lundi 27 mai 2024

« Brundibár » de Hans Krása - Théâtre de Oullins - 25/05/2024

Ancien élève de Zemlinsky, puis Roussel, Hans Krása (1899‑1944) fut l’un des talents les plus prometteurs de son temps, en recueillant notamment le Prix de l’Etat tchécoslovaque pour son opéra Fiançailles en rêve (1933). Un disque édité par Decca en 1998, dans la fameuse collection « Entartete Musik » (« Musique dégénérée »), avait mis en avant ce trésor oublié, aujourd’hui considéré comme le plus ambitieux de son auteur. Son tout dernier ouvrage lyrique, Brundibár, fut composé en 1938 à destination d’un public d’enfants, avant de connaître une reprise inattendue dans les camps nazis, où il fut monté peu de temps avant la disparition tragique de son auteur.

Cet ouvrage permet de nos jours à la musique de Krása de conserver une certaine audience sur scène, particulièrement en France avec deux spectacles récents, à Caen en 2015 puis à Lyon en 2016. On retrouve précisément cette dernière production en ce printemps, toujours organisée sous le patronage de l’Opéra de Lyon, en partenariat avec les théâtres d’Oullins et Saint‑Priest, en proche banlieue.

Florent Karrer
Comme en 2021 dans les mêmes lieux pour The Pajama Game, on se délecte de la proximité avec la scène, dans la grande salle du Théâtre d’Oullins, d’un peu moins de 400 places. C’est là un écrin idéal pour permettre aux jeunes chanteurs réunis (pas moins de trente sur scène !) de ne pas avoir à forcer la voix, ce qui reste toutefois insuffisant pour masquer le niveau inégal de certains solistes, encore un peu tendres de ce point de vue. Si l’ensemble tient la route s’agissant des parties chorales, c’est surtout la prestation de Florent Karrer qui enchante tout du long, et ce dès l’introduction, avec le dernier des Chants d’un compagnon errant de Mahler (malheureusement sans l’apport des sous‑titres, à l’instar des passages en langues étrangères de Brundibár). Sa verve théâtrale et son brio technique lui permettent d’embrasser l’inoubliable pot‑pourri d’extraits d’opéras célèbres, où aucune tessiture ne semble lui échapper – voix de tête aidant.

Il est parfaitement épaulé par l’ensemble de musiciens dirigé par le jeune chef Clément Lonca (28 ans), qui se saisit de la musique piquante et enjouée de Krása avec bonheur, entre rythmes de danses (fox‑trot, polka...) et ambiances cabaret à la Kurt Weill. La mise en scène de Jeanne Candel joue quant à elle la carte de la sobriété, tirant davantage le conte vers la malice et l’espièglerie. On est bien loin des allusions politiques qu’on a parfois pu prêter à cette farce, il est vrai moins féroce, en ce domaine, que son jumeau, L’Empereur d’Atlantis d’Ullmann (voir le spectacle récemment monté à Ostrava).

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