jeudi 16 octobre 2014

« Le Temple de la Gloire » de Jean-Philippe Rameau - Opéra de Versailles - 14/10/2014

Mathias Vidal

Comme chaque année depuis la réouverture de l’Opéra de Versailles en 2009, l’orchestre sur instruments d’époque Les Agrémens et le Chœur de chambre de Namur reviennent dans l’intimité de l’écrin royal – à peine plus de 700 places. Une «résidence» pour servir un cœur de répertoire qui s’étend de la fin du XVIIe siècle aux premières symphonies de Beethoven, mais surtout intéressée par la révélation de raretés absolues. De Grétry à Kreutzer, en passant par Dauvergne et Gossec, les habitués de Versailles ont pu apprécier les qualités de ces deux ensembles, souvent remarquables sous la baguette avisée de son chef attitré Guy Van Waas. Leur retour est l’occasion d’un nouvel hommage à Rameau, incontournable cette année partout en France, avec Le Temple de la Gloire - une œuvre méconnue et mésestimée, donnée voilà quelques jours à Liège.

Comme souvent chez Rameau, le livret de ces œuvres lyriques n’a rien d’impérissable, et l’on se désintéresse assez vite de celui-ci – pourtant dû à Voltaire. Le grand écrivain français y mélange à qui mieux mieux figures allégoriques, dieux mythologiques ou personnages historiques, tous avides de pénétrer le fameux Temple de la Gloire. Echec à la création, l’œuvre est remise sur le métier en 1746 – notamment avec un nouveau final assez naïf, en forme d’ode au «doux ramage des oiseaux» – avant de tomber rapidement dans l’oubli. Pour autant, le génie de Rameau souffle sur cette œuvre, emportant dès l’Ouverture le déferlement enthousiaste d’une orchestration très colorée. On retiendra notamment l’excellente idée de placer les flûtes aux côtés des premiers violons à gauche, en parfait écho aux graves et cors placés à l’opposé. Effets de résonnance à l’orchestre, brio des solistes, interventions inattendues et nombreuses du chœur, les surprises de l’imagination ramélienne ne manquent pas, et ce même si l’inspiration se fait plus inégale lors des deux derniers actes.


Côté interprétation, on retrouve avec bonheur la direction vive et engagée de Guy Van Waas, toujours soutenu par un chœur idéal de cohésion et bien en place. A peine aimerait-on davantage de respiration en certaines parties afin de distiller des climats plus mystérieux, plus inattendus. C’est peut-être là aussi l’un des défauts de Mathias Vidal, dont on aime les prises de risque, l’élan généreux et le timbre clair porté par une éloquente diction. S’il se montre moins à l’aise dans les tessitures aigues demandées par le rôle de Trajan, il reçoit les vives félicitations du chef à l’issue de la représentation. Aucune difficulté vocale en revanche pour la toujours impériale Judith van Wanroij, à la diction française très correcte. A ses côtés, Katia Velletaz prend de l’assurance au fur et à mesure de la soirée, chauffant bien sa «petite» voix aux infinies subtilités, à peine desservie par un léger vibrato.


Autre chanteuse quelque peu décevante en première partie de concert, Chantal Santon-Jeffery – il est vrai impressionnante quelques jours plus tôt à Saint-Quentin-en-Yvelines dans un rôle bien différent. Elle se montre plus convaincante dans son interprétation de La Gloire, partie il est vrai plus lyrique et dramatique, qui lui permet de faire valoir ses indiscutables qualités de comédienne. Enfin, Alain Buet imprime sa marque, volontiers joueur et malicieux, toujours maître de sa technique vocale sûre et avisée.


Assurément une œuvre à découvrir pour les amateurs du génie ramélien, toujours aussi en verve dans cet opus rare – prochainement gravé au disque avec toute l’équipe de la production entendue à Versailles.

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