lundi 11 février 2019

« Cardillac » de Paul Hindemith - Guy Joosten - Opéra des Flandres à Anvers - 08/02/2019


Attaché à l’Opéra des Flandres depuis le début des années 1990, le metteur en scène Guy Joosten vient d’annoncer que la présente production de Cardillac serait sa dernière proposée dans la grande institution belge. Gageons cependant qu’il sera encore possible de revoir certaines de ses productions emblématiques à l’occasion de reprises bienvenues. En attendant, le metteur en scène flamand s’attaque à Cardillac (1926), tout premier opéra d’envergure de Hindemith après ses premiers essais en un acte, notamment Sancta Susanna en 1922 (entendu notamment à Lyon en 2012).

Après la mise en scène élégante de Cardillac donnée à l’Opéra de Paris en 2005 et reprise en 2008, où André Engel donnait au héros des allures de gentleman cambrioleur, Guy Joostens s’intéresse à la figure de l’artiste dans sa folie créatrice : on découvre ainsi un Cardillac qui joue une sorte de Monsieur Loyal envers et contre tous, manifestement grisé par la reconnaissance enfin acquise auprès du peuple unanime en début d’ouvrage. La transposition dans les années 1920 est une réussite visuelle constante, avec une utilisation discrète mais pertinente de la vidéo dans les images de la foule en noir et blanc (on pense immédiatement aux grands cinéastes de l’époque tel que Fritz Lang), le tout en une scénographie épurée qui met en avant de splendides éclairage aux tons mordorés, sans oublier l’ajout d’éléments grotesques dans l’esprit de George Grosz : cette dernière idée est particulièrement décisive pour figurer un Cardillac psychologiquement atteint, mais toujours flamboyant dans son irrationalité apparente. Les quelques accessoires révélés viennent toujours finement soutenir le propos, tels ces coussins dorés en forme de boyaux qui suggèrent à la fois les méfaits de l’assassin passé et à venir, tout autant qu’un écho à la folie matérialiste du Gripsou qui sommeille en lui.


Face à cette belle réussite, quel dommage que la direction terne et sans esprit de Dmitri Jurowski ne vienne gâcher la fête pendant toute la soirée : pourtant spécialiste de ce répertoire, le chef allemand se contente de battre la mesure en des tempi allants qui refusent respirations et variations, au profit d’une lecture qui privilégie résolument la musique pure. C’est d’autant plus regrettable que l’Orchestre de l’Opéra des Flandres se montre à la hauteur, mais ne peut rien face à cette battue indifférente à toute progression dramatique, dont seuls les passages apaisés permettent aux chanteurs de se distinguer quelque peu.

Ainsi du formidable Cardillac de Simon Neal, très investi dans l’exigeant parlé-chanté (sprechgesang), et ce au moyen d’une émission puissante mais toujours précise. A ses côtés, Betsy Horne (La fille de Cardillac) n’est pas en reste, même si on lui préfère plus encore la vibrante Theresa Kronthaler (La Dame), par ailleurs excellente actrice. Si on aurait aimé un Sam Furness davantage affirmé dans son rôle de Cavalier, aux aigus parfois serrés, Ferdinand von Bothmer (L’Officier) convainc davantage avec son timbre clair. Enfin, Donald Thomson (Le Marchand d’or) se distingue dans son court rôle par ses phrasés souples et parfaitement projetés, tout autant qu’un superlatif choeur de l’Opéra des Flandres, une fois encore admirable de cohésion dans chacune de ses interventions.

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