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Louis-Noël Bestion de Camboulas |
Après s’être intéressé aux « Rebel de père en fils » pour leur premier album paru en 2013 (Ambronay Editions), l’ensemble Les Surprises s’intéresse cette fois à la dynastie des Bach, dont quatre des fils ont suivi la même destinée artistique. Seuls deux d’entre eux, issus du premier mariage de Jean‑Sébastien, sont ici illustrés musicalement, en une confrontation stimulante avec d’autres contemporains, Georg Böhm, Georg Stölzel et Johann Ludwig Krebs. A la manière d’un pasticcio, le programme regroupe plusieurs extraits recomposés, en « piochant » parmi les nombreuses œuvres des compositeurs précités, plus ou moins illustres. Déjà reconnu du vivant de son père (mort en 1750), Carl Philipp Emanuel fut ainsi plus célèbre de son vivant, ce qui explique pourquoi sa musique trouve une place généreuse dans ce programme.
C’est précisément un Allegro endiablé de l’un de ses concertos
pour clavecin que l’on retrouve pour ouvrir le programme, dans le style
sautillant et enjoué caractéristique de ce précurseur de Haydn. La
partie soliste redoutable bénéficie du clavecin félin et véloce de
Louis‑Noël Bestion de Camboulas, qui dirige du clavier et dos tourné au
public, à l’instar des habitudes de l’époque. D’emblée, le premier
violon trop effacé et flottant de Gabriel Grosbard peine à affronter les
passages virtuoses, là où les parties plus lyriques le voient plus à
son aise. Fort heureusement, le reste des troupes se régale des tempi
allants du chef, se jouant de la richesse des lignes entremêlées de
Jean‑Sébastien Bach, sans aucun temps mort.
Après les effluves un rien lancinants de la Sinfonia de Georg
Böhm, le concert prend une autre dimension avec l’entrée en piste de
Marc Mauillon, qui semble comme un poisson dans l’eau dans ce
répertoire. L’aisance du chanteur français impressionne autant par
l’étendue de sa tessiture (du baryton au ténor) que par la fluidité de
ses phrasés, d’une souplesse de transition aux infinies nuances. Sa
classe interprétative impressionne durablement grâce au tube du
programme, l’aria « Bist du bei mir » de Georg Stölzel, et ce d’autant
plus qu’on le retrouve donné en bis, en fin de soirée. Percutant et
engagé, le style de Carl Philipp Emanuel sait ensuite s’assagir dans un Andante de sonate d’une belle intériorité, avant de retrouver une virtuosité rythmique enivrante dans l’extrait symphonique.
Avec Telemann, on pénètre un style autrement plus dépouillé, autour
d’une mélodie principale particulièrement mise en avant. Mais c’est bien
entendu Jean‑Sébastien Bach qui trouve une ampleur symphonique
impressionnante de hauteur dans l’aria « Gleich wie die wilden
Meereswellen », tandis que Mauillon se joue des vocalises en une belle
maestria dans les graves. La conclusion noble et apaisée du choral « Was
Gott tut, das ist wohlgetan » nous rappelle que Bach père est bien le
maître incontesté de la cantate sacrée, que l’on ne se lasse pas
d’admirer.