mercredi 18 juin 2025

« Semiramide » de Gioachino Rossini - Théâtre des Champs-Elysées à Paris - 17/06/2025

Karine Deshayes

Présentée à Rouen en début de mois dans la mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau, l’excellent plateau vocal réuni autour de la chef italienne Valentina Peleggi (née en 1983) fait son retour à Paris, cette fois en version de concert, au Théâtre des champs-Elysées. Si l’on peut regretter cette proposition minorée au niveau visuel, il faut se féliciter de pouvoir entendre sur scène Semiramide, cet ouvrage de tout premier plan malheureusement trop peu représenté, à l’instar des autres opéras serie de Gioacchino Rossini.

Dernier opéra du cygne de Pesaro composé pour l’Italie, en 1823, avant le départ pour Londres, puis Paris,Semiramide impressionne par son ampleur (environ 4 heures de musique, ici légèrement écourtée), tout autant que son inspiration à mi-chemin entre la tragédie lyrique et le grand opéra à la française. La place des chœurs est ainsi prépondérante, à l’instar d’autres ouvrages dans le même style (voir notamment Moïse et Pharaon), mais ce sont surtout des cantatrices de grande envergure qui l’ont remis au goût du jour à partir des années 1960-70, telle que Joan Sutherland. En France, seul le mélomane voyageur peut se targuer d’avoir entendu dernièrement cette brillante adaptation de Voltaire, de Marseille à Nancy, en passant par Saint-Etienne.

Ces productions anciennes avaient déjà permis d’entendre dans les deux rôles principaux Karine Deshayes et Franco Fagioli, indispensables à la réussite d’un tel feu d’artifice au niveau vocal. En effet, si l’art rossinien nécessite de savoir orner en raffinement, il requiert également une virtuosité éloquente que les deux chanteurs précités, malgré quelques imperfections de détail, possèdent indiscutablement. Ainsi de l’incomparable Karine Deshayes, dont on ne se lasse pas de retrouver le tempérament dramatique, vibrant et toujours sincère, pour porter l’ouvrage de toute sa classe technique et interprétative. On pourra bien entendu faire la fine bouche sur certaines duretés, ici et là, ou de quelques passages légèrement en force : mais quelle performance pour venir à bout d’un tel Everest vocal, sans jamais se départir du style et de son élégance naturelle ! A ses côtés, Franco Fagioli est une autre « bête de scène », qui semble n’avoir peur de rien, pas même des transitions audibles entre registres, entre voix de poitrine et voix de tête. Toute la démesure de cet artiste hors norme éclate dans ce rôle finalement à sa mesure, qui finit par désarmer toute critique au niveau stylistique, tant il vit son personnage comme une évidence.

Les autres rôles s’affirment tout autant, sinon davantage, à l’instar de l’interprétation hallucinée de Giorgi Manoshvili (Assur), qui fait valoir ses graves mordants et admirablement projetés, tandis que Grigory Shkarupa (Oroe) n’est pas en reste dans le brio et la puissance parfaitement maitrisée, autour d’une attention soutenue à la diction. On aime aussi l’agilité et la souplesse aérienne d’Alasdair Kent, dont la voix légère peine toutefois dans les ensembles.

En dehors de ce plateau vocal de toute beauté, l’autre atout décisif de la soirée vient de la battue flamboyante de Valentina Peleggi, qui trouve des délices de raffinement pour alléger les textures dans les parties modérées, avant de s’enflammer ensuite en contraste, sans jamais couvrir les chanteurs et le Chœur Accentus (une fois encore parfait de précision et d’engagement).

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