Massy accueille une
production de « Falstaff », créée à l’Opéra de Monte-Carlo voilà
trois ans, qui transpose la
farce dans une basse-cour déjantée et bariolée de couleurs. Un
pari imparfaitement réussi du fait d’une direction d’acteur un peu
désordonnée.
Vous n’allez pas à Massy ? Vous avez bien tort. Cette année
encore, son directeur Jack‑Henri Soumère a concocté une saison des plus
équilibrées, alternant les piliers incontournables
du répertoire (Don Giovanni, la Traviata) avec de stimulantes curiosités (l’Empereur d’Atlantis d’Ullmann ou
Un train pour Johannesburg de Weill), sans oublier un heureux détour par le baroque (King Arthur, Orfeo). Si Soumère célèbre en
ouverture de saison le bicentenaire de la naissance de Giuseppe Verdi (1813-1901), le choix de Falstaff
ne constitue en rien une facilité. En effet, la toute dernière œuvre
lyrique du compositeur ne fait pas partie de ses opéras les plus
souvent représentés, et ce en raison de mélodies moins immédiatement
identifiables et entêtantes pour le profane.
Verdi ponctue là une carrière longue de plus de cinquante ans de
succès, dévoilant un nouveau chef-d’œuvre salué par la critique,
résultat d’une lente et minutieuse maturation. Un opéra
qui représente surtout l’une des rares incursions du maître
italien dans la comédie, genre abondamment défendu par son illustre aîné
Rossini. Mais là où les premières œuvres de Verdi devaient
beaucoup aux virtuosités fulgurantes du « Cygne de Pessaro »
(surnom de Rossini), ce Falstaff se tourne résolument vers le
xxe siècle, annonçant
ainsi Richard Strauss par la fluidité de la conversation musicale
et une écriture rythmique étourdissante au niveau orchestral.
Un orchestre national d’Île-de-France superlatif
Le maestro Roberto Rizzi-Brignoli s’empare de ce matériau sans
jamais se départir d’une vigueur qui fait ressortir toute la modernité
de la partition. À peine lui reprochera-t-on un manque
de respiration dans la première partie de l’opéra, mais fort
heureusement compensé par un Orchestre national d’Île-de-France
superlatif dans ce répertoire, incontestable satisfaction de la
soirée. Côté mise en scène, en effet, malgré des éléments
scénographiques (costumes et décors notamment) d’une créativité
constante, la farce élaborée par Jean-Louis Grinda peine à animer
de manière convaincante une action transposée en une insolite
basse-cour que n’aurait pas reniée La Fontaine.
Faute d’une direction d’acteur serrée, les chanteurs semblent
souvent mal à l’aise sur le plateau, tandis que la chorégraphie de la
scène de la forêt pèche par ses déplacements maladroits du
chœur, et ce malgré la délicate poésie visuelle due aux
merveilleux costumes de créatures abyssales tout droit sortis des
marais. Affublée de costumes d’animaux aussi bariolés que truculents,
toute la troupe maquillée façon punk-rock se démène ainsi face au
malotru Falstaff pour le réprimander collectivement.
Ce personnage d’infatigable coureur de jupons, issu de la pièce les Joyeuses commères de Windsor
de Shakespeare, se trouve ici
engoncé dans un déguisement de coq qui ne lui permet pas de donner
à son personnage une dimension autre que celle de l’ivrogne décadent.
En effet, c’est bien par le souvenir de sa grandeur
passée que Falstaff accepte la leçon finale en seigneur,
entraînant joyeusement ses pourfendeurs à entonner la célèbre fugue qui
conclue l’opéra.
Un Falstaff en demi-teinte
Côté voix, Olivier Grand (Falstaff) démontre de belles qualités
d’ampleur vocale dans les envolées lyriques des dernières scènes, mais
déçoit dans les parties bouffes avec un jeu d’acteur
assez terne et convenu. Hormis le Docteur Cajus de Gilles Ragon,
constamment à la peine vocalement, tout le reste du plateau convainc
pleinement. On retiendra notamment l’agilité
gracieuse et délicate de la Nannetta de Valérie Condoluci. ou le
Ford d’Armando Noguera, artiste complet qui démontre des qualités
d’acteur et une prestance vocale de tous
les instants. Assurément deux chanteurs que l’on espère retrouver
très vite.
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