mardi 5 mai 2015

« Carmen » de Georges Bizet - Opéra de Lyon - 02/05/2015


Pas besoin de tendre l’oreille à l’entracte samedi soir pour entendre parmi le public les nombreux débats et commentaires autour de la reprise de la Carmen réglée par Olivier Py – c’est déjà en soi une réussite que de parvenir à faire autant réagir, principalement sur les choix de la mise en scène. Créée ici-même voilà trois ans, cette transposition controversée d’une Carmen meneuse de cabaret parisien surprend d’emblée par le luxe des moyens en présence. En dévoilant des bas-fonds que n’aurait pas reniés Otto Dix, une énorme cage tournante se déploie pendant tout le spectacle, transformant le décor comme un vaste jeu d’assemblage pour figurer une salle de cabaret et ses coulisses, le bar adjacent ou les rues sordides alentours. Une reconstitution formellement éblouissante, mais qui prend trop de place, au détriment de la musique, laissée au second plan.


En sabrant la plupart des dialogues parlés et en rejetant toute référence hispanisante, Py simplifie à l’extrême le livret pour resserrer le drame autour des amours contrariées de Carmen et Don José, ce dernier épousant la carrière du cabaret lorsqu’il accepte de suivre l’héroïne dans la clandestinité. Des partis pris à accepter pour pleinement entrer dans le spectacle, celui-ci souffrant de surcroît d’un trop plein d’idées au premier acte, particulièrement les constants changements de décor bien lassants à la longue, frisant l’agitation survitaminée. Une mise en scène qui n’hésite pas à faire chanter plusieurs fois ses solistes ou son chœur dos au public ou dans le lointain des coulisses, et ce au détriment du respect des équilibres entre l’orchestre et les voix.


C’est d’autant plus marquant que la direction du baroqueux Riccardo Minasi s’avère elle aussi puissante et extravertie – véritable acteur du drame où chaque accent est souligné. Un geste vif qui manque parfois de raffinement et de respiration mais qui, indéniablement, ose. Face à cette fosse déchaînée, les chanteurs ne déméritent pas, même si les deux rôles principaux déçoivent quelque peu. La faute tout d’abord à une prononciation française aléatoire et à un vibrato assez envahissant. Mais là où la Carmen de Kate Aldrich (déjà entendue ici-même en début d’année dans l’Idoménée mis en scène par Kusej) offre de beaux phrasés parfaitement mis en valeur par le velours de ses graves, le Don José d’Arturo Chacón-Cruz lorgne trop souvent vers un chant aguicheur d’un style douteux. Dommage car son timbre à l’éclat chaleureux offre aussi de beaux moments.


C’est surtout l’impeccable Sophie Marin-Degor (Micaela) qui rayonne tout au long de la soirée – ce que confirment des applaudissements nourris à l’issue de la représentation. Une ligne de chant puissamment expressive, tour à tour éloquente et dramatique – un véritable régal. A ses côtés, Jean-Sébastien Bou (Escamillo) compense sa faible projection par une diction précise et des phrasés toujours justes, tandis que les seconds rôles sont à la hauteur, particulièrement le «duo bouffe» constitué de Mathieu Gardon (Le Dancaïre) et Florian Cafiero (Le Remendado). Autre motif de satisfaction avec de superlatifs chœurs, surtout côté masculin, tandis que la Maîtrise (essentiellement composée de jeunes filles) surprend par son engagement, doublé d’une intonation parfaite.

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