dimanche 14 février 2021

Quatuors à cordes d'Anton Webern, Leos Janácek et Johannes Brahms - Quatuor Joyce - Salle Cortot - 11/02/2021

Devant un parterre d’à peine dix personnes, tous réunis dans la prestigieuse salle Cortot, Léo Marillier (né en 1995) s’interroge sur le moment qu’il est en train de partager avec ce public réduit et la caméra devant lui: est-ce là une captation, une diffusion ou un concert? Un peu de tout ça à la fois, bien évidemment, mais on est au moins certain d’une chose, c’est que le fondateur et premier violon du Quatuor Joyce a du caractère et de l’énergie à revendre. On ne s’en plaindra pas en cette période difficile, tant sa volonté de pédagogie pour mettre en perspective le programme proposé cherche à donner du sens, bien au-delà du simple plaisir de l’écoute. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que ce jeune homme doué est déjà fondateur et premier violon de l’ensemble A-Letheia, mais aussi directeur artistique de Fest’inventio, un festival de musique de chambre itinérant installé en Seine-et-Marne, son département d’origine.

Le concert débute avec la découverte du rare Quatuor de Webern, sans numéro d’opus, dit «1905» (année de composition de cette œuvre de jeunesse), dont le Quatuor Joyce s’empare en faisant ressortir les longs phrasés sinueux, comme les silences marqués. Assez séquentiel, cet ouvrage reste encore tourné vers le XIXe siècle en son début qui fait la part belle à la mélodie à l’unisson des pupitres, avant que ceux-ci ne s’individualisent peu à peu, donnant davantage d’ampleur à l’ensemble. Le ton global est au tragique, porté par un long crescendo lancinant et sévère, dans le style déjà affirmé de Webern.

Le Premier Quatuor «Sonate à Kreutzer» (1923) de Janácek apporte un ton plus lyrique, dont les envolées sont contrastées par des scansions colorées dans l’aigu. Si elles n’évitent pas une certaine verdeur dans les couleurs, les attaques franches des interprètes permettent de bien distinguer l’entrecroisement virtuose des idées développées par Janácek, en un bel élan narratif. Les courts motifs ombrageux et entêtants sont bien rendus par ce sentiment d’urgence, avec un premier violon aussi nerveux qu’expressif.


Après une courte pause, le concert reprend avec le Premier Quatuor (1873) de Brahms, dont Léo Marillier rappelle qu’il est le premier que le compositeur ait jugé digne, après une vingtaine d’essais infructueux. Contemporain des Variations sur un thème de Haydn, ce quatuor fait valoir un Brahms enflammé dans certains passages, notamment au violoncelle – solidement tenu par Emmanuel Acurero, que l’on voudrait toutefois sortir davantage de sa zone de confort, le jeune soliste ayant toute la palette technique requise. Les quatre interprètes se montrent moins à l’aise dans certains passages plus flottants dans le medium, mais se rattrapent aisément dans leur aisance au niveau des tutti.

L’engagement de ces jeunes talents sera à découvrir sur YouTube dès le 23 février prochain à 19 heures. La nouvelle génération est prête, ne la manquez surtout pas!

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