Les équipes du Palazzetto Bru Zane poursuivent leur exploration du legs
lyrique considérable et protéiforme de Massenet, en exhumant la rare
fantaisie médiévale Grisélidis (1901). Après les versions de concert données à Paris
et Montpellier, on retrouve l’ouvrage gravé dans la collection de
livre‑disques « Opéra français », toujours aussi richement documentée
dans ses textes de présentation et son iconographie. Il faut dans un
premier temps passer sur l’ineptie du livret pour savourer toute
l’expression lumineuse de Massenet, qui semble inspiré de bout en bout
par ce conte drolatique. L’économie de moyens de l’orchestration,
harmoniquement délicieuse et raffinée, fait ainsi la part belle à
l’inspiration mélodique dans les passages romantiques en s’opposant
admirablement aux savoureuses diableries comiques.
C’est bien le personnage du diable et sa coloration musicale, aux
verticalités agiles et frémissantes, qui fait tout le prix de cet
ouvrage aussi fluide que varié. Comme à l’habitude, Bru Zane met
l’accent sur la prononciation, en choisissant des chanteur rompus en ce
domaine. On ne pouvait sans doute rêver meilleur interprète que Tassis
Christoyannis, qui fait oublier un timbre de plus en plus charbonneux
pour jouer un désopilant diable d’opérette, aussi roublard pour échapper
à sa femme que vil tentateur pour faire plier la droiture de
Grisélidis. En dehors de la superlative Antoinette Dennefeld (Fiamina),
au rôle essentiellement théâtral, Vannina Santoni (Grisélidis) se
distingue par l’élégance de ses phrasés, d’une parfaite homogénéité sur
toute la tessiture. Le solide Thomas Dolié n’est pas en reste dans le
rôle du Marquis, mais c’est peut‑être plus encore Julien Dran qui séduit
par la clarté de son timbre et son émission souveraine. Tous les
seconds rôles sont parfaitement distribués, tandis que le chef québécois
Jean‑Marie Zeitouni se joue de toutes les variations d’atmosphère sans
ostentation, en tirant le meilleur de l’Orchestre national Montpellier
Occitanie (desservi, toutefois, par une captation un peu lointaine).
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 4 janvier 2025
« Grisélidis » de Jules Massenet - Jean-Marie Zeitouni - Disque Palazzetto Bru Zane
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