jeudi 28 août 2014

Concert - Charpentier et Rameau - Rencontres musicales de Vézelay - 22 et 23/08/2014

Le baroque français est à l’honneur des Rencontres musicales de Vézelay, dont la quinzième édition marque le départ de son fondateur et directeur artistique, Pierre Cao, fêté lors d’un vibrant concert d’adieu.

Pierre Cao
On doit au chef d’orchestre luxembourgeois Pierre Cao l’initiative de la création en 1999 des Rencontres musicales de Vézelay, festival consacré au répertoire vocal pendant une courte durée de trois à quatre jours. Un véritable concentré qui fait appel aux meilleures formations (1), idéalement accueillies dans le cadre majestueux de Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay. Point de départ de l’un des pèlerinages pour Saint-Jacques-de-Compostelle, ce site, doublement classé au patrimoine mondial de l’U.N.E.S.C.O. pour sa basilique romane et sa colline, offre aussi de beaux moments mélodieux sur la chaleureuse « place des Rencontres » au milieu de la ville. C’est là que se tiennent de nombreux concerts gratuits dédiés à un répertoire plus léger, tandis que d’autres initiatives (petit déjeuner et visite en musique, etc.) animent la cité tout au long de la journée.
Qualité et convivialité : voilà comment résumer en deux mots ces quelques jours passés au cœur du Morvan. Les villes alentour participent également aux Rencontres, organisant quelques concerts, tel celui donné en la collégiale Saint-Lazare d’Avallon, entièrement consacré au compositeur Marc‑Antoine Charpentier (1643-1704). Longtemps éclipsée par son grand rival Lully, son œuvre d’une admirable inventivité bénéficie maintenant du précieux ouvrage réalisé par le Centre de musique baroque de Versailles pour publier l’ensemble de ses travaux. Une initiative qui explique la création d’un motet totalement inédit au disque comme en spectacle, la Peste de Milan. Charpentier sait y varier les climats au moyen d’une orchestration colorée, admirablement mise en valeur par les différentes interventions solistes.
Un Charpentier doux-amer
Tout en jouant à l’orgue, Sébastien Daucé dirige avec mesure, privilégiant une vision sobre portée par un legato omniprésent. Même si l’on aimerait davantage de nerfs dans les passages virtuoses, cette optique permet d’exprimer à merveille la douce amertume en vigueur dans les œuvres ici présentées, tout en apportant un soin particulier à la diction, d’une jolie éloquence. On retiendra surtout, outre de superlatifs pupitres de soprano, la basse de Renaud Brès, au timbre idéal de projection. Des chanteurs qui parviennent à créer des climats subtils, tel l’apaisement conclusif de la Messe pour les trépassés, d’une simplicité incomparable – presque une caresse. Vivement applaudi, ce très beau concert avait lieu en prélude à celui donné en soirée dans les hauteurs de Vézelay, à quelques kilomètres de là.
Un concert lui aussi dédié à un compositeur unique, en la personne de Jean‑Philippe Rameau (1683-1764), autour d’un programme original de motets rares. L’acoustique flatteuse d’Avallon tranche quelque peu avec celle de la basilique de Vézelay dont l’immensité procure parfois une sensation d’éloignement, particulièrement pour les interventions de l’orchestre seul. Vézelay nécessite ainsi des voix puissantes, parfaitement incarnées par l’agile Lisandro Abadie ou l’impériale Claire Lefilliâtre, très à l’aise pendant toute la soirée. Le ténor Jean‑François Lombard peine davantage en matière de projection, mais parvient heureusement à imposer peu à peu son timbre cristallin. En présence de l’impeccable chœur Arsys Bourgogne, très attentif à l’intelligibilité du texte chanté, la direction bondissante de Jean Tubéry fait rugir ses cordes graves avec un rare bonheur dans le Deus noster refugium, puis offre davantage de tendresse dans les contrastes raffinés d’In convertendo.
Un hommage vibrant à Pierre Cao
Si Vézelay se devait de fêter Rameau (2), natif de la capitale bourguignonne, la soirée a aussi été l’occasion d’un vibrant hommage décerné à Pierre Cao à l’issue du concert. Comme toujours, le maestro a laissé parler son élégance pudique en un court discours empreint d’une modestie non feinte et d’un amour sincère pour l’art qu’il défend ardemment depuis si longtemps. Le fondateur du festival quitte la direction artistique après quinze ans à Vézelay, fier du travail accompli, satisfait surtout de ces nombreuses rencontres qu’il aura su faire partager dans les hauteurs du Morvan. Qu’il en soit remercié ! 

(1) Ceci grâce à Pierre Cao, chef capable de convaincre le Concerto Köln, la Camerata Salzburg, en passant par l’Akademie für Alte Musik Berlin ou la Rheinische Kantorei. Sans oublier les formations françaises tels que l’ensemble Pygmalion ou le chœur Accentus.
(2) Particulièrement honoré cette année en France pour les 250 ans de sa mort. Voir notamment l’irrésistible Platée donnée à Strasbourg en juin dernier.

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