Les Boréades (1763) reste aujourd’hui encore considéré comme l’un des ouvrages mythiques de Jean-Philippe Rameau,
et ce à plus d’un titre. Interrompues par le décès du compositeur en
1764, les répétitions de cet ultime opéra furent annulées pour une
multiplicité de raisons (cabale, incendie et censure, selon Sylvie
Bouissou), repoussant la création à 1964, pour le deux centième
anniversaire de la mort de Rameau ! On doit à John Eliott Gardiner et
Jean-Louis Martinoty la première représentation scénique de l’ouvrage au
festival d’Aix-en-Provence en 1982, suivie du tout premier disque
intégral dirigé par le même Gardiner, pour Erato. Une année 2014 riche en célébration, qui fêtait le 250e anniversaire de la mort de Rameau en grande pompe, redonnant aux Boréades le chemin de la scène, cette fois en version de concert à Aix.
Malgré ses qualités musicales intrinsèques, l’écoute des Boréades sur scène est en effet restée très rare jusqu’en 2018 (et ce malgré la création à l’Opéra de Paris en 2003), date à laquelle la Bibliothèque Nationale de France a récupéré les droits d’exploitation de l’ouvrage, jusque-là détenus par une société privée plus soucieuse de ses intérêts financiers que de faire connaître l’ouvrage au plus grand nombre. Cette époque désormais révolue, on se réjouit de pouvoir assister à une nouvelle représentation au Théâtre des Champs-Elysées, menée par l’un des plus grands spécialistes actuels de ce répertoire en la personne de György Vashegyi, dont on n'a cessé de dire tout le bien de ses disques Rameau pour Glossa (voir notamment Les Fêtes de Polymnie). Le label Warner-Erato a d’ores et déjà prévu de graver Les Boréades avec György Vashegyi, pour une parution annoncée l’an prochain.
En attendant, le concert a permis aux troupes de Vashegyi de se
familiariser complètement avec l’ouvrage : il reste encore du travail à
effectuer au niveau de la périlleuse ouverture, qui fait entendre des
cors trop timides, tandis que le pupitre des hautbois se montre faible
au niveau de la virtuosité (une constante tout au long du concert,
surtout en comparaison des superlatifs flûtes et bassons). En dehors de
ces imperfections techniques, on retrouve le geste sûr de Vashegyi qui
privilégie l’assise des basses et la précision des attaques à la
dynamique, parfois un rien trop raide. Si l’ouvrage sollicite beaucoup
les vents, il donne aussi une part éloquente au choeur, sans doute le
plus bel atout de la soirée grâce au choeur Purcell, qui ravit par son
engagement et ses nuances, sans jamais négliger la nécessaire diction.
Que dire, aussi, du superbe plateau vocal réuni, qui donne à Sabine Devieilhe
(Alphise) l’occasion de démontrer une fois encore toute sa classe dans
ce répertoire, entre timbre de rêve, suprême maitrise technique et art
de sculpter les mots au service du sens ! A peine pourra-t-on lui
reprocher un manque de volume en certains endroits, mais c’est là un
détail à ce niveau interprétatif. C’est peut-être plus encore Reinoud Van Mechelen (Abaris) qui
remporte une totale adhésion, tant il prend à bras le corps toutes les
difficultés vocales, étonnamment nombreuses, qui font soupçonner des
influences italiennes pour l’écriture de son rôle. Eloquence et phrasés
aériens se conjuguent pour donner à son interprétation un sens de
l’évidence, comme si le rôle avait été écrit pour lui. A ses côtés, Gwendoline Blondeel (Sémire,
Amour, Polymnie, Nymphe) surprend par son tempérament fougueux, porté
par une voix bien posée et puissante, dont on aimerait toutefois
davantage de variété sur la durée.
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