Tarmo Peltokoski |
Nommé à la tête de l’un des plus beaux orchestres de l’Hexagone jusqu’en
2029, le jeune chef finlandais Tarmo Peltokoski (né en 2000) a choisi
de faire découvrir au public toulousain la musique de Vaughan Williams,
pour le moins méconnue en France. Une intégrale discographique des
symphonies, pour rien moins que Deutsche Grammophon, est prévue
pour accompagner les concerts donnés sur plusieurs années, dans
l’excellente acoustique de la Halle aux grains. On ne peut que se
réjouir de cette initiative consistant à faire connaître un compositeur
essentiel, scandaleusement ignoré en France, malgré quelques tentatives
isolées, notamment l’excellente monographie de Marc Vignal éditée en 2015 chez Bleu Nuit ou le concert donné au Festival Radio France Occitanie Montpellier en 2022, avec la regrettée Jodie Devos en soliste.
On retrouve précisément la toute première symphonie de Vaughan Williams
pour lancer cette intégrale : il s’agit là d’un ouvrage grandiose, parmi
les plus populaires de son auteur, régulièrement donné outre‑Manche. Le
Britannique a attendu ses 38 ans pour enfin dévoiler un ouvrage
longuement travaillé et remis sur le métier, signe de son exigence
parfois intransigeante, comme le prouve le nombre considérable d’œuvres
détruites lors de cette première période (a contrario de son ami Gustav Holst, dont le premier opéra « wagnérien » vient d’être donné en première mondiale à Sarrebruck, voilà quelques semaines.
Vaughan Williams met à contribution son intérêt pour les chansons
populaires en composant des mélodies parmi les plus inspirées de cette
période de recherche d’un style personnel. Les parties plus intimistes
de la symphonie, dévolues aux solistes, leur sont en partie redevables,
tandis que le souffle majestueux et souvent tempétueux, quasi
brucknérien par endroits dans son alternance de crescendo/decrescendo,
sollicite le chœur tout du long.
On est d’emblée saisi par le début spectaculaire, qui prend aux tripes
en plaçant le chœur au centre de l’attention par la scansion entêtante
de l’hymne à la mer. Le deuxième thème, plus dansant et sautillant, est
admirablement contrasté par Peltokoski, qui privilégie la souplesse des
transitions, en un élan aérien et aux tempi vifs. Toutes lourdeur ou
pompe sont soigneusement écartées par le prodige finlandais, attentif
aux moindres détails. C’est là tout un spectacle de le voir s’enflammer
sur son podium, comme si sa vie en dépendait ! Rien de factice dans
cette posture, tant on sent une sincérité dans cet engagement de tous
les instants, qui sait s’assagir dans les parties apaisées pour faire
ressortir d’infinies nuances, en allégeant les textures dans les piani.
On reste bluffé par l’excellence des musiciens, très présents dans les
parties virtuoses, notamment les superbes attaques des cordes chauffées à
blanc pour répondre aux assauts péremptoires des cuivres. Quel plaisir
de ressentir physiquement les ruptures dans les verticalités éruptives
assénées par les timbales, dont les ondes se propagent jusqu’à notre
siège, situé à proximité ! La douceur éthérée des bois n’est pas en
reste dans les passages nocturnes, où Vaughan Williams fait valoir une
hauteur de vue bienvenue. En fin de soirée, l’Orchestre du Capitole
réserve à son chef une bronca amplement méritée, manifestement conquis
en peu de temps par ses qualités artistiques : la précision du geste,
toujours au service d’une vision claire et déterminée, porte un
enthousiasme d’un éclat maîtrisé, sans pathos excessif. La salle comble
lui fait un accueil tout aussi vibrant au moment des saluts, alors que
Peltolski montre la partition au public, tout en dévoilant avec malice
des chaussettes aux couleurs du Royaume‑Uni.
Les applaudissements se tournent aussi vers le chœur basque Orfeón
Donotiarra, dont le niveau qualitatif se situe toutefois un cran en
dessous par rapport à l’orchestre. On est ainsi déçu par les attaques un
rien trop molles, parfois peu justes, notamment chez les hommes. On
note un placement sous le balcon qui étouffe quelque peu les rares
velléités de virtuosité, là où l’on perçoit davantage les interventions
plus sensibles. C’est bien dans ces parties que le chœur convainc en
premier lieu, de même que les solistes superbes réunis pour ce concert,
très attentifs à la diction. On ne pouvait rêver meilleur interprète que
Simon Keenlyside pour ce répertoire, en maître de l’élégance des
phrasés, de même que la solide Chen Reiss, tout aussi poignante dans
l’éloquence sereine.
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