vendredi 8 août 2014

"Sur la route de l'Est" par le Talich Quartet - Festival Pablo-Casals à Prades - 02/08/2014

En deux magnifiques concerts de musique de chambre, le Festival Pablo-Casals de Prades permet de découvrir deux des plus beaux édifices religieux du Roussillon. Laissez-vous tenter !

Situé dans les hauteurs des contreforts orientaux du massif du Canigou, le magnifique prieuré de Serrabone, chef-d’œuvre de l’art roman en Roussillon, se mérite. Une longue route sinueuse permet d’y accéder, dévoilant un paysage sauvage empli de chênes et d’oliviers, source d’un émerveillement constant pour les yeux. Arrivé au but, le visiteur n’est pas au bout de ses surprises, la découverte de l’intérieur du prieuré donnant à admirer une tribune de marbre rose aux colonnes ornées de splendides chapiteaux sculptés d’un riche bestiaire médiéval. C’est dans ce cadre enchanteur que se tient l’un des concerts du festival de musique de Prades, la plupart des autres manifestations ayant traditionnellement lieu dans le cadre de l’abbaye Saint-Michel de Cuxa.
On retrouve le directeur artistique du Festival, le clarinettiste Michel Lethiec, pour présenter le concert en quelques phrases percutantes. Un fil conducteur entre les différents compositeurs : la déprime ! Si l’on connaît bien les fragilités psychologiques de Saint-Saëns ou Tchaïkovski, les états d’âme de Mikhaïl Glinka (1804-1857) sont moins fameux. Composé suite à une rupture amoureuse, son Trio pathétique en ré mineur fait appel à des instruments pour vents aux tonalités basses (clarinette et basson) accompagnés d’un piano plutôt discret. Rien de finalement très sombre dans cette œuvre aux mélodies de plus en plus élaborées au fil de son déroulé, interprétée idéalement dans l’écrin du Prieuré.
L’irrésistible talent mélodique de Tchaïkovski
Auparavant, une petite œuvre rare de Saint-Saëns avait été donnée par un insolite ensemble piano, flûte, clarinette et hautbois. Une œuvre malheureusement peu inspirée de son auteur, assez scolaire, les instruments jouant souvent à tour de rôle pour faire briller leurs différentes qualités individuelles. Les interprètes font ce qu’ils peuvent pour tirer cette œuvre de l’oubli, mais l’on préférera s’en tenir aux œuvres plus éminentes du compositeur français. Fort heureusement, la toute dernière partie du concert nous permet de retrouver le Quatuor à cordes n° 1, de Tchaïkovski, chef-d’œuvre du répertoire de chambre. Une œuvre de jeunesse emplie d’une fraîcheur naïve où perce, déjà, l’irrésistible talent mélodique du maître russe.
À l’instar du concert de la veille, le Talich Quartet évite tout sentimentalisme, substituant à la narration une vision éloquente et dynamique. La mélodie principale n’est absolument pas privilégiée au détriment des contre-chants, tous marqués d’une égale couleur. Dans cette optique, le mouvement lent pris dans un tempo assez rapide exalte le deuxième thème malicieux et espiègle au violoncelle en pizzicato. Également repris en bis, ce morceau conclut le propos sur une note émouvante. Le second concert du jour se déroule comme la veille en l’abbaye Saint-Michel de Cuxa, où l’on retrouve cette fois un contemporain de Tchaïkovski, Dvořák.
La délicatesse des phrasés de Philippe Muller
Œuvre peu connue, son Terzetto pour deux violons et alto, au lyrisme prenant permet à Olivier Charlier de démontrer une belle autorité au premier violon, tandis que Kyoko Takezawa lui répond avec ardeur, secondée par un Bruno Pasquier toujours vaillant à l’alto. Après cette pétillante mise en bouche, Philippe Muller offre à la magnifique Sonate pour violoncelle et piano, de Rachmaninov toute la délicatesse de ses phrasés, très à l’aise dans les passages lyriques. Solidement soutenu par Emmanuel Strosser au piano, il compense sa faible projection par une attention aux détails particulièrement marquante dans le superbe mouvement lent.
Le concert se conclut avec une œuvre du rare Ernő Dohnányi (1877-1960), contemporain de Rachmaninov. Un compositeur influencé par Brahms, qui compense un certain classicisme par de sautillants emprunts au jazz, notamment dans les deux derniers mouvements. Le concert est marqué par un petit incident lorsque André Cazalet, remarquable cor solo de l’Orchestre national de France, interrompt ses comparses pour annoncer au public qu’il a oublié une partie de la partition en coulisses ! Le concert reprend, avant qu’une semblable intervention ne soit faite par le premier violon lors du bis, repris lui aussi derechef dans une bonne humeur délicieusement contagieuse.

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