dimanche 24 janvier 2016

« A Britten Collection » - Billy Budd, Death in Venice, Gloriana, Peter Grimes et The Rape of Lucretia - Coffret 7 DVD Opus Arte


Neuf ans après Arthaus Musik, l’éditeur britannique Opus Arte réunit opportunément en un seul coffret cinq productions d’opéras de Benjamin Britten, toutes captées entre 2010 et 2013 (hormis Le Viol de Lucrèce en 2001). Ces spectacles récents offrent un bon aperçu de la fine fleur du chant britannique actuel, là où son concurrent germanique proposait, en un panorama de la quasi-totalité des grandes œuvres du maître anglais (à l’exception notable d’Albert Herring, du Songe d’une nuit d’été et des paraboles d’église), des versions remontant aux années 1980 et 1990. On est agréablement surpris aussi par la variété des grandes maisons ici réunies, de la Scala de Milan au Royal Opera, en passant par l’English National Opera et Glyndebourne, et bien entendu le festival d’Aldeburgh. On se souvient en effet combien Britten eut du mal à s’imposer sur les scènes conservatrices de son pays, notamment pour des raisons politiques liées à ses idées pacifistes, l’incitant ainsi à se tourner vers l’écriture d’opéras de chambre plus faciles à monter auprès de petites structures.

C’est précisément l’un deux, Le Viol de Lucrèce, composé en 1946 dans la foulée de l’immense succès de Peter Grimes, qui constitue l’une des productions les plus réussies de ce coffret, non pas tant pour la mise en scène de David McVicar, inhabituellement sobre et sage, que pour son superbe plateau vocal. Ce sont surtout les femmes qui impressionnent tout du long dans ce qui reste l’une des œuvres les plus difficiles d’accès du grand maître, du fait notamment de son livret peu théâtral. Après ce bonheur vocal réjouissant, on continuera l’exploration de ce coffret par le chef-d’œuvre Peter Grimes, magnifié par la mise en scène de Richard Jones, proche d’un Marthaler, aussi attentif à l’esthétique qu’à une vivante direction d’acteurs (parfois trop, dans les allusions à la frustration sexuelle des protagonistes, notamment). L’inventivité des éclairages offre un écrin décisif à ses excellents chanteurs (jusqu’aux seconds rôles), dominés par le chant incarné de Susan Gritton en Ellen Orford.


Plus originale encore est la production de Gloriana par le même Richard Jones, qui choisit de transposer l’action en un théâtre de fortune au temps de Britten, où l’ensemble des techniciens, metteur en scène ou répétiteur sont visibles sur les à-côtés de la scène. Cette mise en abyme minimaliste et symbolique prend place en des décors stylisés aux couleurs improbables et fantaisistes, qui dépoussièrent quelque peu le livret. Si le rôle-titre incarné par Susan Bullock déçoit par un manque de puissance et un timbre fatigué, on se délecte en revanche de l’impeccable Essex de Toby Spence, véritable diamant vocal du coffret entier. On passera en revanche sur un trop classique Billy Budd, aux éclairages superbes et au décor astucieux représentant bien l’enfermement des protagonistes en huis clos, mais incapable de toute allusion sensuelle ou érotique, tandis que le plateau vocal, correct, manque par trop de personnalité. Les plus curieux n’oublieront pas de s’intéresser à l’ultime et inégal opéra de Britten, Mort à Venise, dont la production de Deborah Warner évacue là aussi toute charge érotique. Restent de superbes tableaux jouant sur la sobriété des décors mis en valeur par les éclairages, tandis que la danse anime le plateau de son ballet envoûtant. De quoi se laisser emporter avec Aschenbach sur les rivages mortifères de la lagune...

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