mardi 31 décembre 2019

« Madame Favart » de Jacques Offenbach - Anne Kessler - Théâtre de Caen - 29/12/2019


Parmi les événements très attendus de la saison figurait la renaissance de l’un des derniers ouvrages de Jacques Offenbach, Madame Favart (1878), produit par l’Opéra-Comique en partenariat avec Limoges et Caen. Ce sont précisément les forces de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra de Limoges que l’on retrouve pour cette fin d’année, avec la totalité de l’excellent plateau vocal parisien. En spécialiste de ce répertoire (voir notamment Fantasio en 2017 et La Belle Hélène en 2018), Laurent Campellone n’a pas son pareil pour tisser des phrasés d’un raffinement inouï, toujours au service de l’action dramatique. Les chœurs de Limoges ne sont pas en reste dans l’engagement et la précision de leurs nombreuses interventions: l’ovation reçue en fin de représentation apparait ainsi amplement méritée.

C’est peut-être plus encore la qualité des solistes réunis qui impressionnent d’emblée, donnant une cohésion d’ensemble particulièrement stimulante. Très à l’aise au niveau vocal, Marion Lebègue compose une truculente Madame Favart, faisant valoir ses qualités d’actrice sans jamais trop en faire, même si on aurait aimé que soit davantage exploré le côté populaire du rôle et pas seulement celui de la séductrice. A ses côtés, Anne-Catherine Gillet charme une fois encore par l’agilité et la rondeur d’intonation, sans parler de son timbre gorgé de couleurs. Comment, aussi, ne pas résister aux phrasés de François Rougier (Boispréau), régal d’intelligence dans l’ironie et l’humour – notamment l’irrésistible tyrolienne au III? Plus prévisible, Christian Helmer incarne un solide Favart, à la projection généreuse. On lui préfère toutefois les impeccables Eric Huchet et Franck Leguérinel, aux réparties pinces sans rire millimétrées qui font mouche à chaque intervention.


D’où vient pourtant que la soirée laisse un gout d’inachevé? La faute tout d’abord à Offenbach, qui se montre moins inspiré qu’à l’habitude au niveau mélodique, donnant l’impression d’une certaine routine dans les motifs déployés. Il faut dire que le livret banal et gentillet d’Alfred Duru et Henri Chivot, avec lesquels Offenbach sera davantage en phase deux ans plus tard pour La Fille du tambour-major, n’offre que peu d’opportunités de jouer avec les mots et les rythmes inattendus – bien éloigné en cela des satires irrésistibles des années 1860. Le livret préfère se tourner vers une farce inoffensive façon Goldoni, moquant les barbons Cotignac et Bonsablé, tout en rendant hommage à la figure de Justine Favart, actrice célèbre au XVIIIe siècle et épouse du compositeur qui a donné son nom à l’Opéra-Comique.

La mise en scène un rien trop sage d’Anne Kessler, dont c’est là la première réalisation dans le domaine lyrique, joue la carte du comique de répétition bon enfant, qui rappelle parfois l’humour distillé par Jean-Michel Ribes dans la série télévisée Palace (1988). La sociétaire de la Comédie-Française peine toutefois à animer le plateau et à surprendre, et ce malgré une scénographie de toute beauté, qui transpose l’action dans une spectaculaire manufacture de vêtements.

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