dimanche 18 octobre 2015

Concert de l'Orchestre philharmonique de France - Vasily Petrenko - Auditorium de la Maison de la Radio - 16/10/2015

Vasily Petrenko
Quelques jours après Kirill Petrenko (né en 1972) venu à Paris pour diriger rien moins que Jonas Kaufmann dans l’Ariane à Naxos montée au Théâtre des Champs-Elysées, c’était au tour d’un autre Petrenko – Vasily, de quatre ans son cadet – de faire étalage de son art de la direction. Si les deux hommes n’ont aucun lien de parenté entre eux, ils font partie de ces chefs qui créent l’excitation et la curiosité autour d’eux, comme ce fut le cas en 2013 pour le concert de Vasily donné salle Pleyel. Son intégrale Chostakovitch chez Naxos, saluée par de nombreux observateurs pour son geste rageur et sans états d’âme, avaient notamment contribué à cette réputation flatteuse. Autre compositeur favori du jeune chef russe: son compatriote Rachmaninov, dont il a déjà gravé la quasi-totalité des œuvres symphoniques et concertantes (EMI, 2012-2015). Place cette fois à la rare Première en concert, une œuvre de jeunesse élaborée en 1895 alors que le compositeur était encore étudiant au Conservatoire. Suite à l’échec de la création, Rachmaninov détruisit la partition et la laissa tomber dans l’oubli jusqu’à sa mort. Il faudra attendre 1945 pour que la symphonie soit reconstituée grâce au matériel d’orchestre heureusement conservé – retrouvant par la suite sporadiquement les faveurs du concert.


Donnée l’an passé par l’Orchestre de Paris et Riccardo Chailly, l’œuvre reçoit cette fois le soutien des forces du Philharmonique de Radio France, particulièrement attentif aux moindres inflexions de Petrenko pendant toute la durée de la soirée. Il est vrai que le Russe n’a pas son pareil pour mettre en avant la formation, élaborant une véritable démonstration de virtuosité orchestrale dans les tutti, particulièrement cravachés – voire brutaux dans les fins de phrasés. Le contraste n’en est que plus vif avec les passages lents, dénervés et analytiques en comparaison, où Petrenko ralentit constamment le tempo. S’il penche incontestablement vers la musique pure, ôtant toute scorie romantique pour tourner l’œuvre vers les audaces du XXe siècle, la déstructuration qui en résulte nuit malheureusement à l’architecture d’ensemble. Pour impressionnantes qu’elles soient, les subites accélérations et les transitions habiles ne masquent pas une lecture qui semble tourner à vide, n’échappant pas à une certaine raideur avec ces stéréotypes (notes courtes bien déliées, presque mécaniques et sans vibrato) typiques de nombreux chefs contemporains.


La première partie du concert avait commencée sous les meilleurs auspices avec une version toute de souplesse et de transparence de la suite Ma mère l’Oye de Ravel. Amoureux de détails très fouillés, Petrenko se fait coloriste et opte pour un tempo mesuré mais jamais alangui, apportant sens de la respiration et délicatesse. La propension à lisser les passages verticaux (contrairement aux deux œuvres russes à suivre) offre une lecture refusant toute tension, rapprochant ainsi les contes de l’enfance d’une douce rêverie exempte de toute menace. Seul «Le Jardin férique» surprend par son crescendo ponctué par des timbales particulièrement mises en avant, interrompant brusquement une œuvre que l’on aurait voulu plus longue encore.


Si le début du Troisième Concerto pour piano de Prokofiev semble nous replonger dans les songes avec ses notes étirées et dénervées, Petrenko nous ramène rapidement à la réalité au moyen d’attaques sèches à l’orchestre (les vents!), bien en phase avec le martellement de Behzod Abduraimov (né en 1990). A l’instar du Rachmaninov à suivre, les passages lents s’opposent aux scansions verticales, en une lecture trop extérieure qui insiste sur les contrastes. Assez caricatural, ce Prokofiev-là devient presque mécanique par endroits, mettant la mélodie à l’arrière-plan au profit d’une musique pure, sans états d’âme, qui ne raconte rien. Cette optique convient mieux à l’Allegro ma non troppo final où Petrenko impose un rythme infernal à l’orchestre, souvent bluffant dans sa virtuosité, tandis que les trouvailles sonores du travail analytique interpellent. Rappelé par le public, Behzod Abduraimov (dont certaines indiscrétions nous ont informé qu’il était mécontent du piano mis à sa disposition par la Maison de la radio) convainc davantage dans le bis, la célèbre Campanella de Liszt. L’Ouzbek y fait l’étalage d’un toucher aérien, démontrant une virtuosité sans faille qui fait son effet auprès du public. Insuffisant, cependant, pour rattraper un Concerto globalement plus décevant en comparaison.

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