On doit à Jean Lacornerie, ancien directeur des théâtres d’Oullins
(2002-2010), puis de la Croix-Rousse (2010-2020), la création française
de la comédie musicale Le Jeu du pyjama (1954) lors d’une vaste
tournée dans l’Hexagone dès 2019, malheureusement interrompue par la
crise du covid. On ne peut que se réjouir de retrouver ce spectacle très
réussi pour quelques dates à Oullins (ville située dans la banlieue sud
de Lyon et facilement accessible par le métro), tant sa contagieuse
bonne humeur rend un hommage délicieux à ce chef-d’œuvre de la comédie
musicale américaine.
Créé à Broadway en 1954, l’ouvrage remporta un succès immédiat, autant
public que critique (Tony Award de la meilleure comédie musicale), du
fait de sa musique inspirée, aux influences jazzy et mêlant des danses
contemporaines, dont s’empare Gérard Lecointe en une adaptation pour
petit ensemble admirablement ciselée, notamment au niveau rythmique.
Autre motif de succès, le livret de George Abbott qui surprend par sa
satire mordante du capitalisme (surtout en ces années où sévit encore le
maccarthysme), autour des revendications syndicalistes d’ouvrières du
textile, en lutte avec la hiérarchie masculine. Quelques chansons
inoubliables font valoir les qualités d’écriture du livret, aussi fin
que drôle, notamment le vrai-faux duo d’amour « Small talk »
(« Banalités ») ou le comptage hilarant des avantages procurés par une
augmentation pourtant symbolique (« 7 1/2 cents »), sans parler de la
brillante scène chorale en boîte de nuit, « Hernando’s Hideaway ».
La mise en scène de Jean Lacornerie et Raphaël Cottin choisit d’habiller
tout le petit monde des travailleurs (chefs compris, hormis le patron
de l’usine qui n’existe qu’en voix off) en tuniques une pièce aux
couleurs acidulées et en partie transparentes. Les éclairages jouent de
cette variété de couleurs pour animer les différents tableaux d’une
modernité aussi étrange que farfelues, convenant parfaitement à
l’énergie déployée sur le plateau, autour du ballet saisissant des
interprètes comme des accessoires (toujours en lien avec l’usine). La
plupart des interprètes jouent d’un instrument, ce qui donne une
distance bienvenue aux péripéties, souvent loufoques. La scénographie,
parfaitement réglée, joue sur les volumes (admirable scène en ombres
chinoises) ou sur quelques effets lumineux (boîte de nuit).
D’une ivresse sonore réjouissante, l’interprétation du petit ensemble de
Gerard Lecointe est un régal de bout en bout, s’autorisant même une
sorte de « bœuf » en milieu de spectacle. A ses côtés, le plateau vocal
réuni montre une belle tenue, sans pour autant briller, à force
d’homogénéité et de cohésion, le tout parfaitement en place dans les
scènes de groupe. Si Vincent Heden (Sid) a pour lui une technique
parfaite et un timbre splendide, son interprétation un rien monolithique
l’empêche de tutoyer les sommets, tandis que la plus expressive Dalia
Constantin (Babe) souffre dans les parties enlevées, qui occasionnent
quelques faussetés.
Ces quelques réserves au niveau vocal n’empêchent pas le public, venu en
nombre à Oullins, faire un triomphe à cette production très réussie,
véritable antidote aux moroses soirées d’hiver.
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