vendredi 17 janvier 2025

« La Petite Renarde rusée » de Leoš Janáček - André Engel - Opéra Bastille à Paris - 15/01/2025


Quel plaisir de retrouver l’une des plus belles réussites scéniques de ces dernières années pour fêter le retour parisien de La Petite Renarde rusée, l’un des ouvrages les plus originaux de Janáček ! Le compositeur tchèque puise son inspiration dans le folklore de son pays, en nous plongeant dans une succession de saynètes délicieuses, qui mêlent humains et animaux.

Si le récit nous fait prendre conscience des nécessités de la coexistence entre les espèces, André Engel n’oublie pas les autres sous-textes, immédiatement identifiables dans les éléments de décors stylisés qui reviennent tout au long de la soirée, comme plusieurs vignettes dévoilées en alternance. Ainsi du champ de tournesols et de la voie ferrée, qui évoquent en premier lieu la frontière entre la ville et la campagne, tout autant que les prémices de l’urbanisation à l’ère industrielle.

On peut aussi percevoir dans ces lignes directrices une référence à l’horizon tout tracé des personnages (un sujet déjà traité dans l’opéra précédent, Katia Kabanova), à l’instar des déboires amoureux de l’instituteur et du garde-chasse. Incapables de défier les méfaits du temps qui file à toute vitesse entre leurs doigts, les personnages hésitent à se réfugier dans le fatalisme, avant de se rapprocher de la nature en un final bouleversant, sous forme d’hymne au panthéisme unificateur.

Au-delà de ce message philosophique, André Engel traite les scènes comiques, essentiellement dévolues aux animaux, en un sens du détail poétique qui s’appuie sur une élégance toute chorégraphique : interprétés pour la plupart par des enfants, respectant en cela la volonté de Janáček, les animaux sont dotés de costumes farfelus, trouvant le ton juste pour figurer un imaginaire sans excès. On aime aussi la fantaisie du rideau de scène peint, qui résume avec malice les principaux temps-forts de l’opéra, tout en faisant référence à sa source littéraire, une sorte de bande-dessinée.

L’interprétation se montre exemplaire, en premier lieu dans la fosse, qui exalte les couleurs du drame, sans lyrisme ostentatoire. La direction toute de lisibilité du Slovaque Juraj Valčuha s’appuie sur les premiers violons, qui portent la mélodie principale. Dans cette optique, on aime davantage les atmosphères nocturnes, irisées d’une délicate sensibilité, que les parties plus verticales au début, qui manquent quelque peu d’électricité.

Quoi qu’il en soit, l’articulation avec le plateau se montre idéale de bout en bout, des phrasés emprunts de noblesse de Milan Siljanov (Le Garde-chasse) jusqu’aux réparties désopilantes des nombreux seconds rôles, dont le superlatif Éric Huchet. On aime aussi l’aisance scénique et vocale d’Elena Tsallagova (La Renarde), tandis que Paula Murrihy (Le Renard) fait entendre un timbre aigre dans le suraigu, tout en assurant l’essentiel. Un très beau spectacle à découvrir ou redécouvrir en famille, jusqu’au 1er février prochain, dans le vaste vaisseau de l’Opéra Bastille.

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