Parmi les concerts les plus attendus de la quarantième édition du
festival Radio France Occitanie Montpellier figure incontestablement
celui qui accueille le jeune chef prodige Tarmo Peltoskoski : du haut de
ses 25 ans, le Finlandais formé par l’incontournable Jorma Panula n’en
finit plus de surprendre, comme nous le constations en début d’année à Toulouse, lors d’une soirée de lancement de son intégrale des Symphonies de Vaughan Williams, accompagnée par rien moins que Deustche Grammophon.
Il aurait d’ailleurs été préférable de continuer à promouvoir cette
musique trop méconnue en France, même si Montpellier, dans le cadre du
festival estival, a eu la chance d’entendre la Sea Symphony voilà trois ans.
Le programme rend hommage au chef d’orchestre Hans von Bülow, qui fut
l’un des plus fervents disciples de Wagner, devenant, entre autres, le
créateur de Tristan et Isolde en 1865. Lors d’une présentation au piano d’extraits de la Deuxième Symphonie par Mahler, il ne put s’empêcher une comparaison avec l’illustre modèle, ravalant Tristan
au rang d’une symphonie de Haydn. Faut‑il y voir une perfidie, de la
part de celui qui s’était fait voler son épouse par le même Wagner ?
Quoi qu’il en soit, la volonté de faire entendre le Prélude de Tristan
directement enchaîné avec le premier mouvement de la symphonie de
Mahler, permet d’en juger par soi‑même. Ce mouvement est l’adaptation de
Totenfeier (Cérémonie funéraire), un poème symphonique
composé en 1888, six ans avant l’achèvement de la symphonie. Du fait de
son tempérament volcanique, très différent par rapport à l’Andante moderato
qui suit, Mahler ira jusqu’à demander une pause de cinq minutes entre
les deux ! L’entrée opportune du choeur Orfeón Donostiarra permet
précisément cet intermède, même si le chœur, admirable d’homogénéité et
d’engagement, n’est sollicité que dans le dernier mouvement.
Quoi que l’on pense de ces détails et anecdotes, elles permettent de
renouveler notre écoute d’une symphonie que l’on connaît dans les
moindres recoins, tant celle‑ci est désormais solidement implantée au
répertoire. D’où vient pourtant que la soirée se révèle passionnante de
bout en bout ? Le premier mérite en revient évidemment à l’Orchestre du
Capitole, dont on ne finit plus de s’extasier sur les qualités
techniques, concert après concert. L’autre atout revient à l’affinité
déjà évidente avec son jeune chef, tant la formation suit chacune de ses
intentions en une confiance aveugle, persuadée d’être entre de bonnes
mains. Dirigeant sans partition, Peltokoski imprime ainsi une
concentration immédiate, en refusant tout vibrato et pathos.
L’allégement des textures et la transparence, aux lignes horizontales,
forment une atmosphère toute de recueillement, presque de renoncement
par endroits.
Dans le premier mouvement, lisibilité et douceur restent les maîtres
mots, au service d’une battue régulière et imperturbable. Les arêtes ne
sont pas appuyées, en une optique legato toujours envoutante. De cette
lecture chambriste naît une grandeur sans lyrisme aux cordes, par le
seul plaisir de la finesse des transitions, ciselées avec la précision
d’un orfèvre. Le refus de toute emphase, comme de tout épanchement,
imprime des tempi souvent plus vifs dans les tutti, en une lecture
analytique, plus intellectuelle que physique. Les détails révélés dans
les alliages de timbres n’en sont que plus fascinants, notamment dans la
construction admirablement étagée des crescendos.
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Marianne Crebassa |
Avec Marianne Crebassa, on tient une interprète de grande classe pour donner ses lettres de noblesse à un Urlicht déchirant de simplicité, porté par un timbre suave. Accompagnée du cor anglais, la Montpelliéraine confirme qu’elle est une des cantatrices les plus intéressantes de sa génération. Le Finale, avec sa longueur démesurée d’une trentaine de minutes, n’évite pas un découpage séquentiel, sous la battue un rien trop extérieure de Peltokoski. Si on peut s’extasier à juste titre sur les qualités de mise en place ou sur le refus de toute pompe, les dernières mesures s’éloignent trop du narratif, en mettant en avant les scansions aux cuivres. L’entrée murmurée du chœur apporte un effet saisissant en contraste, bientôt électrisée d’envolées homophoniques plus vigoureuses. Une soirée globalement de très haute tenue, malgré quelques réserves sur les mouvements extérieurs.
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