Devant un parterre d’à peine dix personnes, tous réunis dans la
prestigieuse salle Cortot, Léo Marillier (né en 1995) s’interroge sur le
moment qu’il est en train de partager avec ce public réduit et la
caméra devant lui: est-ce là une captation, une diffusion ou un concert?
Un peu de tout ça à la fois, bien évidemment, mais on est au moins
certain d’une chose, c’est que le fondateur et premier violon du Quatuor
Joyce a du caractère et de l’énergie à revendre. On ne s’en plaindra
pas en cette période difficile, tant sa volonté de pédagogie pour mettre
en perspective le programme proposé cherche à donner du sens, bien
au-delà du simple plaisir de l’écoute. Rien d’étonnant lorsque l’on sait
que ce jeune homme doué est déjà fondateur et premier violon de
l’ensemble A-Letheia, mais aussi directeur artistique de Fest’inventio,
un festival de musique de chambre itinérant installé en Seine-et-Marne,
son département d’origine.
Le concert débute avec la découverte du rare Quatuor de Webern,
sans numéro d’opus, dit «1905» (année de composition de cette œuvre de
jeunesse), dont le Quatuor Joyce s’empare en faisant ressortir les longs
phrasés sinueux, comme les silences marqués. Assez séquentiel, cet
ouvrage reste encore tourné vers le XIXe siècle en son début qui fait la
part belle à la mélodie à l’unisson des pupitres, avant que ceux-ci ne
s’individualisent peu à peu, donnant davantage d’ampleur à l’ensemble.
Le ton global est au tragique, porté par un long crescendo lancinant et
sévère, dans le style déjà affirmé de Webern.
Le Premier Quatuor «Sonate à Kreutzer» (1923) de Janácek apporte
un ton plus lyrique, dont les envolées sont contrastées par des
scansions colorées dans l’aigu. Si elles n’évitent pas une certaine
verdeur dans les couleurs, les attaques franches des interprètes
permettent de bien distinguer l’entrecroisement virtuose des idées
développées par Janácek, en un bel élan narratif. Les courts motifs
ombrageux et entêtants sont bien rendus par ce sentiment d’urgence, avec
un premier violon aussi nerveux qu’expressif.
Après une courte pause, le concert reprend avec le Premier Quatuor
(1873) de Brahms, dont Léo Marillier rappelle qu’il est le premier que
le compositeur ait jugé digne, après une vingtaine d’essais infructueux.
Contemporain des Variations sur un thème de Haydn, ce quatuor
fait valoir un Brahms enflammé dans certains passages, notamment au
violoncelle – solidement tenu par Emmanuel Acurero, que l’on voudrait
toutefois sortir davantage de sa zone de confort, le jeune soliste ayant
toute la palette technique requise. Les quatre interprètes se montrent
moins à l’aise dans certains passages plus flottants dans le medium,
mais se rattrapent aisément dans leur aisance au niveau des tutti.
L’engagement de ces jeunes talents sera à découvrir sur YouTube dès le 23 février prochain à 19 heures. La nouvelle génération est prête, ne la manquez surtout pas!
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
dimanche 14 février 2021
Quatuors à cordes d'Anton Webern, Leos Janácek et Johannes Brahms - Quatuor Joyce - Salle Cortot - 11/02/2021
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