chambre de Namur démontre une nouvelle fois de belles qualités d’interprétation, tout en affichant une cohésion et un engagement irréprochables. Reste à vous recommander chaudement le tout dernier disque gravé par ce chœur, qui bénéficie de la direction bouillonnante du jeune chef argentin Leonardo García Alarcón, défenseur du compositeur oublié Michelangelo Falvetti (1642-1692) dans l’oratorio Nabucco. Une nouvelle réussite après l’excellent il Diluvio universale dévoilé quelques mois plus tôt par la même équipe.

* Voir notamment le ballet héroïque Céphale et Procris ou l’Amour conjugal, dirigé par Guy Van Waas et son ensemble Les Agrémens.

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