samedi 19 décembre 2015

« Dornröschen » d'Engelbert Humperdinck - Opéra de Leipzig - 17/12/2015


Il faut l’entendre pour le croire: comment une horde d’enfants, tous âgés entre six et douze ans environ, peuvent à ce point créer un vacarme à peine croyable avant le spectacle, puis faire silence comme autant d’adultes disciplinés une fois le rideau levé? C’est une expérience en soi que d’assister à cette matinée – 11 heures précises – autour de La Belle au bois dormant (1902), un des ouvrages rarement montés d’Humperdinck. Le quatrième des sept opéras du compositeur allemand a été écrit après Hansel et Gretel, le chef-d’œuvre bien connu et souvent donné, comme c’était le cas la veille sous la direction d’Ulf Schirmer. On croit d’ailleurs reconnaître ce chef au balcon le lendemain, lui qui peut s’enorgueillir d’avoir gravé au disque (CPO, 2011) la seule version disponible à ce jour de La Belle au bois dormant.


L’orchestre sur scène est fourni, tout comme le chœur: pas question de donner un spectacle au rabais pour ces jeunes pousses, surtout lors de la période des fêtes. Sans doute la clef du succès du remplissage de cette vaste salle par de nombreuses têtes blondes – l’expression est d’autant plus appropriée en terres germaniques. Dans une bonne humeur communicative, les enfants réagissent à chaque idée avancée par une astucieuse mise en espace, où l’utilisation de chaque partie de la scène pallie l’absence de décors. Tout cela y compris derrière l’orchestre, mais aussi à travers les rangées de sièges dans la salle où les interprètes déambulent pour le plus grand plaisir des enfants. Au moyen d’extravagants costumes aux couleurs bariolées ainsi que de rares accessoires, le travail de Verena Graubner joue sur une direction d’acteurs dynamique, assumant une fantaisie constante et savoureuse. On se délecte ainsi de l’arrivée des fées, délicieusement insouciantes dans leurs congratulations frivoles, avant de laisser échapper distraitement leur ballon au plafond en guise de vœu. Des idées toutes simples qui rythment ce spectacle harmonieusement, tandis que l’entrée de la sorcière, drapée de noir comme il se doit, fait immédiatement son effet par son sérieux et ses mimiques étranges. Un personnage non cantonné à l’effroi lorsque, penchée sur le Prince évanoui – un comble –, la sorcière fait mine, sous les cris unanimes de la jeune salle déchaînée, de l’embrasser ou de l’étouffer en une atmosphère comique du meilleur cru.


Ce rôle bénéficie surtout de l’incarnation désopilante de Gundula Hintz, aussi imposante dans la déclamation que dans le jeu sur les timbres, aux graves inquiétants et déroutants. Le Prince de Sebastian Fuchsberger assure bien sa conséquente partie, tandis que le reste de la distribution se montre d’une belle homogénéité mais sans éclat, bien épaulée par le parfait récitant de Friedhelm Eberle. La direction d’Anthony Bramall, souple et aérienne, gagnerait à davantage de caractère, même si elle a l’avantage de ne jamais couvrir les voix. Elle peine cependant à animer un début d’opéra poussif, qui ne démarre véritablement qu’après la première demi-heure
: trop peu pour se laisser convaincre des qualités de cette Belle au bois dormant. C’est donc là un ouvrage mineur de son auteur, à réserver à ses admirateurs les plus fervents, ou à tout le moins à ceux qui voudraient tenter l’expérience d’une représentation à nulle autre pareille... avec leurs enfants.

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